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L’enquête

Salima Benhamou économiste et chef de projet au département travail et emploi de France stratégie

L’enquête | L’interview | publié le : 19.04.2016 | Virginie Leblanc

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Salima Benhamou économiste et chef de projet au département travail et emploi de France stratégie

Crédit photo Virginie Leblanc

« Nous préconisons une stratégie plus territoriale de la RSE »

Dans une étude récente réalisée pour France Stratégie*, vous avez mis en exergue le fait que la RSE procure un gain de performance en moyenne de l’ordre de 13 % par rapport aux entreprises qui ne l’introduisent pas. Comment ce gain a-t-il été calculé ?

Nous avons mobilisé deux bases de données de la statistique nationale d’une part pour construire quatre indicateurs relatifs à plusieurs domaines de RSE – ressources humaines, environnement et éthique, relation client et relation fournisseur – et un indicateur global qui agrège l’ensemble de ces domaines. D’autre part, nous avons construit des indicateurs de performance économique – profit, valeur ajoutée et excédent brut d’exploitation. Nous avons mesuré quantitativement le lien entre la RSE et la performance économique sur un échantillon représentatif de 8 502 entreprises d’au moins 20 salariés dans le secteur marchand. Nos résultats montrent sans ambiguïté, quels que soient la dimension RSE et l’indicateur de performance retenu, un écart de 13 % en moyenne entre les entreprises qui mettent en place des pratiques de RSE et celles qui ne le font pas, toutes choses égales par ailleurs. Mais ces écarts varient aussi selon les dimensions RSE observées : ils s’échelonnent de 5 % pour la relation client à 20 % pour la dimension RH.

Comment cela s’explique-t-il ?

La supériorité du gain économique imputable au domaine RH peut s’expliquer par une meilleure valorisation du capital humain et organisationnel de l’entreprise. Cela peut se traduire par des politiques RH agissant en faveur de l’investissement dans la formation, la mobilité interne, le management collaboratif. Ces pratiques, en suscitant les interactions avec les parties prenantes, favorisent l’innovation organisationnelle et améliorent le climat social. Cela ne veut pas dire que les entreprises doivent tout miser sur la RH en matière de RSE, bien au contraire, c’est la synergie entre les différentes dimensions de la RSE et leur complémentarité qui peut démultiplier la performance économique.

Fort de ce lien positif entre RSE et performance des entreprises, quelles sont les pistes d’action que votre rapport propose pour favoriser l’adoption de démarches RSE, notamment par les PME ?

Nous écartons l’idée d’une aide financière directe, pour éviter notamment les « effets d’aubaine », au profit de mesures d’accompagnement ciblées. Autre enseignement : les dispositifs contraignants (hard law) influencent certes l’adoption de pratiques RSE mais ils n’ont pas eux seuls d’effet significatif sur la performance économique. C’est lorsque qu’ils sont combinés avec des dispositifs volontaires (soft law) que des gains de performance s’observent significativement. Nos résultats soulignent aussi la nécessité d’une stratégie plus territoriale de la RSE tout en ciblant en priorité les PME et les TPE. Il faut souligner que les entreprises de 10 à 49 salariés sont seulement 28 % à mener des actions RSE, celles de 50 à 249 salariés sont 47 % à le faire, et ce, contre 84 % des entreprises de 500 salariés. Il existe aussi des disparités importantes entre régions en matière de RSE. Nous proposons concrètement la création de plates-formes territoriales, où l’ensemble des acteurs du territoire serait représenté – entreprises, fédérations professionnelles, syndicats professionnels régionaux, réseaux consulaires et bancaires, collectivités, universités, associations, etc. – pour créer un écosystème partenarial. Ces plates-formes favoriseraient un travail en réseau autour de plusieurs axes stratégiques RSE au service de la compétitivité et des territoires. Dans cet esprit, Nantes Métropole a mis en place une plate-forme pour accompagner les PME dans leurs projets RSE, notamment en matière d’achat public et de clauses d’insertion. Des programmes de parrainage de grandes entreprises peuvent aussi aider des PME en les faisant bénéficier d’actions de formation ou de communication, ou en les aidant à identifier des marchés potentiels à l’international…

Que pensez-vous des labellisations et certifications pour les PME et TPE ?

Ce sont des moyens de valorisation des démarches RSE auprès des donneurs d’ordre publics ou privés, et des consommateurs. Mais leur nombre important ne facilite pas leur lisibilité, voire leur crédibilité. Une labellisation sectorielle reconnue par l’État, comme le prévoit l’article 53 de la loi du 3 août 2009 dite Grenelle I, limiterait la profusion des labels. Pour autant, il nous semble nécessaire avant tout d’expérimenter, afin de bien identifier les difficultés que peuvent rencontrer les petites structures dans ces processus : pertinence des critères, mode d’évaluation, coûts financiers, etc. Toutefois, pour celles qui ne souhaitent pas rentrer dans un processus de labellisation, nous proposons la construction d’un indicateur RSE “intégré” pour les entreprises qui souhaitent plutôt s’inscrire dans une démarche d’autoévaluation. Cet indicateur – en retenant les éléments les plus pertinents au regard de l’activité de l’entreprise – vise à améliorer la qualité de l’intégration de la RSE et la transparence sur la cohérence d’ensemble de leur stratégie RSE.

* “Responsabilité sociale des entreprises et compétitivité. Évaluation et approche stratégique”, Salima Benhamou et Marc-Arthur Diaye, France Stratégie, en collaboration avec Patricia Crifo, université Paris-Ouest Nanterre et École Polytechnique, janvier 2016.

Auteur

  • Virginie Leblanc