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Un rendez-vous sous tension

Actualités | publié le : 01.07.2014 | ÉLODIE SARFATI, EMMANUEL FRANCK

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Un rendez-vous sous tension

Crédit photo ÉLODIE SARFATI, EMMANUEL FRANCK

Oppositions syndicales sur le pacte de responsabilité, crispations entre le patronat et le gouvernement… à une semaine de son lancement, la conférence sociale s’annonce moins consensuelle que les précédentes.

Ira, ira pas ? Ce mardi, le patronat décidera s’il participe ou non à la conférence sociale des 7 et 8 juillet prochains. L’application, à partir d’aujourd’hui, de la réforme des temps partiels – les 24 heures minimum – et la transmission des décrets, la semaine dernière, confirmant la mise en place du compte pénibilité dès le 1er janvier 2015, expliquent le coup de chaud de la CGPME, relayé par le Medef et l’UPA. Côté syndical, ce rendez-vous désormais traditionnel sera aussi l’occasion, pour FO et la CGT, de rappeler leur opposition au pacte de responsabilité et de solidarité. Un sujet qui sera abordé en préambule de la conférence, lors d’une rencontre entre les partenaires sociaux, le gouvernement et François Hollande, où devrait être tiré un premier bilan des négociations de branche – 24, comme la métallurgie ou la chimie, auraient démarré leurs discussions, selon le Medef.

Suspension des seuils de création des IRP

La “modernisation du dialogue social” sera également abordée le 7 juillet dans cet échange inaugural. Le gouvernement saisira cette occasion pour relever les attentes des partenaires sociaux en vue d’ouvrir une « négociation » sur le sujet ; d’ici à fin juillet, il fera parvenir un document d’orientation aux partenaires sociaux. Mais, là aussi, le sujet pourrait s’avérer clivant depuis que le ministre du Travail, François Rebsamen, a proposé fin mai, à titre expérimental, de « suspendre pendant trois ans » les seuils de création des IRP. Cette initiative a été critiquée par Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, qui y a vu une ingérence du gouvernement dans le dialogue social. Sur le fond, Philippe Louis, président de la CFTC, se dit « d’accord pour repousser les seuils d’un ou deux salariés, mais en conservant les IRP en place ». Chiche, dit-il : « Si cela peut créer de l’emploi, ce n’est pas à négliger, faisons un essai. » L’autre sujet, beaucoup plus consensuel, qui devrait être abordé lors de cette négociation, concerne la reconnaissance des parcours syndicaux.

Les thématiques des tables rondes du mardi 8 juillet apparaissent bien plus fédératrices. La première devra déterminer les moyens d’amplifier les mesures pour l’emploi des catégories les plus exposées au chômage : les jeunes – avec en ligne de mire les voies pour relancer l’alternance, alors que ces contrats ont régressé de 8 % en 2013 –, les seniors – avec la mise en musique du plan présenté par le ministre du Travail fin juin (lire l’encadré) – et les personnes éloignées de l’emploi – pour lesquelles Laurent Berger veut lancer une négociation interprofessionnelle. Le lien entre école et insertion professionnelle fera aussi partie des discussions.

Une autre table ronde concernera le pouvoir d’achat, les rémunérations et l’épargne salariale. Sur ce dernier point, les pistes d’une réforme pour une simplification des mécanismes pourront être débattues, a indiqué François Rebsamen. La CFE-CGC, de son côté, plaide notamment pour le retour du forfait social à 8 % et pour une fiscalité plus incitative. Enfin, d’autres tables rondes seront consacrées à la politique de santé – le contenu du prochain plan “Santé au travail” 2015-2019 y sera notamment discuté –, à l’évolution des services publics et aux moyens d’accélérer la croissance par l’investissement en France. Des thématiques sur lesquelles FO compte faire entendre sa voix.

Feuille de route attendue

Reste à voir si la feuille de route qui découlera de ces travaux sera à la hauteur des enjeux. Personne ne semble vraiment y croire, à l’image de Bernard Vivier (lire ci-contre), alors même que les derniers chiffres du chômage viennent de rappeler l’ampleur du défi à relever.

BERNARD VIVIER DIRECTEUR DE L’INSTITUT SUPÉRIEUR DU TRAVAIL
« La conférence sociale annuelle a perdu sa raison d’être »

E & C : Qu’attendez-vous de la conférence sociale des 7 et 8 juillet prochains ?

B. V. : Rien. C’est devenu une occasion pour les acteurs sociaux et le gouvernement de communiquer, mais elle ne traite plus d’une question centrale pour le pays. Ce n’était pas la même chose en 2012. Il fallait alors un événement exceptionnel pour rétablir la confiance des partenaires sociaux, que le gouvernement de Nicolas Sarkozy avait abîmée. Aujourd’hui, elle ne se justifie plus. Le dialogue social a été relancé dans le pays. Il a produit des accords nationaux, des lois. Si elle se transforme en rituel, la conférence s’use. Surtout si elle ne produit pas de résultats tangibles pour le pays. L’an dernier déjà, Jean-Marc Ayrault avait en quelque sorte réduit son ambition puisqu’elle avait abouti, pour l’essentiel, à des mesures sur les 30 000 emplois non pourvus en France. Un sujet important mais pas primordial. Le gouvernement s’installe, en outre, dans une position de simple partie prenante du dialogue social comme les autres, alors qu’il est là pour impulser, inciter, arbitrer.

E & C : Les syndicats n’attendent-ils pas des progrès sur la mise en œuvre du pacte de responsabilité ?

B. V. : La CFDT, la CFTC et le Medef évoquent le pacte de responsabilité. Mais celui-ci ressemble à une comète qui brille encore mais qui a cessé de vivre. La CGPME n’en veut pas. L’UPA n’y adhère que du bout des lèvres. Il est contesté jusque dans la rue par la CGT et FO. Il demeure pour l’essentiel une décision du gouvernement répondant à une demande du patronat. La négociation des contreparties ne procède pas d’une conférence sociale mais de la négociation entre les acteurs.

E & C : Pour le Premier ministre, Manuel Valls, la conférence sociale traitera de l’ensemble de la question de l’emploi. La conférence a aussi pour but de fixer l’agenda social de l’année.

B. V. : Le Premier ministre occupe l’espace médiatique. Ce n’est pas à la conférence sociale que la question de l’emploi va être traitée de façon déterminante. Il en sortira peut-être quelques annonces en faveur de l’égalité professionnelle ou de la modernisation du dialogue social. Mais rien de fondamental pour l’emploi. Et, pour fixer un agenda, il n’y a pas besoin d’une grande conférence sociale. L’ennui, c’est sa conception très française, l’État tout puissant voulant apparaître au centre de tout. Le président de la République ouvre, le Premier ministre clôt les débats. Dans le fond, C’est un exercice de consultation des partenaires sociaux. Nous ne sommes pas dans le cas, comme dans d’autres pays, où le gouvernement, dans une vision humble et modeste de son rôle, inciterait, impulserait, mettrait les partenaires sociaux au travail sur des thèmes très précis.

PROPOS RECUEILLIS PAR HUBERT HEULOT

Auteur

  • ÉLODIE SARFATI, EMMANUEL FRANCK