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L’enquête

Les 12 heures dans le consensus

L’enquête | publié le : 09.02.2016 | C. C.-C.

Depuis 2009, le CHRU de Montpellier a adopté une “charte des 12 heures” signée par tous les syndicats. Un quart des services de soins ont déjà opté pour ce rythme de travail, sans conséquences immédiates sur la pénibilité.

« C’est difficile d’aller contre la volonté du personnel », reconnaît Yves Bourdel, secrétaire du syndicat FO, majoritaire au CHRU de Montpellier. Au niveau national, FO combat résolument les 12 heures, mais au CHRU de Montpellier, le syndicat assume : « Nous avons initié le passage en 12 heures dans des conditions très précises : uniquement à la demande du personnel, jamais de la direction, et à effectifs constants. »

L’hôpital a rédigé en 2009 une “charte des 12 heures”, adoptée par tous les syndicats. En 47 pages, elle décrit dans les moindres détails un processus concerté et évalué. La demande doit émaner du service, qui vote une première fois d’une manière anonyme. Si le vote en faveur des 12 heures est majoritaire, deux groupes de travail sont organisés : l’un sur la gestion des ressources humaines et l’autre sur l’organisation du travail. Un projet de réorganisation est de nouveau mis au vote. Si une large majorité se dégage, le comité technique d’établissement et le CHSCT sont consultés. Tous les agents hostiles au passage en 12 heures sont accompagnés vers un autre service. Enfin, des évaluations sont conduites à six mois, un an et trois ans.

23,7 % du personnel des services de soins a opté pour ce rythme de travail. Les évaluations menées dans chaque service concernent la satisfaction du personnel, la qualité de la prise en charge du patient ou encore l’absentéisme. Elles sont « globalement très positives, se félicite le DRH Guillaume du Chaffaut, en particulier sur la qualité du travail en équipe et l’adéquation entre vies professionnelle et personnelle ».

Projet fédérateur

Le service d’hématologie et d’oncologie de l’hôpital est passé en 12 heures en mars 2014. « C’est un projet de service fédérateur », se félicite Laure Sanchez, cadre de santé chargée du management de l’équipe paramédicale. La réflexion est partie d’une « demande de jeunes infirmières qui ont rejoint le service à l’occasion d’une restructuration, raconte Laure Sanchez. Nous avons repensé notre organisation en prenant en compte la qualité des soins et la qualité de vie du personnel. Les 12 heures nous ont paru compatibles avec ces exigences ». Près de deux ans après, le bilan est positif : « Les journées en 12 heures permettent de mieux organiser les soins au cours de la journée, sans changement d’équipe l’après-midi, donc sans perte de temps et d’informations. Les professionnels ont de vraies coupures de trois à quatre jours, qui leur permettent de laisser reposer la charge émotionnelle, très lourde dans ce service où beaucoup de patients sont en soins palliatifs. »

En hématologie, comme dans les autres services, il n’y a aucun signe d’une aggravation de la pénibilité au travail. Seul bémol, pour le DRH Guillaume du Chaffaut : « Les équipes ont plus de mal à trouver des remplaçants en cas d’absentéisme. Si les infirmières ont déjà travaillé quatre jours dans la semaine, elles ne peuvent pas aller au-delà. » La charte des 12 heures spécifie en effet que les 48 heures de travail hebdomadaires ne peuvent être en aucun cas dépassées, conformément à la législation. Le DRH reconnaît une « grosse difficulté » : les 12 heures de travail, déjà dérogatoires, sont dépassées au CHRU, car les agents travaillent 15 minutes supplémentaires pour transmettre à l’équipe suivante les informations sur les malades et le fonctionnement du service. « Ces 15 minutes sont comptabilisées et récupérées sous forme de RTT », précise-t-il. Il confesse aussi une « interrogation » : « Le dernier service de réanimation organisé en journées de 7 h 30 est en train de passer en 12 heures. Un infirmier anesthésiste n’aura plus de possibilité de travailler en 7 h 30. »

Paradoxe syndical, c’est le secrétaire de la CFDT Pierre Payet qui est aujourd’hui le plus inquiet : « On croule sous les demandes de personnel et on ne peut plus refuser. Bientôt, la majorité des services de soins seront en 12 heures, y compris dans des services très lourds, comme la gériatrie. Le confort de vie passe avant tout le reste, y compris la qualité des soins. Les agents nous disent souvent que leurs conditions de travail sont devenues tellement difficiles qu’ils préfèrent être le moins possible à l’hôpital. »

Repères

Activité

2 030 lits ; 226 000 hospitalisations.

Effectifs

10 485 agents, dont 1 839 médecins et 5 779 du personnel soignant et socio-éducatif.

Budget 2014

838 millions d’euros.

Auteur

  • C. C.-C.