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Philippe Détrie la maison du management

La chronique | publié le : 09.02.2016 |

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Philippe Détrie la maison du management

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Coopérer ou collaborer ?Philippe Détrie a créé en 2014 La Maison du Management, dont la raison sociale est de développer un management responsable et entraînant pour l’ensemble des acteurs de la vie économique.

En première lecture, deux raisons poussent à s’éloigner du terme collaborer ; l’une sémantique et l’autre historique :

– le mot collaborer sent fort le labeur, alors que la coopération évoque une noble finalité politique de contribution, une intention d’entraide élégante (même si elle est souvent velléitaire) ;

– les mots collaboration et “collabo” n’ont pas bonne presse. Incroyable d’ailleurs que, plus de soixante-dix après, ces mots soient encore sulfureux.

Mais les termes collaborateur, collab, collaborer, sont bien acceptés. Collaboratif est devenu le mot nouveau dans la novlangue managériale.

En fait, les deux signifient la même chose : participer à une œuvre commune. S’il fallait choisir, nous prendrions la collaboration, qui apparaît plus opérationnelle : le travail commun plutôt que le travail en commun. Et tous les nouveaux “co” : coconstruction, co-élaboration, co-organisation… soulignent plus la démarche que l’objectif.

Pourquoi tous ces “co” sont-ils si durs à mettre en œuvre ? Culturellement, nous souffrons d’un immense déficit.

L’école nous enseigne des disciplines intellectuelles et non comportementales. Elle n’apprend pas à être aimable, à prendre des initiatives, à rendre service (où est le prix de camaraderie ?), à être joyeux (où est le prix de bonne humeur ?)… Or le travail est une expérience essentiellement relationnelle.

L’école nous formate aussi à la réussite individuelle plus qu’à la performance du collectif. Elle n’apprend pas à travailler en groupe. Pire, l’intelligence se mesure à la capacité d’esprit critique ! Aimons-nous aller vers les autres, être curieux de leurs idées, intégrer leurs contraintes et limites, mesurer l’impact de ce qu’on entreprend ?

Notre environnement quotidien est plus propice à la méfiance qu’à la bienveillance. Les médias, qui adorent le sensationnel et la polémique, nous y encouragent à tout instant.

Enfin, le travail en groupe est difficile (regardons le nombre de portables utilisés en réunion à d’autres fins !) : cela demande du temps, de l’écoute, de la discipline, de la méthode et, surtout, de la confiance.

Comment mieux travailler ensemble ?

Il faut de la compétence relationnelle (savoir être), il faut aussi de la volonté (vouloir faire). Est-on capable de se rapprocher des autres, de les écouter (c’est-à-dire formuler l’intérêt de leur point de vue : « Ce que j’aime dans ton idée… »), de préférer l’idée meilleure de son voisin, même si elle va nous créer du travail supplémentaire… le veut-on vraiment ? Savons-nous partager une démarche ? Ralentir notre propre avancement pour “embarquer” toutes les parties prenantes ?

Nous travaillons aujourd’hui grâce à une communication horizontale, fluide, qui se développe sous la forme de réseaux multiples et hétérogènes et de plates-formes. Or nos organisations sont encore verticales, silotées, hiérarchisées, pesantes, corsetées… Elles sont faiblement apprenantes et entreprenantes, elles aiment le contrôle et le sommeil dogmatique (Marx). Sont-elles capables de construire du solide avec du fluide ? De rester rigoureuses sans être rigides ? D’être durables dans un monde qui se métamorphose ?

Nos entreprises promeuvent et rémunèrent trop fortement la performance individuelle et les résultats au détriment du collectif et des efforts et contributions.

Seul, on va plus vite. À plusieurs, on va plus loin. Et on est plus riche, la fertilisation croisée est féconde : 1 + 1 = 3. Mon idée plus ton idée font une troisième idée, sans détruire les deux premières. Soyons plus généreux de notre temps, de nos idées et de notre bienveillance ! Il faut en finir avec l’homme du match quand on joue en équipe.