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Le rapport Quintreau exhorte à faire vite

SANS | publié le : 29.01.2002 |

Un rapport d'étape consacré à la gestion des âges doit être remis à Elisabeth Guigou en fin de semaine. Il préconise la mise en place imminente d'un plan d'actions qui devrait débuter, dans quelques semaines, par une conférence nationale sur ce thème.

Le sujet préoccupe. Le nombre de colloques et séminaires organisés sur la gestion des âges, ces derniers temps, l'atteste. De plus, tout le monde s'accorde sur le caractère urgent de ce dossier. « L'équation est simple : en 2010, plus de 35 % des salariés auront plus de 55 ans et 10 % seront âgés de moins de 25 ans », explique Bernard Quintreau, rapporteur du Conseil économique et social sur les "Âges et emploi à l'horizon 2010". Consciente de l'urgence, Elisabeth Guigou a mandaté ce dernier par une lettre datant du 2 janvier dernier. Sa mission consiste à « éclairer sur les conditions à réunir et sur les propositions à formuler pour que s'engagent des politiques actives de gestion prévisionnelle des âges et d'incitation au maintien dans l'emploi des salariés âgés ».

Les constats et les pistes formulés par Bernard Quintreau, dans le rapport, à ce jour inachevé, ne souffrent d'aucune ambiguïté. Si la gestion des âges n'est pas mûrement pensée, dès aujourd'hui, les entreprises seront con- frontées à des difficultés accrues, car elles devront maintenir dans l'emploi leurs salariés les plus âgés. Plus prosaïquement, cet ancien secrétaire régional formation emploi de la CFDT ouvre plusieurs pistes s'articulant autour de quatre axes.

Refonte des politiques de formation

Premier champ d'actions : la formation. La fin de carrière doit être valorisée, selon lui, au moyen des reconversions professionnelles. Cela passe par la validation des acquis ou par la formation. Mais, le préalable est la refonte des politiques de formation dans les entreprises. « La France est l'un des pays européens qui pratiquent le moins la formation continue », regrette- t-il. De leur côté, les organismes de formation, à l'instar des cabinets-conseils, devront faire des efforts considérables pour s'adapter à la demande des salariés de plus de 45 ans. Car, bien qu'alertés depuis une quinzaine d'années, ils ne se sont pas vraiment penchés sur la question de la gestion des âges. Et ne proposent ni une méthodologie ni une ingénierie adaptées. Par ailleurs, ajoute-t-il, « le temps de formation doit être un moment privilégié et partagé entre les jeunes générations et les plus âgés ». Bernard Quintreau refuse l'idée de dispositifs de formation exclusivement réservés aux quinquas, ce qui conduirait à les "stigmatiser" et ne pemettrait pas la "mutualisation des savoirs et des acquis".

Echanges de bonnes pratiques

Quant aux conditions de travail, elles constituent le deuxième levier d'actions. « Elles doivent être réfléchies en concertation avec les salariés », alerte-t-il. Cette mesure s'accommoderait, d'une part, du renforcement du rôle des CHSCT et d'une revalorisation de la fonction de médecin du travail, avec à la clé une augmentation de leurs rémunérations. D'autre part, les entreprises sont conviées à prendre exemple sur leurs consoeurs déjà confrontées au vieillissement , et qui ont intégré des actions de gestion des âges dans leur politique. C'est le cas dans la métallurgie (Usinor), l'aéronautique (EADS) ou dans la branche des assurances, avec la création d'un observatoire paritaire. Du reste, l'un des objectifs de la mission Quintreau est de mettre en place un portail Internet pour favoriser les échanges de bonnes pratiques.

Plans de déroulement des carrières

Le troisième axe, probablement le plus important aux yeux de Bernard Quintreau, se traduit par la mise en place de véritables plans de déroulement des carrières au sein des entreprises. Cette mesure s'inscrira dans le cadre du dialogue social, nourri non seulement au niveau de l'État et des partenaires sociaux, mais aussi à l'échelon de l'interprofessionnel, des branches et, bien entendu, de l'entreprise.

Bernard Quintreau avance une autre idée : « Les grandes entreprises devraient pouvoir affecter certains de leurs cadres dans des missions PME. » Dans ce contexte de flexibilité, tous les temps sociaux (travail salarié, vie familiale et sociale, loisirs...) seront pris en considération. Ainsi, comme l'organisation ternaire des cycles de vie (formation,travail,retraite) devient de plus en plus souple, l'aménagement du temps de travail doit prévoir des moments de retraits provisoires. « Ces périodes de respiration dans une carrière, préconise-t-il, peuvent revêtir la forme de comptes épargne-temps au bénéfice aussi des non-cadres.

Par ailleurs, il tient à la remise à niveau des salariés revenant d'un congé parental, « souvent réaffectés à des emplois moins intéressants ». De fait, il préconise la mise en place de cycles de formation ou de bilans de compétences en fin de congé parental, afin de leur donner l'opportunité de se reconvertir.

Sursis de dix ans pour les préretraites

Enfin, pour Bernard Quintreau, l'approche "déroulement des carrières" doit être globale et prendre en compte le salarié dès son entrée dans le travail jusqu'à son départ. Néanmoins, les approches curatives et spécifiques au personnel âgé ne sont pas vouées aux gémonies. En tout cas, pas dans l'immédiat. Pour lui, il faut accorder un sursis de dix ans aux dispositifs des préretraites. « On ne peut pas refuser la préretraite à une personne qui a commencé jeune et qui a travaillé dans des conditions pénibles. » Il faudrait, selon lui, s'inspirer de pays comme les Pays-Bas ou la Finlande, qui ont su réorienter leurs politiques de retraite vers une politique d'emploi des plus âgés. « Si l'on souhaite prolonger l'activité des seuls 30 % qui arrivent à l'âge de la retraite encore en activité, ça ne sert à rien, car on ne prend pas en compte les 70 % restants », argumente-t-il. A cet égard, il rejoint les positions du Conseil d'orientation des retraites, réuni en assemblée plénière, le 24 janvier. S'attaquer aux retraites, c'est aussi se préoccuper de l'emploi des plus âgés.

Lui-même pris dans un tourbillon - il doit remettre son rappport final à la fin du mois -, Bernard Quintreau veut que le débat s'engage très vite : « On ne peut pas attendre le débat sur les retraites complémentaires à la fin 2002, début 2003 ou l'annonce d'une éventuelle réforme des retraites. Sinon, la question de la gestion des âges risque de passer à la trappe. » C'est la raison pour laquelle le rapporteur propose un calendrier très serré, qui débuterait avant les présidentielles. Il exhorte le gouvernement à organiser une conférence nationale autour du thème de la gestion des âges, pourquoi pas courant mars ? Elle serait, alors, le point de départ d'actions de concertation.

REPERES

Les quatre lignes directrices du rapport

1 - Inscrire la gestion des âges dans le concept plus vaste du "plein emploi de qualité", tel que recommandé par le Conseil européen de Stockolm, en mars 2001 ;

2 - Mener des actions prospectives, curatives et de prévention pour les salariés âgés ;

3 - Assurer la transversalité des démarches entreprises, qu'elles soient sous forme de formation, liées à l'organisation du travail ou à la santé au travail, et également veiller à la transversalité des actions entre les différents acteurs ;

4 - Favoriser l'approche intergénérationnelle, par le truchement du tutorat ou au cours des formations où la mutualisation des connaissances doit être favorisée.

L'UE pour le «vieillissement actif»

La Commission européenne a adopté, le 24 janvier, un rapport préconisant la création de 20 millions d'emplois, dont 11 à 12 millions destinés aux femmes et 5 millions aux travailleurs âgés pour atteindre les objectifs fixés à Lisbonne et à Stockholm. Pour mémoire, les objectifs de relèvement du taux d'emploi à l'horizon 2010 sont de plus 70 % pour l'ensemble des salariés. C'est-à-dire une progression de 60 % pour les femmes et de 50 % pour les travailleurs âgés. Le rapport propose une approche globale visant à encourager le vieillissement actif, au moyen d'incitations financières et en promouvant les initiatives de développement des compétences. Le rapport sera présenté, en mars, au sommet de Barcelone.