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Enquête

LA DIFFICILE SÉCURISATION DES PARCOURS DES TRAVAILLEURS TEMPORAIRES

Enquête | publié le : 21.06.2011 | S. M.

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LA DIFFICILE SÉCURISATION DES PARCOURS DES TRAVAILLEURS TEMPORAIRES

Crédit photo S. M.

Exclus des dispositifs d’aide au reclassement, les salariés précaires sont aussi les plus touchés par les chocs économiques. Localement, des initiatives d’accompagnement personnalisé ont vu le jour, tandis qu’un contrat spécifique est testé sur des plates-formes du CTP.

Il a fallu être inventif pour amortir le choc. « Il n’y a pas de dispositif de droit commun d’accompagnement et de formation des ex-intérimaires », constate Jacques Solovieff, directeur général du Faf-TT, l’Opca du travail temporaire. Pourtant, « ils ont été les principales victimes de la contraction du monde du travail », reconnaît François Roux, délégué général du Prisme, syndicat des professionnels de l’intérim. État, collectivités territoriales, partenaires sociaux, Opca et organismes de formation ont dû réagir rapidement en imaginant des programmes de remise à l’emploi.

Mise en place d’un partenariat gagnant

Les premières initiatives d’accompagnement sont nées dans les bassins les plus touchés : les plates-formes Parcours en Seine Aval (Pesa) à Poissy ou Pôle Position dans le Nord, pour les 5 000 intérimaires de l’automobile mis sur le carreau. « Sur chaque plate-forme, à Valenciennes, à Maubeuge, à Douai et à Lens-Liévin, étaient présents un représentant de chacun des partenaires, Pôle emploi, les entreprises de travail temporaire et l’Afpa », explique Arnaud Hentz, coordinateur du projet Pôle Position. Grâce à ces compétences complémentaires et à une bonne mise en réseau, ce partenariat gagnant a permis une montée en puissance rapide du dispositif, ouvert en avril 2009 et clos en décembre 2010 : « Dès le premier mois, 400 personnes avaient intégré Pôle Position », témoigne-t-il. Le principe : la construction d’un parcours personnalisé, avec formations pour des reconversions ou des montées en compétence alternant avec des missions d’intérim et des rendez-vous hebdomadaires avec un référent unique. Résultat, 509 des 1 310 adhérents ont retrouvé un emploi de plus de six mois.

Un contrat d’accompagnement renforcé

L’État expérimente un concept proche avec le contrat d’accompagnement renforcé (CAR) d’une durée d’un an, mis en place par un arrêté du 25 février 2011. C’est un prolongement du contrat de transition professionnelle (CTP), ouvert aux intérimaires et aux fins de CDD sur six bassins d’emploi*. Les derniers CAR vont être signés le 22 juin prochain.

Mais les premiers résultats sont en demi-teinte. Si les salariés concernés sont satisfaits de l’accompagnement individualisé, avec un taux de retour à un emploi durable correct (de 15 % à 20 % à mi-parcours sur les bassins de Montbéliard et de Saint-Dié), le dispositif ne remplira pas son objectif de 900 contrats au niveau national. « Le système s’est mis trop tardivement en place, il a du mal à faire le plein car il y a une reprise dans l’intérim », estime Jacques Solovieff. Véronique Pape, chef de projet CAR à l’Afpa, à Montbéliard, pointe les conditions d’éligibilité restrictives : le CAR est ouvert à un public peu qualifié, niveau bac ou infra, avec six mois de droits ARE et au moins quatre mois consécutifs exécutés dans la dernière entreprise avant chômage.

Du coup, l’alimentation du système par Pôle Emploi, chargé de repérer les candidats potentiels, a eu des ratés. Le temps de réaction de l’agence était trop long face à ce public mal connu et volatile, qui avait souvent retrouvé une mission au moment de la prise de contact. Il a fallu la mobilisation du Faf-TT et l’information des agences de travail temporaire pour remédier en partie à cette difficulté. Constat partagé par la sous-préfecture de Saint-Dié, qui « a envoyé une lettre à tous les partenaires et entreprises, pour qu’ils orientent leurs publics vers le CAR », raconte Marie Cornet, secrétaire générale.

Pas de rémunération

Ces actions de communication, qui n’ont pas été généralisées sur tous les bassins, n’ont pas été suffisantes pour bien faire connaître le nouveau dispositif. Mohamed Derrazi, bénéficiaire du CAR à Montbéliard, qui vient d’avoir son permis de chauffeur de bus, témoigne : « Nous étions une vingtaine à être convoqués, et nous n’avons été que deux à accepter. Tous les autres ont refusé parce qu’ils ne connaissaient pas et qu’ils se sont dit : encore du bla-bla. »

Autre frein majeur : l’absence de rémunération. Contrairement au CTP, où 80 % du salaire est maintenu pendant un an, un intérimaire en CAR ne touche que ses indemnités chômage habituelles. Céline Rattez, conseillère Faf-TT dans le Nord, a vu les intérimaires préférer s’inscrire dans le cadre des Opal, ces formations collectives initiées par les entreprises de travail temporaire pour répondre aux besoins ciblés de leurs clients, en particulier dans le bâtiment. « Ils continuent ainsi d’être salariés, ce qui leur ouvre des droits Assedic », signale-t-elle. En 2010, 304 Opal se sont tenues dans toute la France, contre 169 en 2009. Une forte concurrence pour le CAR. Même si en sous-préfecture de Saint-Dié, on se réjouit de ne pas avoir eu d’effet d’aubaine, avec un recrutement efficace de volontaires qui disposaient « d’une vraie motivation à l’accompagnement ». Mais Véronique Pape souligne que, « sur les projets de reconversion, le bénéficiaire risque d’être en fin de droits avant la fin de la formation. Il ne peut se le permettre ». Sans oublier la tentation de tout abandonner face à une proposition de mission, même si le CAR permet des allers-retours entre emploi et formation.

* Douai, Montbéliard, Saint-Dié, Mulhouse, Les Mureaux-Poissy et la vallée de l’Arve.

Auteur

  • S. M.