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Enquête

LES RÉMUNÉRATIONS SOUS L’œIL DES JUGES

Enquête | publié le : 13.03.2012 | C. L.

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LES RÉMUNÉRATIONS SOUS L’œIL DES JUGES

Crédit photo C. L.

Entre les périphériques qui échappent aux cotisations sociales, les variables mal définis et les atteintes potentielles à l’égalité de traitement, la justice a fort à faire.

La liberté contractuelle ou, mieux encore, le pouvoir discrétionnaire de l’employeur : voici 2 principes de base derrière lesquels les employeurs se réfugiaient sans trop d’inquiétude pour fixer la rémunération de leurs cadres. C’était sans compter d’autres règles répétées à l’envi, ces dernières années, dans les tribunaux.

Ajustements de l’Urssaf

La première de ces règles concerne l’abus, jaugé et soupesé par l’administration, à l’aune des cotisations sociales. L’Urssaf intervient régulièrement pour que soient requalifiés certains avantages en nature, car elle les considère intégrés à l’exercice d’une activité professionnelle. « De tels ajustements ne datent pas d’hier, ils sont aujourd’hui plus fréquents. Ce qui pénalise, notamment, les employeurs présents dans des secteurs où les salaires sont peu attractifs pour les cadres, et qui voyaient là un moyen d’être plus généreux », commente Me Cyril Catté, avocat au cabinet Gibier, Souchon, Festivi, Rivierre. On a ainsi assisté à la réaffectation de nombreux produits ou services de l’entreprise fournis gratuitement ou à tarif préférentiel aux salariés : arrêt de juillet 2010 concernant l’électroménager, arrêt d’octobre 2009 sur les décodeurs Canal +, un autre en septembre 2008 sur la livraison de quotidiens ou encore des remises sur des réparations et des pièces détachées, en mars 2006. Cette jurisprudence constante a d’ailleurs fini par être intégrée dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2011 assujettissant à cotisations sociales toute somme ou avantage alloué par des tiers.

Objectifs individuels

Les dispositions contractualisées en matière de variable et d’objectifs individuels se sont également retrouvées devant les juges. Toutes n’étant pas recevables. Notamment lorsqu’elles ne sont pas réactualisées. Si les objectifs, qui doivent être réalistes, sont déterminés unilatéralement par l’employeur, celui-ci a la responsabilité de les renouveler tous les ans car la reconduction tacite n’a pas cours en l’espèce. « À défaut, il s’expose à une prise d’acte. Attention, également, à ne pas trop tarder – avril par exemple a été considéré comme hors délai – et à les rendre compréhensibles, autrement dit, les rédiger en français », détaille Alain Ménard, avocat associé du cabinet Racine, constatant une inflation jurisprudentielle sur le sujet depuis moins de trois ans. « C’est dire l’attention que portent les juges à cette rémunération variable, certes largement pratiquée », ajoute-t-il.

Dernier arrêt remarqué, celui prononcé le 2 mars 2011, qui admet qu’un employeur modifie les objectifs d’un salarié sans son accord dès lors qu’ils sont réalisables et qu’ils ont été portés à sa connaissance en début d’activité.

Enfin et surtout, toutes ces politiques de rémunération des cadres, usant largement d’individualisation, ne peuvent déroger à l’emblématique principe “à travail égal, salaire égal”, posé en 1996 par la Cour de cassation. Il est valable entre personnes de même catégorie mais aussi, ce qui est nouveau, entre cadres et non-cadres. À l’origine de cette exigence, un arrêt de la Cour de cassation du 1er juillet 2009 annonçant que « la seule différence de catégorie professionnelle ne peut justifier une différence de traitement entre salariés, opérée par décisions unilatérales ou accords collectifs », détaille Yan-Eric Logeais, du cabinet Gide Loyrette Nouel. En ligne de mire : tous les avantages, gratifications et primes, qu’il s’agisse de titres restaurants, de bons d’achat, de régime de retraite, de jours de congé…

Possibilité de déroger à l’égalité de traitement

Après avoir provoqué un vent panique, la Cour de cassation est venue tempérer son propos avec de nouveaux arrêts en juin dernier. « Elle a conclu que l’on ­pouvait déroger à l’égalité de ­traitement pour des raisons objectives et pertinentes », ajoute Me Logeais.

Le TGI de Paris a suivi ce raisonnement lorsque la CGT et la CFDT ont tenté de faire annuler 6 dispositions de la convention collective Syntec car elles prévoyaient des avantages différents pour les cadres et les non-cadres (durée du préavis, in­demnité de licenciement, incapacité temporaire de travail…). Dans un jugement du 29 novembre 2011, le tribunal a identifié les justifications des écarts, déboutant les syndicats de leur demande.

Parmi les arguments admis pour opérer la différence d’un avantage catégoriel, « ceux reliés à la nature ou à l’évolution de carrière, ainsi que les conditions d’exercice des fonctions », illustre Me Ménard. Ce peut être aussi un niveau de formation, une ancienneté mais pas « la nature du contrat, comme par exemple un CDD face à un CDI, un temps partiel par rapport à un temps plein », complète Me Logeais. Des logiques à dupliquer entre salariés de même catégorie.

Auteur

  • C. L.