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Pourquoi la DRH de Siemens France vend des services

SANS | publié le : 29.01.2002 |

Soumise à des impératifs de rentabilité, la DRH de Siemens France s'inscrit dans un modèle client-fournisseur, en facturant des services dans et hors de l'entreprise. Mais ce ne peut être l'unique objet d'une DRH. Ce qui relève de la politique corporate n'est pas facturable.

E & C. La question de la rentabilité de la fonction RH se pose régulièrement. Comment abordez-vous cet enjeu ?

Didier Morfoisse. Dans les périodes difficiles, les premières fonctions touchées par la réduction des coûts sont invariablement la RH et la Com. Face à cette situation, deux solutions. Faire contrition en essayant de se rapprocher des meilleurs benchmarks RH, en réduisant au maximum les effectifs de la fonction par rapport à l'effectif total, ou se positionner comme offreur de services. C'est cette solution que nous avons choisie, en nous plaçant dans une relation de client-fournisseur pour l'interne mais aussi à l'extérieur de l'entreprise. Les recettes réalisées financent 40 % du budget de la DRH centrale.

Cette approche nous a permis de distinguer clairement dans les fonctions RH groupe les domaines qui relevaient de la prestation de service payant et ceux qui relevaient du pouvoir régalien - on dirait aujourd'hui corporate, ces derniers étant par nature non facturables.

E & C. De quelle manière procédez-vous pour contractualiser avec des clients internes ?

D. M. : A partir des besoins qu'ils expriment, nous élaborons une offre. Nous préparons des customer councils, des focus groups pour l'affiner. Nous la "marketons" soigneusement, avec des gens de la finance et de la communication. Pour développer la capacité à "monter" de telles offres, il faudra à l'avenir développer au sein des RH les postes liés aux systèmes d'information, au marketing/vente et à la gestion. Nous avons par exemple packagé Hermès, solution de gestion de la mobilité interne et des recrutements, la gestion des bulletins de salaire, ou encore des modules de formation... Nous travaillons aussi en ce moment sur une plate- forme de produits e-learning en partenariat avec Accenture. Plus une offre de conseil en interne. Cette démarche place les RH dans la même dynamique que le reste de la maison : faire du business, vendre du service. Rien de tel pour installer les relations entre dirigeants et RH sur un pied d'égalité.

Mis en concurrence avec des prestataires externes, nous sommes généralement moins chers et mieux-disants. Nous travaillons sur des produits pour un certain nombre de clients assurés. Les coûts de l'élaboration et de la mise en oeuvre d'une offre sont alors déjà en partie amortis. En ce moment, nous sommes notamment en short-list à la Société générale pour un programme de e-learning destiné à des commerciaux.

E & C. : Cette financiarisation des ressources humaines est-elle bien comprise en interne ? D'autre part, en poussant la logique jusqu'au bout, pourquoi ne pas externaliser totalement le service RH ?

D. M. : En effet, l'une des questions posées chez nous sur cette démarche est la suivante : quelle est la place du client interne vis-à-vis du client externe ?

Pour moi, elle doit rester prépondérante : le fil rouge d'une DRH n'est pas de vendre du service à l'extérieur mais de mettre en forme et de réaliser le projet interne de l'entreprise et de ses salariés. Si le développement des services peut permettre d'alléger les coûts, en aucun cas l'objectif ne doit être d'autofinancer la fonction.

Quant à l'externalisation totale de la fonction RH, je la crois nuisible et contre-productive. De plus en plus, il reviendra aux RH d'être capables d'identifier les talents non seulement pour eux mais dans la sphère d'influence de l'entreprise (fournisseurs, free-lance, sous-traitants). Dans l'économie de demain, orientée vers la création de services et non la simple mise à disposition de produits, mon pari est que le nombre de collègues en charge de la fonction personnel par rapport à l'effectif total (actuellement de 1 % à 3 % en moyenne) triplera.

Plus que jamais, il reviendra à la DRH d'agir comme le bras armé de l'entreprise, en diffusant des valeurs communes, un sentiment d'appartenance, en créant du lien et du sens.

Du lien multiple : le médiateur qu'est le RH devra passer de plus en plus de temps non seulement avec les représentants du personnel, mais aussi avec les représentants de la société civile, de plus en plus partenaires de l'entreprise (associations, groupes d'influence...).

Du sens dans un univers qui continuera à se complexifier avec, outre les normes du droit du travail, la prise en compte de l'environnement et la reconnaissance de l'homme et de la femme au travail dans toutes leurs dimensions - de citoyen, de consommateur et d'actionnaire.

Dans tout cela, c'est de la définition de l'affectio societatis dont on parle, autrement dit ce que les juristes définissent comme l'objet d'une société : le désir de faire ensemble. Cela ne se facture pas.

SIEMENS FRANCE

Effectifs : 12 000 salariés, 40 sociétés.

Chiffre d'affaires : 4 milliards d'euros.

Le groupe Siemens est le second employeur privé européen avec 420 000 salariés. Equipement automobile, industriel, télécoms, médical, transport..

PARCOURS

- A 47 ans, Didier Morfoisse est DRH de Siemens France depuis 1996. Depuis l'été dernier, il coordonne aussi les programmes ressources humaines des pays de l'Europe latine. Par ailleurs, il enseigne à l'IEP de Paris.

Diplômé de Sciences-Po. Paris et titulaire d'un 3° cycle de droit européen, il commence sa carrière chez Péchiney comme adjoint RH de l'usine d'alumine de Gardanne.

Il sera ensuite "Labor Relations Supervisor" de Dow Chemical France, où il met en place l'une des premières cellules complètes de reclassement lors de la fermeture du site de Seclin. Puis DRH au Crédit mutuel pour le sud de la France.

Entre 1988 et 1991, "European Labor Relations Manager" de General Electric Medical Systems, il réalise la fusion entre GE et la CGR, filiale de Thomson.