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L’enquête

La fin du 0,9 % plan : « Un effet de sidération »

L’enquête | publié le : 31.05.2016 | L. G.

La fin de l’obligation légale a laissé beaucoup de responsables formation démunis. Les entreprises sont désormais face à elles-mêmes en matière de financement de leur effort.

La fin de l’obligation légale de 0,9 % de la masse salariale pour le plan de formation et la création d’un nouveau taux obligatoire de 1 % : plus que le CPF, voilà le vrai cœur de la réforme. Et, pour Jean-Pierre Willems, expert du droit de la formation, ce choix a eu un « effet de sidération dans les entreprises ». D’autant plus que le conventionnel n’a pas pris le relais de la fin de l’obligation légale. « Les accords signés s’inscrivent dans le discours du Medef, explique-t-il. “Tout dirigeant responsable investit dans la formation, mais la décision d’investissement relève de sa décision individuelle. La négociation n’a pas à encadrer ce que la loi n’encadre plus”. »

Conséquences : certaines entreprises ont continué comme avant. D’autres ont fait le choix de l’économie (réalisation des formations obligatoires, forte pression des directions générales et/ou financières pour revoir à la baisse les budgets et les volumes de formation), renforcée par l’idée que « le CPF a pu être un argument de déresponsabilisation pour les entreprises, renvoyant à la stricte décision individuelle du salarié l’usage du droit ». D’autres ont opté pour l’innovation, avec « une plus grande diversification des modes de formation et une culture grandissante du développement professionnel par divers moyens ».

Au final, pour Jean-Pierre Willems, les effets de la réforme ne sont pas forcément dessinés d’avance : « On pourrait constater un maintien, voire une extension, des pratiques de développement des compétences, tout en notant une forte réduction des budgets d’achats de formation. Il devrait en résulter une baisse statistique du taux d’accès à la formation, sans que l’on puisse en conclure une baisse corrélative du développement professionnel », conclut-il.

Un Coût plus élevé

L’exemple d’Orange montre que la fin de l’obligation légale fiscale n’était pas un enjeu majeur mais qu’elle a néanmoins des effets : « La réforme a mis fin à l’obligation de 0,9 % sur le plan dont, par accord conventionnel, nous versions 10 % à notre Opca : cette obligation est également tombée, explique Christophe Chollet. Mais Orange réalise des versements volontaires à Opcalia, qui lui apporte des services d’outsourcing et de paiement, notamment sur l’alternance. L’investissement sur le plan reste d’environ 6,5 % de la masse salariale, salaires compris. Aujourd’hui, la différence est que le 1 % nous coûte finalement plus cher que l’ancienne obligation, à cause du 0,2 % FPSPP, qui est plus cher, et du 0,2 % CPF. En revanche, la fin de la déclaration fiscale 2483 n’était pas du tout un enjeu pour nous, puisque son remplissage nous prenait assez peu de temps par an. »

Beaucoup estiment que la suppression du 0,9 % était logique, vu son essoufflement, mais, là encore, ils pointent le timing de la réforme : « La fin du 0,9 % est par principe une bonne chose, mais on aurait pu le gérer différemment, commente Marc Dennery, directeur du cabinet C-campus. On n’a pas pris en compte que la fin de cette obligation allait être percutée par la déferlante du digital learning. Il fallait anticiper les conséquences de cette évolution dans la négociation paritaire : le vrai deal utile aurait été la fin du 0,9 %, la libéralisation de la formation à distance et de celle en situation de travail, contre des moyens supplémentaires pour le CIF. L’entreprise avait son plan et sa période de professionnalisation, et le salarié un grand CIF : plus besoin de CPF. On aurait même pu aller plus loin en créant un crédit d’impôt pour l’investissement en formation. On n’aurait pas fait moins de formation, mais on l’aurait fait mieux. La formation est un facteur de développement de la croissance. Il ne fallait pas être frileux. La CGPME l’a peut-être mieux compris que le Medef. De toute façon, ce n’est que partie remise : en 2018, on aura une nouvelle réforme. Espérons qu’elle sera plus ambitieuse, moins technocratique et, surtout, mieux planifiée dans sa mise en œuvre. »

Pour Didier Cozin, dirigeant de l’organisme de formation AFTLV, la suppression fiscale a d’abord été un choix politique : « La fin du 0,9 % plan obéit à une demande du Medef et sa traduction par une baisse des charges. Elle débouche sur une vraie régression de l’effort de formation. Chez nos clients, surtout de grandes entreprises de main-d’œuvre, la politique est désormais de réaliser le minimum de formations obligatoires en laissant le solde – le développement des compétences – à la charge exclusive du salarié sur son CPF. »

Des PME moins aidées

De son côté, Jean-Michel Pottier, en charge des questions de formation à la CGPME, est convaincu : « Cela aboutit à une amputation du financement de la formation des PME. Et le pire est devant nous : quand on va constater la collecte 2016 sur les masses salariales 2015. Avec le nouveau 1 %, les entreprises, notamment celles de taille intermédiaire, vont s’apercevoir qu’il n’y a aucun grain à moudre. »

Alain Druelles, directeur de la formation du Medef, ne partage pas l’analyse : « On note un léger tassement des budgets depuis 2008, note-t-il, plutôt que l’effondrement annoncé par beaucoup. » Le Medef reconnaît que les entreprises de taille intermédiaire (les 20-300 salariés) n’ont plus l’aide de l’obligation légale du 0,9 % plan. Mais, il estime que, sur trois ans, elles peuvent reconstituer leur propre système de mutualisation en conservant en interne une capacité budgétaire identique à ce que donnait l’obligation légale.

Auteur

  • L. G.