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Chronique

DU CÔTÉ DE LA RECHERCHE

Chronique | publié le : 14.07.2015 | DENIS MONNEUSE

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DU CÔTÉ DE LA RECHERCHE

Crédit photo DENIS MONNEUSE

LES RECRUTEURS ET LA PSYCHOLOGIE, ÇA FAIT TROIS !

On a beau vouloir le rendre plus ou moins anonyme, plus interactif, plus imagé et original, moins guindé… le CV ne prend pas une ride. Il demeure encore et toujours l’outil phare du recrutement. Cependant, est-il un si bon instrument pour évaluer un candidat ?

Pas tant que cela, estiment cinq chercheurs des universités de Wright et du Michigan à l’origine d’une étude sur le sujet, parue dans le Journal of Business and Psychology(1). Leur enquête s’est déroulée en deux temps. Tout d’abord, plus de cent recruteurs professionnels ont été recrutés (si j’ose dire) pour lire des CV de deux pages d’étudiants en MBA, donner leur avis sur l’employabilité de ces candidats puis expliquer leur choix.

Dans leur processus de décision, la personnalité du candidat (du moins telle qu’elle apparaît en filigrane) a joué pour environ la moitié, les autres éléments du CV expliquant l’autre moitié de leur choix.

Là où le bât blesse, c’est que les traits de personnalité ressentis par les recruteurs ne correspondaient que médiocrement à ceux estimés par les étudiants de MBA dans un test d’autoévaluation. Par conséquent, soit les recruteurs connaissent mieux (à la simple lecture de leur CV) les candidats qu’eux-mêmes ne se connaissent, soit les recruteurs se trompent dans leurs prédictions !

Ensuite, les chercheurs ont une expérience sensiblement identique à celle de recruteurs amateurs, en l’occurrence des internautes à qui l’on demandait de se mettre à la place d’un employeur. À nouveau, la personnalité passe pour un critère essentiel d’employabilité et le moindre indice qui pourrait révéler la personnalité du candidat est pris en compte. Le fait de posséder des compétences poussées en informatique passe par exemple pour un signe d’ouverture, le fait d’avoir une activité bénévole signifie être extraverti et sympathique, etc.

Autrement dit, recruteurs amateurs et professionnels attachent une grande importance à la personnalité des candidats et prétendent pouvoir deviner celle-ci à travers un simple CV. Gary Burns et ses quatre collègues en tirent comme conseil à l’intention des demandeurs d’emploi de faire très attention aux éléments qu’ils mettent en avant. Utiliser une police de caractères originale est par exemple risqué : comment les recruteurs vont-ils l’interpréter ? Ils recommandent surtout de mettre l’accent sur la formation et les centres d’intérêt dans les CV pour donner des indications précises de leur personnalité aux employeurs.

Mais le véritable conseil à donner ne serait-il pas d’inviter les recruteurs à la plus grande prudence en ce qui concerne leur capacité à déceler des traits de personnalité sur un bout de papier moins transparent qu’une boule de cristal ? D’ailleurs, si nombre d’entreprises font passer des tests de personnalité aux candidats, c’est bien qu’elles ont conscience que le CV ainsi que l’entretien de motivation ne suffisent pas. Reste un point à éclaircir : sachant que la première impression compte énormément, les recruteurs sont-ils prêts à remettre en question leur (mauvaise) intuition ?

1) G. Burns, N. Christiansen, M. Morris, D. Periard et J. Coaster, « Effects of applicant personality on resume evaluations », Journal of Business and Psychology, 2014, vol. 29, n° 4, p. 573-591.

Auteur

  • DENIS MONNEUSE