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LES DRH VEULENT SORTIR DU FLOU

Enquête | publié le : 05.02.2013 | HÉLÈNE TRUFFAUT

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LES DRH VEULENT SORTIR DU FLOU

Crédit photo HÉLÈNE TRUFFAUT

Alors que la mise à la retraite d’office ne peut plus s’appliquer qu’à partir de 70 ans, le brouillard qui entoure désormais le droit de se retirer de la vie active avec une pension à taux plein et, pourquoi pas, une surcote, a de quoi déboussoler les employeurs. Si certains pilotent à vue les flux de départs, d’autres proposent à leurs collaborateurs des bilans individuels pour les aider à prendre leur décision.

Combien ? Quand ? Comment savoir ? À force d’être réformée, la retraite devient un casse-tête. Aussi bien pour les salariés, qui cherchent à optimiser leur future pension de retraite, que pour les employeurs, qui doivent organiser les flux de départs et préparer la relève. Selon le dernier baromètre Entreprise & Carrières/Notretemps.com/Horemis Menway sur les seniors en entreprise (lire Entreprise & Carrières n° 1120), près d’un quart des 46 ans et plus ne savent pas à quel âge ils pourraient partir à taux plein ; environ 80 % n’ont reçu, au travail, aucune information ni bilan sur le sujet ; et ils sont autant à souhaiter que leur employeur fasse le nécessaire pour les éclairer.

Même l’encadrement patauge. Présenté en janvier 2012, le dernier état des lieux sur les “tempes grises”, réalisé par l’Association pour l’emploi des cadres (Apec), indique que la majorité des cadres seniors attend 55 ans pour s’informer de ses droits à la retraite. À 60 ans révolus, un tiers des répondants en activité n’en ont toujours pas pris connaissance ! Et si, globalement, beaucoup souhaitent prendre la quille dès que possible, les plus proches du départ sont, en revanche, plus enclins à jouer les prolongations, à partir du moment où ils ont fait leurs calculs…

Gestion prévisionnelle difficile

En théorie, les salariés peuvent maintenant s’attarder jusqu’à 70 ans, l’employeur pouvant tout au plus sonder annuellement les intentions de ses collaborateurs âgés de 65 à 69 ans. Difficile, dans ces conditions, d’assurer une gestion prévisionnelle des départs. Surtout lorsque les effectifs sont importants. Toujours selon l’Apec, près de la moitié des responsables ressources humaines de très grandes entreprises confirment d’ailleurs être dans le brouillard. « Ce qui implique plutôt une gestion au coup par coup », commente l’association. Un pilotage à vue que pratique la SNCF depuis la fin de la mise à la retraite d’office des cheminots à 55 ans (lire Entreprise & Carrières n° 1025). Pour l’entreprise publique, qui voit sa population senior s’accroître à grande vitesse et n’est avertie des demandes de liquidation que six mois avant le départ des intéressés, l’exercice d’ajustement des entrées et des sorties est ardu.

Avec, aujourd’hui, un salarié sur six appartenant à la classe d’âge des 55 ans et plus, le secteur des assurances n’est guère mieux loti. « Dès lors qu’il n’y a plus de mise à la retraite d’office avant 70 ans et que les informations tenant à la complétude des carrières relèvent des salariés seuls, les entreprises n’ont aucune visibilité », admet José Milano, directeur des affaires sociales de la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA). Difficulté supplémentaire : « La population senior est moins homogène que par le passé, avec des situations personnelles extrêmement diverses : famille recomposée, parents dépendants, etc. Il n’y a pas de schéma global. » Mais, à l’exception notable d’Axa France, qui a mis sur pied, en 2011, un dispositif incitatif de « transition activité retraite » (TAR) pour anticiper les départs (lire Entreprise & Carrières n° 1116 et 1117), « les entreprises s’appuient surtout sur l’accord GPEC de la branche, l’analyse des flux passés, le dialogue et un suivi plus individualisé des collaborateurs », explique José Milano.

Un bel avenir pour l’activité de conseil

Du reste, l’Apec constate dans son baromètre que « seule une minorité de RRH ont mis en œuvre […] un système d’information des salariés sur leurs droits à la retraite ». Un filon pour les cabinets de conseil en retraite, qui, dans le contexte de vieillissement de la population active, fourbissent leur offre à destination des entreprises et promeuvent le bilan retraite individuel (BRI). Celui-ci semble promis à un bel avenir. En 2011, selon une autre enquête menée auprès d’une trentaine d’entreprises du SBF 120 par le cabinet Towers Watson (conseil en ressources humaines et gestion des risques), seuls 25 % des employeurs interrogés l’utilisaient, essentiellement pour les cadres et les cadres dirigeants. Mais 30 % des entreprises n’y ayant pas recours souhaitaient le mettre en place. L’idée est simple : plus le salarié est informé sur ses droits, plus il sera en mesure de planifier la date et les modalités de son départ à la retraite. Ce dont il pourra alors discuter avec son manager.

Les motivations des employeurs sont cependant multiples. Certains voient dans l’information ou le bilan retraite un service d’accompagnement vers la retraite pour tout ou partie de leur personnel, un “petit plus”, qu’il est d’ailleurs possible de proposer à moindres frais. De fait, la Cité internationale universitaire de Paris a sauté sur la nouvelle offre de l’Assurance retraite (lire ci-dessous et p. 27). D’autres, comme le bailleur social SIA Habitat (lire p. 25) ou la caisse franc-comtoise du Crédit agricole (lire p. 26) ont besoin d’anticiper le transfert de compétences.

Parfois, « des entreprises qui ne parviennent pas à trouver sur le marché du travail les profils dont elles ont besoin cherchent à favoriser le maintien dans l’emploi de leurs seniors en leur exposant les avantages d’une prolongation d’activité », indique Valérie Batigne, fondatrice et dirigeante de VB Expertise (conseil en retraite). Il peut aussi être question de gérer des cas particuliers. Celui, par exemple, des handicapés qui peuvent bénéficier d’une retraite anticipée, ou celui des salariés expatriés, que les employeurs sont tenus d’informer précisément sur leurs droits en matière de protection sociale (Cass. soc. n° 11-11.374 du 25 janvier 2012).

Partir dans les meilleures conditions

Pour Sylvain Rousseau, directeur du département prévoyance-santé, retraites et avantages sociaux chez Towers Watson, le BRI est également très utile aux entreprises qui veulent organiser un plan de départs volontaires en ciblant les collaborateurs les plus proches de la retraite. « Avec cet outil, on informe, on explique et on met en exergue toutes les options pour inciter au départ : rachat de trimestres, temps partiel, retraite progressive, cumul emploi-retraite… » Avec ses conseillers maison Orange avenirs, France Télécom ne fait pas autre chose dans le cadre de son nouvel accord seniors, même si la direction assure ne vouloir pousser personne vers la sortie (lire p. 23).

Reste qu’à l’exception des prestations offertes par l’assurance retraite, la démarche est onéreuse. Les cabinets de conseil spécialisés se gardent d’ailleurs bien d’afficher leurs tarifs. Aux DRH d’étudier le marché et de choisir le bon niveau d’information en fonction de leurs objectifs.

L’ESSENTIEL

1 Les futurs retraités peuvent théoriquement travailler jusqu’à 70 ans et, jusqu’à 65 ans du moins, ne sont pas tenus de dévoiler leur projet de départ, qui reste flou pour nombre d’entre eux.

2 Cette nouvelle donne embarrasse les DRH qui doivent anticiper les transferts de compétences ou qui cherchent, au contraire, à réduire leur masse salariale.

3 La solution est d’aider les salariés à prendre leur décision en toute connaissance de cause. D’où un recours croissant à l’information retraite et au bilan individuel.

Comment proposer le BRI aux salariés ?

→ Bien définir les objectifs de l’entreprise. S’agit-il de proposer un service aux salariés, de retenir – ou pas – la population senior, d’anticiper la transmission des compétences ?

→ Cerner la population éligible en distinguant effectif et flux de départs.

→ Prévoir un budget et comparer les prestations des opérateurs.

→ Valoriser la démarche auprès des IRP en amont.

→ Communiquer auprès des salariés seniors, qui doivent être volontaires pour s’engager dans la démarche et, le cas échéant, d’accord pour communiquer certaines informations à l’employeur.

Auteur

  • HÉLÈNE TRUFFAUT