La plupart des livres sur le management sont simplistes. Il s’agit le plus souvent de livres de recettes. Cet ouvrage surprend au contraire par sa complexité. Complexité du projet, puisqu’il s’agit pour l’auteur de rapprocher deux notions dans un rapport d’ordinaire peu évident, celles de management et de frontières. Complexité dialectique ensuite, puisque l’auteur tisse une sorte de va-et-vient entre le management privé, d’une part, et le management public, de l’autre ; entre le management au sens technique de la fonction en entreprise et le management au sens étymologique, qui pourrait être résumé par l’art de faire avec le réel.

Pour reprendre la problématique initiale de l’auteur, manager devient alors l’art de repousser les frontières de la réalité, les difficultés et les impasses du réel, afin de faire advenir à la fois davantage de sens au plan des communautés humaines et des territoires, et de motivation à l’action dans les organisations privées ou publiques. Expert de l’administration, manager public, Francis Massé fait donc preuve d’une grande habileté rhétorique pour justifier une pratique universelle du management de plus en plus contestée, notamment quand elle gagne une fonction publique que l’histoire a ancrée du côté de la citoyenneté plutôt que de l’économie. Ce faisant pourtant, il approfondit un discours managérial qui devient souvent insupportable tant il tourne à la ritournelle. Un livre contestable dans sa volonté de promotion d’un management universel, mais intéressant par sa tentative de redonner une réelle profondeur à l’activité quotidienne des hommes au travail.