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CES DISPOSITIFS QUI FAVORISENT LE RETOUR À L’EMPLOI

Enquête | publié le : 21.06.2011 | ÉLODIE SARFATI

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CES DISPOSITIFS QUI FAVORISENT LE RETOUR À L’EMPLOI

Crédit photo ÉLODIE SARFATI

Tout le monde n’est pas égal face aux plans sociaux : pour aider les salariés non éligibles au congé de reclassement à rebondir, les dispositifs CTP et CRP vont laisser la place au contrat de sécurisation professionnelle. Et l’idée d’un accompagnement renforcé pour les salariés précaires fait peu à peu son chemin.

Exit la convention de reclassement personnalisé (CRP) et le contrat de transition professionnelle (CTP): place au contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Issu de la fusion des deux dispositifs expérimentaux précités – créés il y a plus de cinq ans, le premier par les partenaires sociaux, le second par l’État – le CSP poursuit les mêmes objectifs : proposer aux salariés licenciés pour motif économique et appartenant à une entreprise de moins de 1 000 salariés, un accompagnement renforcé vers le retour à l’emploi (lire p. 22).

Une manière, d’abord, de réduire les différences de traitement avec les personnes éligibles au congé de reclassement, dispositif obligatoirement proposé, et financé, par les entreprises de plus de 1 000 salariés qui procèdent à des PSE. De fait, avec le CTP et la CRP, cet objectif de rééquilibrage a été partiellement atteint. Ainsi, l’indemnisation qu’ils proposent est plus élevée et dure plus longtemps que celle du congé de reclassement, qui donne droit à 65 % du salaire brut pendant quatre à neuf mois.

Malgré tout, dans certains grands groupes, les moyens mis en œuvre pour l’accompagnement des salariés restent sans commune mesure. Pour les 114 salariés de l’usine ST-Ericsson de Caen, fermée en juillet 2010, les syndicats ont obtenu du groupe ST Microelectronics un accompagnement de vingt à trente mois – les huit premiers mois étant indemnisés à 100 % du salaire, et les mois suivants à 80 % puis 70 % –, des budgets de formation de 13 000 à 20 000 euros par personne, ou encore des aides à la création d’entreprise pouvant atteindre 40 000 euros.

Licenciements hors PSE

Certes, certains bénéficiaires du CTP ou de la CRP ont aussi accès aux mesures du plan social de leur entreprise, y compris les cellules de reclassement (lire p. 23). Toutefois, la moitié d’entre eux ont été licenciés hors du cadre d’un PSE, souligne Philippe Dole, auteur d’un rapport en 2010 sur les dispositifs CTP-CRP. Pour eux, l’alternative était celle de l’accompagnement classique des demandeurs d’emploi.

De plus, estime-t-il, entre 70 % et 80 % des salariés à qui l’un de ces outils est proposé y adhèrent, et ces taux sont en augmentation. Depuis janvier 2010, près de 20 000 personnes ont adhéré à un CTP sur les 32 bassins d’emploi où il est expérimenté : 5 600 dans l’un des 7 bassins gérés depuis 2006 par l’Afpa, via sa filiale Transitio-CTP ; les autres sur les 25 bassins devenus éligibles au CTP en 2009, cette fois pilotés par Pôle emploi ou ses sous-traitants. Dans la même période, 110 000 personnes ont bénéficié d’un accompagnement CRP, là aussi opéré par Pôle emploi.

En quoi consiste cet accompagnement ? Concrètement, les salariés licenciés se voient proposer, pendant douze mois maximum, un rendez-vous hebdomadaire avec un référent unique : « C’est une vraie relation, construite entre un bénéficiaire et son référent, schématise Samir Ghalem, qui dirige, au Havre, l’une des agences de services spécialisés que Pôle emploi déploie depuis un an*. Nous établissons d’abord un diagnostic de compétences de la personne, nous analysons ses forces et ses faiblesses par rapport au marché du travail, et nous définissons un plan d’actions concerté – formations bilans de compétences, etc. –, que le bénéficiaire s’engage à suivre. »

Anticiper l’évolution des métiers

Hormis cette approche personnalisée, l’enjeu majeur, pour Jean-Lou Orlandini, chef de projet CTP sur la plate-forme (Afpa) de Saint-Dié (88), est d’amener vers la formation des publics pour lesquels cela n’a rien d’évident : « 67 % de nos adhérents ont le niveau BEP ou CAP, 22 % ont plus de 50 ans. L’accompagnement individuel permet de leur faire prendre conscience des compétences qu’ils ont acquises et de ce qui leur manque par rapport à leur projet et aux besoins des recruteurs. En parallèle, nous rencontrons les entreprises pour les aider à anticiper l’évolution de leurs métiers et éviter de former à des compétences qui risquent d’être dépassées. » A Saint-Dié, où 2 245 personnes ont été accompagnées depuis 2006, plus de 3 200 actions de formation ont été engagées, dont 30 % de formations qualifiantes. Au Havre, 50 % des bénéficiaires du CTP issus de l’industrie métallurgique se sont réorientés, indique Samir Ghalem : « C’est là que le dispositif prend tout son sens » (lire l’encadré p. 22).

Les moyens déployés ont-ils accéléré le retour à l’emploi ? Difficile de répondre précisément à cette question – Pôle emploi ne disposant pas de bilan national. L’Afpa indique, pour les 7 bassins CTP qu’elle pilote, un taux de retour à l’emploi “durable” (CDI ou CDD de plus de six mois) de moins de 50 % en fin d’accompagnement. Ce chiffre a baissé d’environ 10 points depuis la crise. Mais il atteint 70 % si on y inclut les formations qualifiantes.

En Haute-Normandie, les fourchettes sont à peu près équivalentes : « Au Havre, sur 30 % de bénéficiaires qui se réinscrivent à Pôle emploi au bout des douze mois d’accompagnement, 70 % sont en emploi six mois après », ajoute Samir Ghalem. Mais à Hagetmau, dans les Landes, Roger Labarthe de la CFDT Aquitaine déplore un taux de reclassement des adhérents au CTP ne dépassant pas 20 %…: « Il est vrai qu’Hagetmau est un bassin d’emploi enclavé, où rien n’a été anticipé pour remplacer une mono-industrie vieillissante (fabrication de meubles, NDLR). De plus, les salariés, peu qualifiés et peu mobiles, n’ont pour beaucoup connu qu’un seul employeur, comme Capdevielle, liquidé en 2010. Certains ont même désappris à lire : 40 % des formations dispensées en CTP concernaient les savoirs de base. »

Ancrage territorial

Les résultats sont donc très différents d’un bassin d’emploi à l’autre, conditionnés par la qualité de l’accompagnement, le profil des personnes et la situation économique du territoire. Dans la vallée de l’Arve (74), par exemple, le CTP a servi à maintenir les compétences sur le bassin d’emploi, en attendant la reprise de l’activité de décolletage (lire p. 26). L’ancrage territorial, caractéristique du dispositif CTP, est un autre élément crucial pour faciliter l’échange d’informations entre les acteurs, comme le montre l’expérience de la plate-forme de Morlaix (lire p. 25).

A Saint-Dié, où le taux de chômage tourne autour de 13 %, seules 36 % des personnes sont reclassées au terme du CTP, mais 64 % sont en emploi six mois plus tard ou en formation. « Nos parcours sont longs, concède Jean-Lou Orlandini, car nous visons le retour à l’emploi durable, et pas forcément rapide. Nous ne sommes pas sur une logique de placement. »

Reste que tous les salariés victimes de licenciement économique n’ont pas accès à ce type de prise en charge, en particulier les salariés en contrat précaire. C’est pourquoi des initiatives locales ont parfois vu le jour pour pallier ces écueils, comme en Bourgogne, où une cellule interentreprises a accompagné 500 personnes non prises en charge par une CRP, dont la moitié de salariés précaires (lire p. 27). D’autres formules d’accompagnement ont été expérimentées pour ce public depuis la crise (lire p. 28), et le seront encore dans le cadre du futur contrat de sécurisation professionnelle. Un filet de sécurité d’autant plus opportun qu’aujourd’hui, un tiers des entrées à Pôle emploi proviennent d’une fin de CDD ou d’un contrat d’intérim.

* Elles réunissent des spécialistes des méthodes du recrutement par simulation, de l’orientation et de l’accompagnement des licenciés économiques.

L’ESSENTIEL

1 Le contrat de sécurisation professionnelle va prochainement se substituer à la CRP et au CTP, expérimentés depuis cinq ans auprès des licenciés économiques des entreprises de moins de 1 000 salariés.

2 Ces accompagnements renforcés et indemnisés ont permis un large accès des bénéficiaires à la formation, mais enregistrent des résultats mitigés en matière de retour à l’emploi.

3 Malgré certaines initiatives locales, les salariés précaires restent globalement exclus de ces dispositifs.

La formation, pierre angulaire de l’accompagnement

→ Pas de transition professionnelle sans formation : ainsi, d’après les données de Transitio-CTP, environ 45 % d’adhérents au contrat de transition professionnelle (CTP) ont changé de filière. Pour cela, beaucoup ont suivi des formations visant à développer leur polyvalence, tandis que d’autres se sont reconvertis : Anne-Marie Bjornson-Langen, directrice d’Afpa Transitions, cite par exemple un maçon devenu conducteur de grue, un vendeur en alimentation passé au contrôle électronique, une ouvrière en confection reconvertie en ambulancière… Des opportunités démultipliées par l’implication des Opca, en particulier Agefos-PME et Opcalia, sollicités via un accord de 2009 avec le ministère du Travail, puis par le FUP (fonds unique de péréquation) et le FPSPP*.

→ En deux ans et demi, Opcalia affiche un bilan de 22 000 personnes formées, pour une durée moyenne de plus de 220 heures et un financement de 54 millions d’euros. Des ratios équivalents pour les bénéficiaires du CTP – outil dès le départ orienté vers la reconversion – et pour ceux de la CRP. Agefos PME indique pour sa part avoir pris en charge 10 000 entrées en formation entre juin et décembre 2010, pour une durée moyenne de 120 heures et 15 millions d’euros de financement.

→ Outre l’ingénierie de formation et leur connaissance des organismes de formation, les Opca ont également mis à profit leur réseau : « Nous ne sommes pas seulement un financeur, car nous jouons un rôle d’intermédiateur avec nos entreprises adhérentes, ce qui nous permet d’informer les accompagnants comme Pôle emploi des profils qu’elles recherchent et de leurs postes à pourvoir », illustre Vincent Graulet, directeur veille et prospective d’Opcalia.

* Le FPSPP a lancé en 2010 un appel à projets de 88 millions d’euros pour le CTP et la CRP, auquel ont répondu cinq autres Opca.

Auteur

  • ÉLODIE SARFATI