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LES RÉGIONS FACE AU DÉFI d’une préparation “à l’aveugle”

ZOOM | publié le : 09.06.2015 | Véronique Vigne-Lepage

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LES RÉGIONS FACE AU DÉFI d’une préparation “à l’aveugle”

Crédit photo Véronique Vigne-Lepage

Les régions doivent fusionner dans à peine plus de six mois, alors que la loi précisant les modalités d’accompagnement est toujours examinée au Parlement.Dans ce contexte d’incertitudes, Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté essaient de préparer les futures décisions, notamment sur le volet RH.Un exercice d’équilibriste…

Préparer une fusion sans disposer du pouvoir de décision… C’est ce que vivent actuellement les élus, les directeurs généraux des services (DGS) et les DRH des 22 régions de France appelées à n’en faire plus que 13 le 1er janvier 2016. Seuls les nouveaux exécutifs pourront décider des contours de leurs politiques et de l’organisation interne correspondante.

« Tout le monde est suspendu au vote de la loi NOTRe(1), en cours de lecture au Sénat et qui doit stabiliser le cadre juridique », commente Guillaume Basset, conseiller chargé de ce sujet au sein de l’Association des régions de France (ARF). Le projet de texte prévoit par exemple les règles en matière de conservation des avantages acquis ou encore d’organisation du dialogue social. Selon lui, « la promulgation de la loi NOTRe ne devrait intervenir qu’en septembre », ce qui ne laissera ensuite que peu de temps. Or les élections régionales sont prévues pour le 6 décembre 2015… « Et on sait bien que tout s’arrête avant un tel scrutin ! », s’inquiète Christian Darpheuille, secrétaire général de l’Unsa région Rhône-Alpes.

Dès la fin 2014, les membres de l’ARF se sont malgré tout organisés pour réfléchir à la manière d’optimiser leurs maigres marges de manœuvre. Un séminaire mensuel permet aux DGS d’échanger et de réaliser un benchmark d’autres fusions d’institutions (une région danoise, les universités de Strasbourg et de Lorraine…). En parallèle, des groupes de travail thématiques ont été constitués, dont un réunissant les 22 DRH. « Au-delà des processus conduits sur chacun de leurs territoires, ils ont voulu avoir une démarche commune, explique Guillaume Basset. Solliciter une intervention d’un membre de la direction générale des collectivités locales (DGCL) sur des thèmes comme les régimes indemnitaires ou le temps de travail leur permet d’avoir tous le même niveau d’information. »

État des lieux comparé

Aujourd’hui, il assure que toutes les régions ont fait ou sont en train de faire un état des lieux comparé de leurs politiques et organisations, ainsi que des conditions d’emploi de leurs agents respectifs : « Mais la majorité des élus ne veulent pas aller plus loin dans la préparation de la nouvelle organisation, constate-t-il, considérant qu’il serait trop risqué pour eux de s’avancer dès lors que les choix sur les nouvelles politiques publiques seront faits après les élections. » Les exécutifs en place tentent donc surtout de rassurer leurs troupes. « Même les cadres ne connaissent pas leur avenir, surenchérit Guillaume Basset. Comment manager dans un tel contexte d’incertitude ? » Il tempère cependant : « Il y aura davantage de mobilités fonctionnelles que géographiques. En effet, 70 % des agents régionaux sont dans les lycées, impossibles à centraliser, et seuls 40 % des 30 % restants relèvent de fonctions support, en partie potentiellement mutualisables quant à elles. »

Un discours rassurant que tient également Philippe De Mester, DGS de Rhône-Alpes (6 500 agents), qui s’apprête à se “marier” avec l’Auvergne (2 500 personnes) : « Le nombre de postes dans les lycées va augmenter pendant au moins dix ans du fait de l’arrivée des enfants du boom des années 2000, assure-t-il. De plus, les transferts de compétences de l’État et des départements(2) ne seront pas tous assortis de transferts de personnels. Nous pourrons ainsi ouvrir des postes à des reconversions pour compenser les cas de doublons. » Cependant, pour « habituer les agents à l’idée de mobilité », les offres de postes vacants en Rhône-Alpes et en Auvergne sont diffusées sur les deux intranets depuis janvier 2015. Pour l’heure, sans vraiment de candidatures au déménagement.

Comité de pilotage

Rhône-Alpes et l’Auvergne font partie des rares régions qui essaient d’anticiper un peu l’union, notamment sur le volet RH. « Dès l’annonce gouvernementale, en juillet 2014, nos deux présidents nous ont donné cette mission », rapporte Philippe De Mester. Un comité de pilotage rassemble les présidents et les DGS, tandis que ces derniers se réunissent deux fois par mois. Depuis septembre 2014, après un inventaire des politiques et des organisations, chaque sujet est approfondi par les équipes des deux régions. C’est le cas notamment pour les deux services RH. Leur objectif, selon Irène Gazel, en Rhône-Alpes : « Gérer l’atterrissage. L’urgence, c’est de s’assurer que les paies des agents pourront être réalisées au 1er janvier 2016 malgré des systèmes d’information et des paramétrages différents. » Dans ce groupe de travail, les encadrants RH (responsables paie, formation, etc.) affinent le croisement de leurs pratiques et leur connaissance mutuelle. Ils élaborent enfin une « feuille de route pour le plan de convergence », en prenant moult précautions pour que cela ne soit pas vu comme un projet arrêté. « Pour la question de la formation des agents, cite Irène Gazel à titre d’exemple, nous étudions comment harmoniser nos deux plans de formation actuels pour n’en faire qu’un. Il s’agit aussi de prévoir où les agents pourront avoir l’information à ce sujet pendant les premiers mois, et s’inscrire, quelle sera l’offre disponible, etc. Il faut leur donner une certaine visibilité. »

La Bourgogne et la Franche-Comté ont engagé une démarche similaire : à une conférence des présidents et une commission mixte d’élus s’ajoutent des réunions régulières des DGS et des comités de direction. Leur mission : « Préparer le terrain pour que les décisions puissent être prises en 2016, explique Céline Granier, DRH de Bourgogne, pilote du volet RH de la fusion. Nous avons créé des commissions, l’une sur le budget, l’autre sur le fonctionnement – paies, systèmes d’information, etc. – et une autre encore chargée de proposer des solutions de territorialisation de l’action. C’est une démarche à inventer totalement. »

(1) Nouvelle organisation territoriale de la République. Texte précisant le dispositif d’accompagnement des fusions, décidées, elles, par la loi du 16 janvier 2015.

(2) Prévus dans le cadre de la réforme territoriale instaurant ces grandes régions.

AUVERGNE-RHÔNE-ALPES ET BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ
Discuter la fusion n’est pas négocier

La concertation interne n’est pas la moindre des difficultés des fusions régionales. Les agents d’Auvergne et de Rhône-Alpes sont associés à l’élaboration d’un nouveau “projet d’administration” : quelque 600 volontaires se sont répartis entre 25 groupes de travail portant sur les outils d’évolution des carrières, sur la modernisation des méthodes et procédures internes, etc., dont un premier bilan doit être fait en juin. « C’est cependant très orienté vers une voie déjà tracée », commente Christian Darpheuille, secrétaire général de l’Unsa, qui préférerait que s’engage un dialogue social officiel sur les modalités de la fusion. Mais ceci ne pourra se faire qu’avec le nouvel exécutif, en 2016. Aussi, depuis octobre 2014, un “comité paritaire de suivi de l’union” est réuni chaque mois en Rhône-Alpes comme en Auvergne. En avril dernier, une rencontre générale a permis, assure Irène Gazel, DRH de Rhône-Alpes, de « commencer à voir les positions de principes de chacun, les points de convergence et les points durs ». Mais les élus régionaux se gardent bien d’y participer et aucune décision n’y est prise. « On nous a présenté un état des lieux incomplet, regrette, en outre, Christian Darpheuille ; et tant que la date des nouvelles élections professionnelles n’est pas connue, nous ne pouvons pas avancer nos pions. »

Bourgogne et Franche-Comté essaient, elles aussi, d’inventer un mode de discussion avec les représentants des agents, hors négociation : un “comité du dialogue social et de la communication interne” est réuni tous les mois depuis janvier, intégrant les délégués syndicaux bourguignons et franc-comtois, un DGS adjoint, les deux DRH et, selon les thèmes abordés, certains de leurs collaborateurs. Un programme est établi jusqu’en novembre. « Cela nous permet de préparer nos revendications, assure Christine Martin, déléguée CGT de Bourgogne. Nous apprenons aussi à mieux connaître nos collègues de la CGT de Franche-Comté. » En parallèle à l’intense communication interne organisée par les directions, les syndicats relaient aussi leurs informations auprès des agents : « Ils sont inquiets, assure Christine Martin. Cette fusion se fait dans le flou absolu ! »

Discuter n’est pas négocier

La concertation interne n’est pas la moindre des difficultés des fusions régionales. Les agents d’Auvergne et de Rhône-Alpes sont associés à l’élaboration d’un nouveau « projet d’administration »: quelque 600 volontaires se sont répartis entre 25 groupes de travail portant sur les outils d’évolution des carrières, sur la modernisation des méthodes et procédures internes, etc., dont un premier bilan doit être fait en juin. « C’est cependant très orienté vers une voie déjà tracée », commente Christian Darpheuille, secrétaire général de l’Unsa, qui préférerait que s’engage un dialogue social officiel sur les modalités de la fusion. Mais ceci ne pourra se faire qu’avec le nouvel exécutif, en 2016.

Aussi, depuis octobre 2014, un « comité paritaire de suivi de l’union » est réuni chaque mois en Rhône-Alpes comme en Auvergne. En avril dernier, une rencontre générale a permis, assure Irène Gazel, DRH de Rhône-Alpes, de « commencer à voir les positions de principes de chacun, les points de convergence et les points durs ». Mais les élus régionaux se gardent bien d’y participer et aucune décision n’y est prise. « On nous a présenté un état des lieux incomplet, regrette en outre Christian Darpheuille, et tant que la date des nouvelles élections professionnelles n’est pas connue, nous ne pouvons pas avancer nos pions ».

Bourgogne et Franche-Comté essaient, elles aussi, d’inventer un mode de discussion avec les représentants des agents, hors négociation : un « comité du dialogue social et de la communication interne » est réuni tous les mois depuis janvier, intégrant les délégués syndicaux bourguignons et franc-comtois, un DGS adjoint, les deux DRH et, selon les thèmes abordés, certains de leurs collaborateurs. Un programme est établi jusqu’en novembre. « Cela nous permet de préparer nos revendications, assure Christine Martin, déléguée CGT de Bourgogne. Nous apprenons aussi à mieux connaître nos collègues de la CGT de Franche-Comté. » En parallèle à l’intense communication interne organisée par les directions, les syndicats relaient aussi leurs informations auprès des agents : « Ils sont inquiets, assure Christine Martin. Cette fusion se fait dans le flou absolu ! »

Auteur

  • Véronique Vigne-Lepage