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Des pistes pour évaluer les compétences des syndicalistes

La semaine | publié le : 16.02.2016 | Emmanuel Franck

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Des pistes pour évaluer les compétences des syndicalistes

Crédit photo Emmanuel Franck

Le Groupement des entreprises sidérurgiques et métallurgiques (Gesim) et quatre des syndicats de la branche publient les fruits d’une étude conjointe sur la reconnaissance de l’expérience syndicale. Un travail inédit, bienvenu dans un contexte où la négociation d’entreprise est amenée à prendre de l’ampleur.

Quelles sont les compétences acquises par les représentants du personnel dans l’exercice de leur mandat et comment les valoriser ? Le Groupement des entreprises sidérurgiques et métallurgiques (Gesim) donne quelques pistes dans un document de travail rendu public le 9 février et intitulé “Détecter, évaluer et reconnaître les compétences mises en œuvre dans l’exercice d’un mandat”. Ce syndicat professionnel à vocation sociale, représentant les entreprises de la sidérurgie, a travaillé avec quatre syndicats de sa branche (à l’exception de la CGT) en vue de faire réaliser un état des lieux sur le sujet, d’exposer des bonnes pratiques et de faire des recommandations. Il s’agit d’un des rares – pour ne pas dire le seul – travail paritaire sur le sujet.

Besoin d’un engagement des directions.

L’enjeu est de susciter de nouvelles vocations syndicales et, ainsi, de renouveler plus régulièrement les titulaires des mandats, dans le but, in fine, d’améliorer la qualité du dialogue social d’entreprise. La loi Rebsamen d’août 2015 comporte déjà quelques dispositions en faveur de la reconnaissance des compétences des mandatés (entretien de fin de mandat, certification inscrite à l’inventaire), mais les auteurs du document de travail estiment que cela ne suffit pas et que, « pour faire évoluer une culture d’entreprise, il faut (…) un engagement de la direction fort et affiché ». « Le document sera transmis à nos adhérents, à l’UIMM et au Medef », déclare Jacques Lauvergne, président du Gesim. Les organisations syndicales feront de même de leur côté. Ce document est un « outil de réflexion pour les parties prenantes, dont les managers », explique Emmanuelle Chapelier, déléguée générale. « L’objectif est de faire ressortir les aspects positifs du fait syndical », argue de son côté Christian Philbert, de la CFE-CGC d’ArcelorMittal.

L’état des lieux, appuyé sur des entretiens avec 41 personnes – dirigeants, mandatés, managers de proximité, responsables fédéraux et confédéraux et organismes de formation –, a été confié à l’Observatoire des relations économiques et sociales (Ores), une association œuvrant à l’évolution de la gestion des RH dans un sens à la fois économique et social.

Mandats lourds.

Il ressort de ces entretiens que le problème de la reconnaissance des compétences des mandatés se pose principalement pour les mandats lourds (plus de 50 % du temps), que les mandatés acquièrent des compétences spécifiques – les auteurs en listent une vingtaine –, que celles-ci sont rarement reconnues mais qu’elles pourraient l’être moyennant une évaluation, la reconnaissance automatique aboutissant à dévaloriser lesdites compétences. Les auteurs estiment ainsi qu’un mandaté peut acquérir la capacité à manager une équipe alors même qu’il n’a pas d’autorité hiérarchique ; qu’il sait fédérer les énergies, convaincre, analyser un problème, communiquer, former d’autres personnes, aider les gens à s’épanouir, négocier, qu’il acquiert des compétences juridiques de base, qu’il sait lire un bilan… « Par leur diversité, [ces compétences] s’apparentent à ce que l’on attend d’un cadre », remarquent les auteurs. Mais ils relèvent aussi certaines faiblesses dans la préparation des dossiers examinés en réunion, dans la capacité à écouter les arguments de l’autre et, surtout, l’oubli des réalités du travail.

Débouchés.

Un autre intérêt du travail des partenaires sociaux du Gesim est d’avoir recensé, à partir des expériences dont ils ont eu connaissance, les points de chute possible des mandatés lorsqu’ils retournent en production. Si les directions des RH et la communication interne constituent des débouchés classiques, les auteurs en listent d’autres : un service achats, qui a su apprécier les qualités de négociateur d’un délégué syndical, ou encore un service logistique. Ailleurs, un opérateur a pu devenir un technicien d’atelier chargé de la qualité. Dans une autre entreprise, des mandatés ont pris une fonction de référent pour l’intégration professionnelle de jeunes. Certains ont accédé au statut d’agent de maîtrise, d’autres sont devenus cadres. L’étude relève différentes conditions à une promotion après un mandat. Dans plusieurs entreprises, les titulaires ont suivi un programme de validation des acquis de l’expérience. Certaines entreprises exigent un “sas” de plusieurs mois, sorte de “blanchiment” après des années de militantisme. Enfin, une promotion implique souvent une mobilité géographique vers un autre site du groupe.

Bonnes pratiques.

Les auteurs de l’étude ont relevé quelques bonnes pratiques qui se sont révélées efficaces. Une information sur le rôle et les attributions de chaque IRP permet ainsi de poser les droits et les devoirs des titulaires. En outre, cela fournit aux cadres des repères sur la manière de gérer les heures de délégation de leurs mandatés. Dans une usine, après chaque élection, le DRH organise par exemple une réunion avec l’élu et son n + 1. Ailleurs, les cadres reçoivent un tableau avec les attributions de chaque IRP. Ici, un DRH propose à chaque chef de service devant gérer un ou plusieurs mandataires d’organiser une rencontre avec ces derniers. Là, la direction des RH prend sur son propre budget les augmentations de salaire des mandatés afin d’éviter l’acrimonie de certains cadres ayant plusieurs mandatés dans leur service.

À noter que les auteurs de l’étude n’ont pas rencontré d’entreprises qui aient réfléchi à réduire les objectifs d’un service ayant des mandatés ou à compenser le manque de force de travail qui en résulte. Les auteurs ont également constaté qu’une formation des cadres sur le rôle des syndicats et l’influence des militants est rentable, en ce qu’elle évite aux premiers de s’enferrer dans des situations génératrices de tensions.

Interdiction du cumul des mandats : sujet tabou

« Moins il y a de relève, plus les anciens cumulent ; et plus ils cumulent, plus ils découragent des vocations. » C’est ainsi que l’étude du Gesim décrit le cercle vicieux qui serait à l’origine de « l’encalminement » des syndicalistes. Dès lors, pourquoi ne pas interdire le cumul des mandats, comme en politique ? Réponse en filigrane dans l’étude du Gesim : parce que personne ne le veut. « DRH et organisations syndicales partagent la même conviction : le cumul de deux mandats, voire trois et même plus, n’est pas souhaitable », relèvent les auteurs. Sauf que « des opérateurs travaillant sur une ligne trouvent plus d’épanouissement, de réalisation de soi dans les fonctions d’élu et de délégué syndical » que dans leur travail. Et que « la majorité des DRH (…) acceptent facilement la pratique des cumuls de mandats », parce qu’en retrouvant plus souvent les mêmes personnes, le dialogue est plus facile. Dès lors, les auteurs notent que, « curieusement, les seuls élus rencontrés qui entendent limiter à 20 heures maximum le nombre des heures de délégation se trouvent être des cadres ».

Auteur

  • Emmanuel Franck