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La chronique juridique d’Avosial

Chronique | publié le : 22.03.2016 | Manuelle Puylagarde

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La chronique juridique d’Avosial

Crédit photo Manuelle Puylagarde

Santé au travail : immixtion de la vie privée dans la sphère professionnelleDans les relations de travail, il devient difficile de démêler ce qui relève de la vie privée du salarié et ce qui est imputable à l’entreprise.

La santé des salariés est l’un des principes fondateurs du droit du travail. La loi du 9 avril 1898 a ainsi créé un régime spécial d’indemnisation des victimes d’accidents du travail et a instauré le régime assurantiel en France. Le 12 juin 1893, c’est une loi sur la sécurité et l’hygiène au travail qui a été promulguée. S’ensuivront de nombreux textes visant à protéger le salarié, partie faible au contrat de travail.

Sous couvert de la santé au travail, la dernière salve de textes et de rapports révèle l’introduction en nombre dans le corpus juridique de notions relevant de la vie privée du salarié sur le lieu de travail. À titre d’exemples récents :

Le plan santé au travail (PST) 3

Le PST 3 pour la période 2016-2020, dont les orientations ont été élaborées par les partenaires sociaux, place la qualité de vie au travail au centre de la prévention. D’après la Direction générale du travail, il s’agit d’un « axe stratégique et d’un souhait d’aller au-delà de la prévention des risques psychosociaux stricto sensu ». Certes, la volonté du plan de faire prévaloir la prévention primaire sur la réparation est à saluer, mais les entreprises sont surchargées d’obligations diverses et variées en matière de prévention et de santé au travail. Or les risques psychosociaux, le burn-out, le harcèlement ont envahi les relations de travail.

Au-delà de situations réellement préoccupantes, qui doivent être combattues et traitées avec rigueur, les relations de travail sont devenues un terrain de méfiance réciproque. Comment démêler ce qui relève de la vie privée du salarié et ce qui est imputable à l’entreprise ? N’est-il pas temps de restaurer un climat de confiance, propice au développement économique et à l’emploi, plutôt que de conforter les salariés dans un rôle de victimes potentielles, qui devront faire valoir leurs droits à la moindre difficulté ?

Le rapport badinter sur les principes essentiels du droit du travail de janvier 2016

Le rapport Badinter introduit des principes fondamentaux qui n’ont pas forcément lieu d’être dans l’entreprise. Parmi les 61 principes essentiels listés par le comité figurent :

– La liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses, qui ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise, et si elles sont proportionnées au but recherché (article 6).

À l’heure où le fait religieux occupe une place importante dans notre société, était-il utile de rappeler ce principe dans le cadre de la refondation du Code du travail ? Que signifie « manifester ses convictions religieuses » ? Porter un voile, demander une salle de prières, ne pas travailler les jours de fête religieuse ou en d’autres occasions ? Plutôt que de simplifier la vie dans l’entreprise, il est à craindre que cet article donne lieu à des recours judiciaires afin d’en délimiter les contours, bien trop flous en l’état.

– La conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale est recherchée dans la relation de travail (article 9). Là encore, on peut s’interroger sur les conséquences de l’immixtion de la vie personnelle et familiale dans la sphère du travail. Était-il besoin d’ériger cette conciliation en principe des libertés et droits de la personne au travail, alors même qu’il s’agit de sa vie hors de l’entreprise ? Comment les juges apprécieront-ils cette notion ? Ce principe risque également de soulever de nombreuses questions que les juges devront trancher, avec toutes les incertitudes que cela engendrera.

Il en ressort que les droits des salariés semblent plus affirmés que leurs devoirs. C’est sur l’entreprise que pèse la grande majorité des obligations. À l’heure où l’on parle de simplification du droit du travail, il est pour le moins paradoxal d’affirmer des principes, certes nobles, mais qui ne vont pas contribuer à favoriser l’emploi.

Auteur

  • Manuelle Puylagarde