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Des espaces d’expression à construire

Actualités | publié le : 13.05.2014 | VIRGINIE LEBLANC

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Des espaces d’expression à construire

Crédit photo VIRGINIE LEBLANC

Près d’un an après la signature de l’ANI sur la qualité de vie au travail, seules quelques entreprises expérimentent les espaces de discussion, pourtant vantés pour leur capacité à influer sur le travail et la résolution de problèmes quotidiens.

Conclu il y a près d’un an, l’accord du 19 juin 2013 relatif à l’amélioration de la qualité de vie au travail et à l’égalité professionnelle a été étendu le 15 avril dernier. Les entreprises peuvent dès à présent s’y référer pour améliorer leur politi­que de QVT, en toute sécurité juridique. « Aujourd’hui, le sujet est bien : comment va-t-il vivre et se déployer ? Il reste beaucoup à faire », souligne Christian Lenoir, secrétaire général du Conseil d’orientation sur les conditions de travail (Coct), à l’occasion d’une journée d’étude sur les groupes d’expression des salariés, organisée par l’Agasp (Association pour la gestion des activités sociales et psychologiques) le 6 mai, sous l’égide du ministère du Travail.

En quête d’entreprises pilotes

Des syndicats qui ont été moteurs dans la négociation de l’ANI s’efforcent de capitaliser les expériences existantes : « Nous organiserons, au second semestre 2014, un colloque sur le sujet de la qualité de vie au travail en constituant des tables rondes avec un binôme délégué CFE-CGC et DRH d’entreprise », annonce Martine Keryer, secrétaire nationale confédérale de la CFE-CGC. La CFDT aussi est en quête d’entreprises pilotes. Et Hervé Garnier, secrétaire national de cette confédération, estime que la création des espaces de discussion est peut-être « un des sujets les plus délicats » parmi ceux abordés par l’ANI.

Les mêmes réticences qui ont pu empêcher le développement des groupes d’expression issus des lois Auroux de 1982 se retrouvent aujour­d’hui. « L’accueil de la loi avait été très réservé, rappelle l’ancien ministre du Travail, Jean Auroux. Le patronat pensait qu’on allait contester la ligne hiérarchique ; les syndicats, mise à part la CFDT, craignaient que ces espaces ne les contournent; les bureaux d’études voyaient une remise en cause de leur travail et les salariés eux-mêmes ne se sentaient pas forcément prêts à prendre la parole, car parler de son travail n’est pas si simple. »

Pour autant, trente ans après, l’ANI consacre un retour en grâce des espaces d’expression sur le travail, considérés comme l’un des éléments favorisant la perception de la qualité de vie au travail et du sens donné à leur activité par les salariés.

Constitution de groupes homogènes

« En tout état de cause, l’idée des négociateurs n’était pas de normer », avertit Hervé Garnier. L’ANI propose en effet un cadre : des « groupes de travail entre salariés d’une entité homogène de production ou de réalisation d’un service. Ils peuvent s’organiser en présence d’un référent métier ou d’un facilitateur chargé d’animer le groupe et d’en restituer l’expression et comportent un temps en présence de leur hiérarchie. (Ils) peuvent également être mis en place pour des managers ».

Ces espaces sont donc appelés à prendre plusieurs formes, « tout dépend de leur finalité : réguler l’activité, professionnaliser, résoudre des problèmes, rechercher la concertation par le dialogue social », souligne Ségolène Journoud, chargée de mission à l’Anact.

Les entreprises peuvent décider de recourir à des groupes métiers, des groupes de résolution de problèmes – mono-métiers ou pluridisciplinaires –, des groupes d’échanges de pratiques dédiés aux cadres, ou encore des réunions de service orientées sur l’activité de travail pour permettre échanges et débats entre collègues.

« En amont, il faut penser l’ingénierie de ces groupes, pourquoi parler du travail, que vise-t-on ? Comment éviter le contournement des IRP ? Et en aval, que peut-on faire de ce qui sort des discussions ? », poursuit Ségolène Journoud.

Manager de proximité : un acteur central

En outre, lorsque l’Anact intervient en entreprise, elle estime fondamental de faire le lien avec l’existant, pour éviter que ces groupes ne soient pas une couche supplémentaire et amplifient un phénomène de “réunionite”… Il est parfois possible d’ajuster le fonctionnement et les objectifs d’un des espaces de communication existant sans devoir en créer un nouveau.

En tout état de cause, un acteur sera au centre de ces démarches : le manager de proximité. Mais la hiérarchie « est probablement la plus inquiète » lorsque l’on met en place un dispositif d’expression, souligne Mireille Bitan, psychanalyste membre de l’Agasp, qui intervient en entreprise avec la méthode DIM (lire ci-dessous). « Dans la majorité des structures, l’encadrement est là pour résoudre des problèmes, il ne faut pas qu’ils remontent, affirme-t-elle. C’est pourquoi nous prenons toujours le temps d’expliquer préalablement notre démarche et de rassurer les responsables hiérarchiques. » Peu d’entreprises ont abordé le sujet des espaces de discussion via un accord spécifique. On peut citer Viessmann, Euriware et Orange unité Centre-Est. D’autres entreprises ont introduit le thème dans le cadre d’un accord plus large sur la QVT ou sur les conditions de travail. C’est le cas du Crédit agricole, d’Areva, d’Air France, de la Maif, d’Aéroports de Paris. Des exemples non exhaustifs.

Mais, au-delà des intentions, le plus difficile est toujours de faire fonctionner ces groupes. D’où l’importance de préparer avec soin en amont leurs objectifs de fonctionnement et les acteurs (lire aussi Entreprise & Carrières n° 1169).

Auteur

  • VIRGINIE LEBLANC