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DU CÔTÉ DE LA RECHERCHE

Chronique | publié le : 03.03.2015 | DENIS MONNEUSE

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DU CÔTÉ DE LA RECHERCHE

Crédit photo DENIS MONNEUSE

TOUTE PRÉSENCE MÉRITE SALAIRE

Jean-Marie Peretti, professeur à l’Essec, a coutume de déclarer à ses étudiants lors du premier cours de ressources humaines : « Une bonne théorie est quelque chose d’extrêmement pratique. » Il illustre ses propos en citant la théorie de l’équité développée par John Adams dans un article paru en 1963(1).

Ce professeur américain définit l’équité comme un ratio entre la contribution (présence au travail, implication, engagement…) et la rétribution (rémunération, plaisir, reconnaissance…). Il affirme que chaque individu cherche, de manière plus ou moins rationnelle et consciente, à équilibrer ce ratio. Pour prendre un exemple, le salarié qui a l’impression de beaucoup travailler, mais qui se sent peu payé en retour, va demander une hausse de salaire. S’il ne l’obtient pas, il mettra le pied sur le frein pour réajuster sa contribution par rapport à sa rétribution.

Plus de cinquante ans après sa parution, si cet article est toujours l’un des plus cités au monde, c’est parce que l’équité ou, plus exactement, le sentiment d’équité, est au cœur des relations humaines et du rapport au travail. Trois chercheurs italiens, Edoardo Della Torre, Matteo Pelagatti et Luca Solari, viennent de le confirmer dans un article paru dans la revue Human Relations(2).

L’objet de leur recherche était d’observer le lien entre rémunération et absentéisme. Alors que la plupart des DRH ont tendance à voir ce phénomène comme la preuve que les salariés sont paresseux et que la valeur travail décline, l’explication d’un grand nombre d’arrêts de travail n’est-elle pas à chercher ailleurs ? Par exemple dans la démotivation produite par un sentiment d’injustice.

Nos trois chercheurs commencent par distinguer équité salariale interne et équité salariale externe. La première concerne l’impression d’être rémunéré de manière équitable par rapport à ses collègues ; la seconde désigne l’impression que sa rémunération correspond aux pratiques du marché du travail. Dans un cas comme dans l’autre, le lien entre iniquité et absentéisme apparaît : le sentiment d’être mal payé, que ce soit par rapport à son voisin de bureau ou par rapport à son beau-frère, par exemple, débouche sur davantage d’arrêts de travail.

En revanche, quand les salariés ont l’impression que leur salaire correspond au prix du marché et que les inégalités de salaires en interne s’expliquent par les différences de performance, l’absentéisme reste faible. Ce lien entre équité salariale et présence au travail est particulièrement fort chez les cols bleus, visiblement plus sensibles ou plus réactifs à un sentiment d’iniquité que les cadres.

Par conséquent, les salaires démesurés des grands patrons (mais aussi ceux de certains petits chefs par rapport à leur productivité réelle) ne pèsent pas uniquement sur la masse salariale. Ils pèsent aussi sur le taux d’absentéisme, donc sur l’image et la réussite de l’entreprise. Les actionnaires devraient donc réfléchir à deux fois avant d’augmenter les émoluments d’un dirigeant peu performant : ils risquent de se tirer ainsi une balle dans le pied !

1) J. S. Adams, “Toward an understanding of inequity”, Journal of abnormal and social psychology, vol. 67, n° 5, 1963.

2) Edoardo Della Torre, Matteo Pelagatti, Luca Solari, “Internal and external equity in compensation systems, organizational absenteeism and the role of explained inequalities”, Human Relations, juin 2014.

Auteur

  • DENIS MONNEUSE