logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les Pratiques

Les «normes» santé-sécurité en question

Les Pratiques | Point fort | publié le : 26.04.2005 | Jean-François Rio

Elever le niveau de sécurité en entreprise via une gestion maîtrisée des risques professionnels, c'est ce que promettent les systèmes de management santé-sécurité. Alors que ces nouvelles approches du traitement de la santé au travail montent en régime, elles n'ont pas encore convaincu les pouvoirs publics ni les organismes de prévention.

Les entreprises doivent-elles faire certifier leur politique de prévention des risques professionnels ? Doivent-elles déployer des systèmes de management santé-sécurité (SMS) qui, à l'instar des normes ISO 9 000, pour la qualité, et ISO 14 000, pour l'environnement, reposent sur des référentiels certifiables ? Alors que le débat sur la santé au travail bat son plein, ces questions agitent aujourd'hui les pouvoirs publics et les organismes de prévention. Lesquels font montre d'une très grande réserve sur la pertinence de ces approches gestionnaires de la santé-sécurité. « Il faut dire que ces nouvelles démarches viennent percuter la conception française de la santé au travail, construite sur les piliers de la réglementation et des relations sociales », observe Franck Ollivier, coordinateur sécurité chez Adecco.

Image de marque

Sur le papier, pourtant, normaliser la gestion de la santé-sécurité est un exercice séduisant. De fait, le mouvement paraît lancé, tant en France qu'en Europe. Selon certaines estimations, il y aurait, depuis 1999, environ 800 établissement détenteurs de la norme Oshas 18001 (Occupational Health and Safety Assessments Series) dans l'Hexagone. Pour une entreprise, en effet, la mise en place d'un SMS comporte de nombreux avantages : implication du management vers un objectif commun, mise en oeuvre de procédures, déploiement d'indicateurs, audits de suivi... Quant à la certification, elle vient couronner le dispositif. C'est aussi un label, capable de booster l'image de marque de l'entreprise et, pourquoi pas, d'attirer de nouveaux clients.

Sur le marché, plusieurs référentiels cohabitent. Le plus répandu est sans conteste Oshas 18001. D'inspiration anglo-saxonne, il se calque aisément sur les normes ISO 9001 et ISO 14001. « La démarche Oshas 18001 emprunte la même voie structurante que celle conduisant aux normes ISO. L'intérêt pour une entreprise qui détient ces trois certifications consiste à mettre en place un système de management intégré. Cela dit, Oshas peut être déconnecté des normes ISO », indique Christophe Gasquet, directeur marketing de LRQA France, organisme de certification, filiale du groupe anglais Lloyd Register Quality Assurance.

Oshas 18001 : une norme non reconnue

Seul hic : la norme Oshas 18001 n'a pas été validée par les Etats membres d'ISO, l'organisation internationale de normalisation. Autre handicap : elle ne bénéficie pas de l'accréditation du Cofrac, la «police des polices» qui scrute le sérieux et la compétence des organismes certificateurs. Quel intérêt, dans ces conditions, pour une entreprise, de se lancer dans ces démarches fastidieuses et coûteuses. « Initialement, ajoute Christophe Gasquet, l'entreprise entend améliorer sa politique de prévention des risques ainsi que la cohérence de celle-ci avec les autres systèmes de management. Pour un dirigeant, l'enjeu est aussi financier puisqu'il entend, au passage, diminuer le montant de ses cotisations AT/MP. C'est un sujet de toute façon très mobilisateur pour l'entreprise et qui intéresse véritablement les salariés. Aux pouvoirs publics de donner une impulsion pour que ces normes bénéficient d'une reconnaissance. »

Le reférentiel ILO 2001 encouragé

« Attention à ne pas confondre qualité et sécurité au travail, rétorque Robert Piccoli, adjoint au sous-directeur des conditions de travail à la DRT. Ces deux domaines ne relèvent pas de la même nature. En santé-sécurité, ce n'est pas parce que l'entreprise est certifiée que les résultats sont au rendez-vous. »

La position des pouvoirs publics évolue cependant vers plus de pragmatisme. Même si aucune consigne ou recommandation écrite n'existe, l'administration encourage les entreprises, mezza vocce, à privilégier le référentiel ILO 2001, édifié par l'Organisation internationale du travail (OIT). « Il est davantage conforme à nos attentes, notamment parce qu'il tient compte des modes de régulation sociale. En outre, l'OIT, qui est une organisation tripartite, a une forte légitimité. La norme Oshas a, quant à elle, été formalisée par le secteur marchand. Cela dit, nous n'encourageons pas pour autant les entreprises à se faire certifier », observe Robert Piccoli.

Le comité d'orientation stratégique santé-sécurité au travail de l'Afnor s'est, lui, officiellement prononcé, l'an dernier, en faveur du référentiel de l'OIT. Et l'Afaq a commencé, depuis peu, à certifier des entreprises sur cette base. La première entreprise européenne à avoir décroché la norme ILO 2001 est DTP Terrassement, une filiale de Bouygues Construction employant 3 000 salariés. « C'est une sorte de chapeau édictant les principes directeurs de la gestion de la santé/sécurité au travail, avec, bien entendu, une portée internationale », témoigne Eric Lefebvre, directeur adjoint en charge de la santé-sécurité, de la qualité et de l'environnement chez DTP Terrassement.

Si les pouvoirs publics ont légèrement infléchi leur position sur les systèmes de management santé-sécurité, c'est aussi parce que des expériences positives commencent à émerger du terrain. L'INRS, avec le concours des Cram, est en train de boucler une étude qualitative sur les SMS. Plus de 200 entreprises de toute taille et de tout secteur y ont participé.

Positions nuancées

Les premiers résultats seront dévoilés lors d'un colloque, les 20 et 21 juin prochains, à Marseille. Mais cette enquête, dont les travaux ont débuté en 2002, tendrait à prouver que les entreprises sondées et visitées sont plutôt satisfaites de cette expérience. « L'INRS est toujours réservé sur le sujet, mais nous conseillons plutôt aux entreprises de se référer aux principes directeurs de l'OIT, sans nécessairement viser une certification », tranche Eric Drais, responsable d'études à l'INRS. Un sentiment également partagé par la Cnamts, plus nuancée cependant sur la certification. « Nous ne sommes ni contre ni pour les certifications. Cela relève d'une décision d'entreprise », exprime Dominique Saitta, ingénieur-conseil au département prévention des risques professionnels de la Cnamts.

Reste une question essentielle : les SMS ont-ils réellement un impact sur la survenance des accidents du travail et des maladies professionnelles ? La réponse est pour le moins nuancée puisque la grande majorité des entreprises qui utilisent ces référentiels sont souvent de bonnes élèves.

Auteur

  • Jean-François Rio