logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

SANS

Arcelor revoit sa "cogestion" à la baisse

SANS | publié le : 26.02.2002 |

Les syndicats disposeront de trois sièges sur dix-huit au conseil d'administration du nouveau géant mondial de l'acier. Une représentation revue à la baisse par rapport aux formules de participation déjà pratiquées chez Usinor et chez le luxembourgeois Arbed.

Les syndicats auront droit de cité dans le saint des saints d'un nouveau géant mondial : le conseil d'administration d'Arcelor, le numéro un de l'acier, qui vient d'achever sa mise en place et est coté, depuis le 18 février dernier, sur les places de Paris, Bruxelles, Amsterdam et Madrid, accueillera trois représentants des salariés parmi ses 18 membres. Ces heureux élus seront issus des rangs de chacun des trois groupes à l'origine d'Arcelor : un Français viendra d'Usinor, un Luxembourgeois d'Arbed et un Espagnol d'Aceralia. Leur désignation a incombé aux directions respectives. En France, le siège sera occupé par la CFDT, pourtant devancée par la CGT à l'issue des dernières élections professionnelles, en 2001.

Cette forme de "cogestion" ne constitue en fait qu'une demi-victoire pour les syndicats. Ils convoitaient cinq sièges, en ajoutant à la table des représentants des salariés belges et allemands, au nombre respectif de 22 000 et 10 000 (le groupe français avait repris, en 1999, le belge Cockerill-Sambre, NDLR). Ils n'ont pas été suivis par la direction du nouveau groupe, qui assume sa position minimaliste : « Le chiffre de trois correspond au nombre de groupes fondateurs », se contente-t-elle d'indiquer. Cette présence au conseil d'administration, qui n'avait rien d'obligatoire, les syndicats l'ont obtenue au nom du passé : le mécanisme mis en place par Arcelor ne fait que prolonger une pratique déjà ancrée dans la sidérurgie européenne, et sa remise en cause aurait sans doute provoqué une levée de boucliers.

Les nouveaux dirigeants ont quand même prévu une révision à la baisse, par cette proportion d'un siège "syndical" sur six. Chez Usinor, le personnel dispose en effet de quatre sièges sur dix-huit, en incluant le représentant des salariés actionnaires. Chez Arbed, il occupe un tiers des places. La direction d'Usinor ne le cache pas : cette reconduction « constitue une référence à l'histoire du groupe ». C'est, en effet, à l'occasion de sa nationalisation, en 1982, que cette représentation du personnel a été instaurée, et conservée, ensuite, à sa privatisation, en 1995.

Cénacle consensuel

Avec l'expérience, sa portée est, en outre, à relativiser. Usinor estime qu'elle n'a pas constitué une entrave à la conduite de sa politique industrielle. Ce que confirme Pierre Coletti, administrateur CFDT chez Usinor : « Ne nous berçons pas d'illusions, la présence syndicale n'empêche pas la fermeture d'usines ni les plans sociaux. Elle n'influe pas sur les décisions relatives au capital, comme le montant des dividendes et leur répartition. Mais elle est une voix d'une autre tonalité, qui apporte la contradiction dans un cénacle bien consensuel. Le conseil d'administration est ainsi amené à aborder des questions sociales, ce qui nous permet d'en connaître la vision de la direction. Ce fut le cas, par exemple, pour la mise en place de la RTT. Et le résultat de ces débats est relaté aux actionnaires à travers le rapport à l'assemblée générale. » Marc Barthel, délégué CGT, exprime une opinion tout aussi mitigée : « Cela porte atteinte à notre indépendance vis-à-vis des patrons. Mais, le dialogue n'est pas une mauvaise chose en soi. »

Accord de méthode

Pour les syndicats, la représentation au conseil d'administration vient en complément des lieux plus classiques de lutte que sont la rue, les comités d'entreprise et, surtout, le comité de groupe européen (CGE). Les négociations sur la création de cette structure au sein d'Arcelor ont débuté en janvier dernier, avec la signature d'un accord de méthode précisant la composition du "Groupe spécial de négociation", et devraient aboutir avant la fin mars. Ses objectifs : constituer un comité européen au plus haut niveau, c'est-à-dire au Luxembourg, et mettre un frein aux CGE existants chez Usinor et Arbed. « Nous attendons de la direction qu'elle respecte ses engagements de s'approcher au plus près des dispositions prévues par la directive sur la société européenne, explique Dominique Plumion, secrétaire adjoint CFDT du comité de groupe d'Usinor. Nous proposons également de mettre en place une structure, sinon de négociation, de rencontres sur des thématiques transnationales, comme la formation ou la gestion des compétences. »

ARCELOR

Chiffre d'affaires consolidé : 30 milliards d'euros en 2000.

Production : 45 millions de tonnes en 2001.

Effectifs : 100 000 salariés, dont 39 000 en France, 19 000 en Espagne et 7 000 au Luxembourg.

Capitalisation boursière : 6,5 milliards d'euros.

L'essentiel

1 Le nouveau groupe Arcelor, issu de la fusion d'Usinor, d'Arbed (Luxembourg) et d'Aceralia (Espagne), accueillera trois représentants des salariés parmi les 18 membres de son conseil d'administration.

2 Cette représentation est insuffisante pour les syndicats, qui revendiquaient cinq sièges, et marque également un recul par rapport aux pratiques antérieures des groupes Usinor et Arbed.

3 Les syndicats se focalisent désormais sur la négociation en cours pour mettre en place le comité de groupe européen. La direction s'est engagée à s'approcher au plus près des dispositions prévues par la directive sur l'implication des travailleurs dans les sociétés européennes.

La cogestion tripartite reconduite au Luxembourg

Au Luxembourg, le modèle de cogestion, reconduit en janvier dernier, associe non seulement les syndicats mais aussi l'Etat en tant qu'actionnaire de référence d'Arbed. La "commission tripartite" direction-gouvernement-syndicats, instaurée en 1976, écoute et amende, d'année en année, la stratégie globale du groupe Arbed, sans s'immiscer dans sa gestion quotidienne. Elle prévoit explicitement des garanties quant à la préservation des sites et, dans la mesure du possible, des emplois luxembourgeois. « A son origine, elle a incontestablement sauvé la sidérurgie nationale », estime Alain Kinn, responsable du secteur au syndicat OGBL. Dans les années 1970, le Grand-Duché a, tout en procédant à des coupes claires, maintenu ses sites d'aciers longs et les a préparés aux révolutions technologiques des années 1990, alors que dans le même temps, le bassin de Longwy, en Lorraine, voisin de quelques kilomètres, entrait dans la spirale inexorable du déclin. La commission continuera à fonctionner, mais son action dépendra du degré d'autonomie laissé à chaque composante du nouveau géant. Elle se consacrera à la politique sociale et aux relations direction-syndicats, « domaines où chaque pays gardera sa propre marge de manoeuvre », ajoute Alain Kinn.

La directive sur la société européenne

Adoptée le 8 octobre dernier, en même temps que le règlement qui fixe le statut de la société européenne (un nouveau type de société par actions permettant aux entreprises ayant des activités dans au moins deux Etats membres de créer une société unique dans toute l'Union), cette directive précise la procédure à suivre pour la doter d'une représentation du personnel. Objectif : garantir que « la création d'une société européenne n'entraîne pas la disparition ou l'affaiblissement du régime d'implication des travailleurs existant » dans les sociétés d'origine. L' "implication" est définie comme « l'information, la consultation, la participation et tout autre mécanisme par lequel les représentants des travailleurs peuvent exercer une influence sur les décisions à prendre au sein de l'entreprise ». Ces dispositions entreront en vigueur en octobre 2004.