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La semaine

Salima Benhamou Économiste au departement travail-emploi-competences de france strategie*

La semaine | L’interview | publié le : 02.05.2017 | Sabine Germain

« L’avenir du travail ne tourne pas seulement autour de l’ubérisation »

Plutôt qu’à l’avenir du travail, vous vous êtes intéressée aux évolutions de l’organisation du travail…

Les questionnements actuels sur l’avenir du travail me semblent un peu trop binaires, entre un passé idéalisé et un futur forcément ubérisé. La digitalisation n’est pourtant pas la seule tendance à l’œuvre dans le monde du travail : l’intensification de la concurrence, la démographie, les déséquilibres du marché du travail, les besoins en compétences auront aussi un impact fort. J’ai donc décidé d’aborder ce sujet en partant des quatre modèles actuels d’organisation du travail : les deux formes traditionnelles (les structures simples et les organisations tayloriennes) et les formes plus modernes (la production lean et les organisations apprenantes), avant d’imaginer comment ces organisations pourront évoluer à l’horizon 2030.

Quelles sont les projections de France Stratégie ?

En France, une grosse moitié des salariés du secteur privé travaille dans des organisations modernes (apprenantes ou Lean), contre les deux tiers en moyenne européenne. Le modèle de l’entreprise apprenante, qui me semble offrir les meilleures opportunités aux salariés aussi bien qu’aux entreprises, peine à s’imposer : il ne concerne qu’un tiers des salariés français. Je propose donc un scénario dans lequel les organisations apprenantes pourraient se diffuser massivement, notamment dans la santé et des services à la personne. Ces métiers sont déjà passés d’une structure simple à une structure apprenante aux Etats-Unis, au Canada, en Suède ou aux Pays-Bas : ils sont intégrés dans des structures et parcours de mobilité et de formation communs avec les cadres administratifs ou médicaux.

L’avenir sera-t-il aussi rose ?

D’autres scénarios plus inquiétants, liés à l’intensification de la concurrence, l’instabilité et le Big Data, sont aussi possibles. Ces tendances sont propices aux organisations souples, hautement flexibles, dans une logique de rationalisation permanente des coûts de structure et de main-d’œuvre. Elles vont favoriser les entreprises totalement dématérialisées et déterritorialisées, d’un côté ; les structures simples et ultra-flexibles, ne recourant plus qu’à des travailleurs en « super interim » de l’autre. Ce scénario donnerait naissance à un marché du travail à deux vitesses, avec une techno-élite bien intégrée et un techno-prolétariat cantonné aux tâches à faible valeur ajoutée. Les choix organisationnels dépendront largement de la qualité de la main-d’œuvre disponible. C’est pourquoi je suis convaincue que l’éducation et la formation doivent être nos priorités absolues.

* Auteure du rapport Le travail en 2030, ce que nous annoncent les mutations dans l’organisation du travail.

Auteur

  • Sabine Germain