Voilà trente ans que le système financier américain a basculé dans la délinquance, subvertissant lentement mais sûrement toute régulation politique, selon l’écrivain Charles H. Ferguson, lui-même américain. Se référant à la faune et la flore qui se développent à la cime de la forêt tropicale, l’auteur évoque une « économie de la canopée ». Comme les hautes frondaisons protègent les sous-bois de toute lumière, le monde des affaires, trusté par une micro-élite au sommet de la pyramide des richesses, a donné naissance à une économie déconnectée des autres strates de la société.

Elle empêche les citoyens des couches sociales plus basses de profiter des fruits de la croissance. À mesure que la minorité la plus riche de la population américaine s’enrichit, les autres habitants des États-Unis voient leur pouvoir d’achat régresser.

Non seulement l’auteur stigmatise l’absence de loyauté des nantis par rapport à leur pays, qui n’hésitent pas à profiter de toutes les opportunités pour payer moins d’impôts et même moins de salaires, en délocalisant à tout va – mais il va plus loin concernant la sphère financière, en dénonçant le véritable « casse du siècle » opéré par les banques contre l’argent de leurs clients et du pays.

Cela avec la complicité des gouvernements, républicains et démocrates confondus, qui ont dérégulé tout ce qui pouvait l’être dans la sphère financière, afin de laisser les coudées franches aux banquiers.

Charles H. Ferguson ne conteste pas le droit à l’enrichissement des citoyens, mais il s’interroge sur l’impunité dont jouissent aujourd’hui ceux qui ont précipité le pays et le monde dans une crise financière qui dure maintenant depuis cinq ans.

L’Amérique des prédateurs

Charles H. Ferguson, JC Lattès, 476 pages, 22 euros.