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Une voie royale pour les héritiers

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 01.07.2014 | CHRISTIAN ROBISCHON

Pilotée par les CCI, l’École des Managers a essaimé un peu partout en France pour former chaque année 200 repreneurs d’entreprise au profil particulier : ils sont enfants du “patron” ou salariés de la société qu’ils veulent diriger, le plus souvent sans bagage préalable en gestion et management.

L’École des managers (EDM) a atteint son âge mûr. En vingt-cinq ans, cette formation pilotée par le réseau des Chambres de commerce et d’industrie a tissé sa toile sur l’ensemble de la France à partir de son émergence dans l’ouest. Elle se déploie désormais dans 23 territoires, qui forment quelque 200 stagiaires chaque année. Après une forte expansion dans les années 2000, le réseau compte encore quelques “zones blanches” dans le nord-est, le sud-ouest et en Rhône-Alpes, mais il ne devrait évoluer qu’à la marge, en fonction de la demande qui émergera localement.

Complémentaire aux écoles de management

L’originalité de cette “école” tient avant tout à son public. Le “manager” formé est le repreneur interne d’une PME : un salarié ou l’enfant de l’actuel dirigeant. À l’origine, un chef d’entreprise dans la Mayenne confronté à l’enjeu de sa succession avait constaté l’absence de formation sur le marché, en particulier pour des profils de techniciens devant se rompre aux arcanes de la gestion. Selon les CCI, la situation n’a pas vraiment évolué, ce qui justifie l’expansion de cette offre “complémentaire des écoles de management”. Lesquelles sont ciblées avant tout sur les jeunes diplômés, alors que 63 % des élèves de l’EDM sont à niveau bac + 2 ou infra.

Deuxième singularité qui découle de la première : les stages pratiques s’effectuent dans l’entreprise que l’on s’apprête à diriger. Ils se déroulent sur un temps long de seize mois en général, dans lequel s’intercale un socle commun d’une cinquantaine de jours de cours, suivis par des promotions d’une dizaine de stagiaires en moyenne. « Loin de constituer un obstacle, cette durée est le principal atout : on se donne le temps de préparer au mieux cette étape, ô combien délicate, de la transmission d’entreprise », appuie Nathalie Carré, animatrice du réseau EDM à CCI France.

La formation théorique représente un coût pédagogique de 12 800 euros, qui peut être pris en charge par le conseil régional et les Opca selon des modalités qui varient d’un territoire à l’autre. Pilotée par les organismes de formation des CCI, elle fait appel à des experts extérieurs en fonction des thèmes. En fait de théorie, elle souhaite se rapprocher au plus près du concret de l’entreprise que les stagiaires vivent au quotidien, eux qui ont souvent un pied depuis longtemps dans la “boîte de papa” ou celle “du patron”.

Une première phase “outils” fait se succéder les enseignements à la gestion financière et au contrôle de gestion, au management et aux RH, au marketing, aux questions juridiques, etc. « Elle débute par un module développement et pérennité plus général mais essentiel : il aide à habiter la fonction sans perdre sa personnalité propre, ainsi qu’à définir une stratégie claire pour savoir où l’on veut conduire son entreprise pour la pérenniser. 95 % de celles dont nous avons formé les dirigeants existent toujours cinq ans après », précise Yves Mentzer, responsable de l’EDM de Mulhouse (Haut-Rhin).

Suit une période en entreprise, que chaque élève restitue lors d’un séminaire collectif. La troisième et dernière partie consiste à approfondir quatre ou cinq “chantiers” précis parmi les thèmes présentés en début de cursus, pour déboucher sur la construction d’un business plan.

Apporter une assurance et une légitimité

Depuis 2009, la réussite devant le jury d’évaluation finale (pas automatique, mais constatée dans 95 % des cas) est consacrée par un titre professionnel “chef d’entreprise développeur de PME “de niveau II, inscrit au RNCP (répertoire national des certifications professionnelles). « Au-delà de la pression au diplôme en France, nous avons souhaité cette inscription pour apporter une assurance et une légitimité vis-à-vis de l’environnement extérieur de l’entreprise, des salariés, dont certains ont vu grandir le futur dirigeant… et du cédant d’entreprise », commente Nathalie Carré.

Confirmation auprès d’Estelle Waltz, la nouvelle dirigeante d’Alchim Aromatiques à Illkirch-Groffenstaden (67) qui s’efforce de succéder à un père fondateur omniprésent. « Depuis l’EDM, j’arrive à dire les choses plus facilement, cela se passe beaucoup mieux », témoigne-t-elle. « Nous ne sommes plus seulement le fils ou la fille de… », appuie Christophe Voss, des Motos Voss à Richwiller, près de Mulhouse. Chez Kabelec à Aspach-le-Haut (68), l’EDM sert à la transition en douceur sur quatre ans entre un père et sa fille, dont le parcours universitaire s’est déroulé aux antipodes des câbles et faisceaux : DESS d’histoire, spécialité muséologie du patrimoine! « J’ai trouvé à l’École des managers la formation qui me convenait, car elle me permet de rester dans la société pour appliquer les enseignements. Toutes les questions de direction d’entreprise que je me suis posées seraient venues à moi un jour sans ce cursus, mais sans doute pas aussi vite », souligne Émilie Rabieczynski.

Plus d’un futur patron se montrait sceptique au départ sur l’utilité d’un diplôme, avant d’exprimer une sincère fierté une fois le sésame entre ses mains. La dernière cérémonie de remise à Mulhouse a permis de s’en rendre compte.

Auteur

  • CHRISTIAN ROBISCHON