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Responsabilité sociale : La RSE, pari gagnant pour les PME

L’enquête | publié le : 19.04.2016 | V. L.

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Responsabilité sociale : La RSE, pari gagnant pour les PME

Crédit photo V. L.

Pour diffuser plus largement la responsabilité sociale et sociétale dans les entreprises, les PME sont une cible de choix. Leur ancrage dans les territoires, l’engagement des dirigeants et la proximité avec leurs salariés sont un terreau favorable. Pour autant, le manque de temps, la complexité et le coût freinent encore souvent leur élan. Mais le gain de performance issu des démarches de RSE ne peut que les séduire. Des initiatives multiples ont commencé à mobiliser les entrepreneurs dans ce domaine.

Les PME sont encore minoritaires à s’investir dans les démarches de responsabilité sociale et/ou sociétale des entreprises (RSE). Les entreprises de 10 à 49 salariés sont seulement 28 % à mener des actions de RSE, celles de 50 à 249 salariés sont 47 % à le faire, contre 84 % des entreprises de 500 salariés, selon une étude publiée par France Stratégie (lire l’interview p. 22) en janvier dernier(1). Pourtant, la RSE procure un gain de performance en moyenne de l’ordre de 13 % par rapport aux entreprises qui ne l’introduisent pas, toutes choses égales par ailleurs, démontre la même étude, la première sur des données aussi vastes (8 502 entreprises) et fondée sur des données objectives et non sur l’appréciation du dirigeant. Un argument de poids pour la promouvoir auprès des plus de 3 millions de PME françaises.

Pour autant, les freins exprimés par ces dernières sont toujours les mêmes et sont résumés par les conclusions du groupe de travail “RSE, compétitivité et développement durable – l’enjeu des TPE-PME” de la Plateforme RSE, en octobre 2014 : la question du financement des démarches et de l’investissement en temps ; le manque d’articulation et de coopération entre les différentes initiatives en place sur un territoire ; le manque de cohérence et la complexité supposée des outils à disposition ; le manque de reconnaissance des démarches RSE par les clients publics et privés ; le manque de sensibilisation et de formation des acteurs sur un territoire.

Les multiples initiatives destinées à “embarquer” les PME dans la RSE tentent de répondre à ces points de blocage. La Plateforme RSE initiée par Nantes Métropole entend par exemple fédérer les initiatives locales dispersées (lire p. 25) et promouvoir la parole des entreprises engagées pour prêcher en quelque sorte la “bonne parole”.

Une Plus grande Implication des salariés

Car celles qui ont mis en place des mesures RSE en reconnaissent unanimement l’utilité, souligne une enquête diffusée en décembre 2015, réalisée par TNS Sofres auprès de 500 dirigeants ou responsables RSE dans les PME de 10 à 250 salariés du réseau Opcalia et 50 entreprises labellisées RSE Lucie. Parmi les bénéfices qui pourraient être tirés de la RSE, les entreprises interrogées citent en premier la plus grande implication des salariés dans leur travail, puis l’amélioration de la réputation et de l’image, et l’amélioration de la relation avec les parties prenantes. Les bénéfices économiques, pourtant clés aux yeux des experts, n’arrivent qu’ensuite.

« S’investir dans la RSE renforce la motivation des salariés et permet de les fidéliser dans la durée, estime André Sobczak, directeur académique et titulaire de la Chaire RSE d’Audencia Business School. Les étudiants restent attirés par des grandes marques connues ; il faut que les PME affichent leurs valeurs ; d’autant plus que beaucoup de salariés sont en recherche de sens. »

Il souligne également que beaucoup d’initiatives ne coûtent rien mais permettent de gagner de l’argent. « Une entreprise de transport avait du mal à recruter des chauffeurs routiers, rapporte André Sobczak. Elle a recruté des femmes issues de l’immigration, et les a formées. Résultat : moins de turnover, plus de reconnaissance, moins d’incidents et de vols sur la plate-forme, et l’entreprise a été repérée comme apportant des emplois aux habitants des environs. »

Gains financiers

Dans les opérations collectives organisées par le groupe Afnor ou lors des formations, François Sibille, formateur en RSE à Afnor Compétences, insiste sur un point : « Il est indispensable pour une entreprise d’identifier les thèmes pertinents sur lesquels elle va se focaliser pour travailler sur les sujets qui ont du sens à l’égard des parties prenantes. En raisonnant ainsi, le ROI sera plus rapide, plus visible et plus immédiat. »

Une des entreprises accompagnées par Afnor dans le cadre d’une opération collective a réalisé des gains financiers sur les économies de carburants des engins en organisant des formations à l’éco-conduite, illustre Émilie Parnière, chef de projet Acces RSE en Rhône-Alpes, au sein de la délégation régionale du groupe Afnor. À noter que plus de 70 % du coût du projet est pris en charge par des financements européens.

Autre entreprise accompagnée dans ce programme, CAN, qui emploie environ 120 salariés spécialisés dans les travaux d’accès difficiles, dont plus de 50 cordistes. Elle mise sur la sécurité – pilier n° 1 de sa politique –, l’intégration des jeunes et la formation. « Nous disposons d’un centre, Formacan, filiale du groupe, qui organise des formations sur mesure, domaine dans lequel nous investissons beaucoup (7 % de la masse salariale brute des personnels de production), indique Geoffrey Chaussinand, responsable HSEQ. De plus, 100 % des personnels des chantiers sont titulaires a minima du CQP cordiste de niveau 1 et d’une formation SST [sauveteur secouriste du travail] à jour, ce qui nous démarque des autres entreprises. Nous organisons aussi des visites comportementales de chantier, avec 45 personnes formées. » Par ailleurs, à la demande d’EDF, CAN a répondu au questionnaire Acesia (plate-forme Web initiée par Afnor), visant à évaluer le niveau de RSE des fournisseurs et prestataires.

Des donneurs d’ordre exigeants

Une autre motivation majeure des PME vise en effet l’accès à des marchés via les appels d’offres. « Les fournisseurs sont de plus en plus interrogés sur leurs pratiques, et ils sont aussi davantage questionnés sur leur vigilance dans la chaîne de leurs processus d’achats », constate Mélanie Czepik, chargée de mission à l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (Orse), qui a réalisé en 2013 une étude sur les relations entre donneurs d’ordre et fournisseurs, en partenariat avec le Medef.

L’entreprise de textile bretonne Armor-Lux (550 salariés), engagée depuis plus de dix ans dans la RSE, a vu monter ces exigences et est même allée au devant : « Nous avons voulu faire de ce qui pouvait apparaître comme une contrainte un facteur de différenciation », affirme Christophe Guyon, responsable de la communication et de la RSE. Dès 2004, l’entreprise a fait signer à ses fournisseurs une charte RSE et elle a fait évaluer leur performance RSE par le cabinet PwC, en en supportant le coût. Même si la responsabilité sociétale des entreprises ne compte en général que pour 5 % à 10 % des critères dans le choix du donneur d’ordre, Christophe Guyon est formel : si l’entreprise n’y répond pas, elle n’obtiendra pas le marché.

Si les PME sont davantage sollicitées sur ces sujets, « les donneurs d’ordre devraient mieux expliquer aux fournisseurs ce qui leur est demandé », pointe Mélanie Czepik. Et pour déterminer les enjeux RSE sectoriels pertinents, le rôle des fédérations professionnelles apparaît comme central. Une approche sectorielle revendiquée plus largement par la CGPME. « Si on veut faire progresser la RSE, il faut développer une approche sectorielle, car une entreprise se retrouve avant tout dans son métier », affirme Guillaume de Bodard, président de la commission environnement et développement durable de la CGPME, et qui a animé le groupe de travail de la Plateforme RSE sur le sujet des PME. Selon lui, « les bonnes pratiques s’appuient sur l’écriture de référentiels RSE sectoriels volontaires, avec pour architecture les fondements de l’ISO 26 000. Et nous préconisons aussi une reconnaissance par une tierce partie ».

Développement d’Initiatives sectorielles

Depuis plusieurs années, les initiatives sectorielles se sont multipliées. Afnor Certification a par exemple développé des guides sectoriels Afaq 26 000 pour plusieurs organisations : la fédération des Scop du BTP, Inter’Oc IGP (filière vin), Unea (entreprises adaptées), C2DS (entreprises de santé), Unep (entreprises du paysage), Apacom (communication) et le Cedap (organisations professionnelles).

D’autres secteurs se sont aussi investis : les travaux publics, le bâtiment, l’agroalimentaire, la chimie fine, les carrières et industries, les professions de l’automobile. Très avancée, la Fédération des entreprises de propreté (lire Entreprise & carrières n° 1186) promeut depuis 2007 des formations-actions de dirigeants au développement durable, des démarches pour le travail en journée, des outils d’autodiagnostic et de reporting, et un outil de gestion des émissions de gaz à effet de serre.

Et les Scop du BTP se sont illustrées récemment en construisant le premier label sectoriel (lire p. 23). Si elles ont pu être en avance par rapport aux autres secteurs, c’est aussi en raison même de leur statut. On retrouve ce terreau plus favorable à l’implantation de politiques RSE dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire, et au Centre des Jeunes dirigeants (CJD), qui promeut « l’économie au service de l’homme ». Le réseau a produit un guide de la performance globale en 2002, puis un carnet de bord du dirigeant responsable. Le CJD donne accès sur son site Internet à un outil gratuit, le GPS, qui permet à toute entreprise de réaliser une première autoévaluation. Il a aussi inventé un jeu de sensibilisation qui aide les entreprises à se rendre compte qu’elles font déjà de la RSE… Car nombre d’entre elles en font sans le savoir. Le CJD est aussi un partenaire du label Lucie, une démarche structurante d’amélioration continue, qui elle aussi s’appuie sur l’ISO 26 000 (lire p. 26) et fait intervenir deux évaluateurs extérieurs reconnus : Afnor Certification et Vigeo. Une approche qui séduit de plus en plus de PME.

L’ISO 26 000 en quelques mots…

L’ISO 26 000 présente des lignes directrices pour définir la responsabilité sociétale comme la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement transparent et éthique. Elle porte une attention fondamentale à l’identification des parties prenantes et au dialogue avec celles-ci. (Source : www.afnor.fr)

La norme a été publiée en 2010, après cinq années de négociations entre de nombreuses parties prenantes dans le monde entier.

Elle énonce sept principes de responsabilité sociétale : la redevabilité, la transparence, le comportement éthique, la reconnaissance des intérêts des parties prenantes, le respect de la loi, la prise en compte des normes internationales de comportement, et le respect des droits de l’homme.

Elle définit ensuite sept questions centrales sur lesquelles doivent porter les engagements des entreprises : gouvernance de l’organisation, droits de l’homme, relations et conditions de travail, environnement, loyauté des pratiques, questions relatives aux consommateurs, communautés et développement local.

À ces questions sont associés de quatre à huit domaines d’actions (source : Entreprises performantes et responsables, c’est possible !, Florence Méaux, Alain Jounot, Afnor Éditions, 2014).

(1) “Responsabilité sociale des entreprises et compétitivité. Évaluation et approche stratégique”, par Salima Benhamou et Marc-Arthur Diaye, France Stratégie, en collaboration avec Patricia Crifo, université Paris-Ouest Nanterre et École Polytechnique, janvier 2016.

Auteur

  • V. L.