IL Y A UNE CERTAINE IRONIE à titrer l’ouvrage de celui qui fut l’un des principaux rédacteurs des discours du président Sarkozy « En finir avec l’économie du sacrifice », quand son mandat, dans la logique néo-libérale qui fut la sienne, a participé au creusement de la fracture sociale dont Henri Guaino avait d’ailleurs, sous Chirac, médiatisé le terme. Mais, reprenant son identité de gaulliste de gauche, Henri Guaino fait en quelque sort amende honorable et recentre le discours sur le social. Et comme l’auteur fut toujours eurosceptique, il met en sourdine l’inspiration libérale pour monter en épingle tous les « sacrifices » auxquels nous contraint l’économie européenne. Voilà la bête électorale caressée dans le sens du poil populiste. Mais il faut reconnaître que la rhétorique est intelligente. À partir d’une charge virulente contre « les trop bons élèves » qui restent obstinément scotchés aux doctrines apprises, Guaino dénonce les élites. Mais il rebondit aussi habilement sur le côté novateur qu’il veut incarner en dénonçant l’illusion financière, la flexibilité du travail, l’insoluble problème du logement pour les précaires, l’obsession du modèle allemand, etc. Tous problèmes issus, selon l’auteur, d’une réflexion économique qui regarde dans le rétroviseur plutôt que devant elle. À partir de l’abolition de toute régulation étatique, le marché mondialisé ne parviendra pas magiquement, selon lui, à la création d’un équilibre économique et social modernisé, mais à une destruction sociale alarmante qu’il est urgent d’enrayer. Piquant à l’heure où le très libéral – économiquement – François Fillon fait désormais figure de favori de la droite.