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EspagneDES ACCORDS COMPÉTITIVITÉ-EMPLOI PLUS FORTS QUE LES CONVENTIONS COLLECTIVES

Pratiques | International | publié le : 13.03.2012 | VALÉRIE DEMON

Le décret-loi qui réforme le marché du travail permet aux entreprises de négocier des accords réduisant les salaires ou flexibilisant le travail, en dérogeant aux dispositions de la convention collective de leur secteur. À condition que leur activité ralentisse.

La réforme du marché du travail, dévoilée le 10 février par la ministre de l’Emploi et de la Sécurité sociale, Fátima Báñez, marque un tournant par rapport aux textes précédents. Adoptée en décret-loi, cette réforme passera tout de même par le Parlement, mais elle devrait connaître peu de modifications, le Parti populaire (PP, droite) au pouvoir y possédant la majorité absolue.

Le gouvernement s’est attaqué à la dualité du marché entre les CDI et les contrats précaires, à la baisse du coût du licenciement et à la flexibilité dans l’entreprise. Sur ce dernier point, la réforme modifie radicalement la relation entre les conventions collectives et les accords d’entreprise. Souvent pointé du doigt, le système espagnol de négociation collective bloque la flexibilisation de l’emploi dans les entreprises en cas de crise ou de coup dur passager. L’argument du gouvernement était donc de faire en sorte que l’ajustement des capacités de production passe uniquement par les licenciements.

Dérogation facilitée

La réforme prévoit explicitement la possibilité pour les entreprises de se démarquer de leur convention collective sectorielle ou de leur propre accord d’entreprise. Si l’ancien gouvernement socialiste avait avancé sur ce sujet en 2010, l’exécutif actuel estime que les résultats ont démontré que l’absence d’accord entre agents sociaux bloquait à terme la possibilité de déroger à une convention collective de branche. La réforme établit désormais clairement les raisons d’un décrochage : si l’entreprise connaît des pertes ou en annonce, ou encore si son chiffre d’affaires diminue depuis six mois consécutifs, elle pourra invoquer l’ouverture de négociations pour déroger à la convention collective.

Les thèmes de ces négociations avec les syndicats ou représentants du personnel sont multiples : flexibilisation du temps de travail, salaires, rendement, systèmes de retraite complémentaire, assurances vie.

« La dérogation était possible jusqu’à maintenant sur la question des salaires uniquement, mais elle était peu utilisée. Elle est désormais facilitée, mais surtout la réforme introduit d’autres matières pouvant être négociées dans ce cadre, regrette Rita Moreno, responsable de la négociation collective au syndicat Commissions ouvrières. D’autre part, les deux trimestres de baisse du chiffre d’affaires nous semblent un critère excessif. Il ne signifie pas nécessairement qu’une entreprise va mal. »

Flexibilité accrue

Salvador del Rey, président de l’Institut international Cuatrecasas de conseil en stratégie RH, est d’un autre avis : « De manière générale, la réforme aide à la décentralisation de la négociation collective et, désormais, la priorité absolue est réservée à l’entreprise. D’après l’expérience que nous avons eue pendant cette crise, si les entreprises avaient bénéficié de plus de flexibilité, il n’y aurait peut-être pas eu autant de licenciements. »

Les grandes entreprises possédant déjà un accord maison, comme celles du secteur automobile, ont su, malgré la crise, s’adapter en baissant les salaires ou en augmentant le temps de travail. Mais la majorité des PME qui, avant la réforme, devaient automatiquement être régies par un accord plus large (régional par exemple), étaient souvent bloquées. La réforme les libère de cette obligation.

Certaines n’avaient pas attendu, au risque de se placer dans l’illégalité. Depuis le début de la crise, bon nombre de très petites entreprises avaient revu les salaires en échange d’une promesse de maintien de l’emploi. « Il aurait été intéressant que la réforme établisse aussi des garanties pour que l’entreprise étudie d’abord les méthodes de flexibilité avant, par exemple, de recourir aux licenciements », soutient Rita Moreno.

Auteur

  • VALÉRIE DEMON