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SANS

Demi-patron

SANS | publié le : 26.02.2002 |

Il porte beau et parle fort.

Assez fort en tout cas pour qu'il soit bien sûr qu'on connaisse ses opinions : sur les fonctionnaires, qu'il déteste, sur les politiques, qu'il méprise, sur ses concurrents, qu'il rabaisse en annonçant régulièrement leur tout prochain dépôt de bilan, et, plus généralement, sur tout ce qui n'entreprend pas assez à son goût.

Avec les médias, il s'efforce de plaire.

Jamais à court d'imagination quand il s'agit de préséances, il se précipite sur le moindre journaliste stagiaire pour peu qu'il imagine accéder ainsi à la rubrique "people" des magazines les plus obscurs. Pour être devant sur la photo, on dit qu'il est capable de marcher sur les pieds de ses collaborateurs, et pas seulement au sens figuré.

Il court les congrès, les conférences, les cocktails, tout ce qui bouge, tout ce qui parle de l'entreprise : il affiche à chaque occasion un sourire carnassier, genre conquérant de cash flow, et raconte à qui veut ses projets de croissance, ses recettes contre la conjoncture, ses gris-gris de management.

Avec ses collaborateurs, il plastronne dans son habit de lumière, Grand Générateur de marge brute, Danube de la valeur, Himalaya du cours de Bourse, qu'on se le dise. Et qu'on se tienne à trois pas.

Il a aussi quelques qualités, bien entendu : il voit dans le noir, repère les projets concurrents avant même que leurs auteurs n'y pensent, lit dans les pensées des traîtres, et peut travailler trois jours sans dormir.

Avec tout ça, il joue au patron, et obtient quelques sérieux succès financiers.

On se rencontre.

Il me fait un grand numéro sur la création d'entreprise, son dada, sur le manque de créateurs, de vrais entrepreneurs, cette génération qui n'a pas ce qu'il faut où il faut (j'ai peur de comprendre). Il guette mon approbation. Je fuis le débat. Il insiste. Je plonge.

« Vous croyez dominer le monde parce que vous maîtrisez l'argent. L'argent des autres, bien sûr. En réalité, vous êtes sans influence sur le cours des choses, parce que pour créer de la valeur, il faut assumer des risques personnels et savoir mobiliser sur un projet, et pas seulement à son propre service. Deux choses que vous ignorez. Je vous le dis : vous n'êtes qu'un demi-patron. »

Non mais !