Le rapport de l’ONG Human Rights Watch sur les pratiques antisyndicales de multinationales européennes aux Etats-Unis a fait du bruit en septembre dernier. Lance Compa, professeur de la prestigieuse université Cornell, qui a rédigé ce rapport après dix-huit mois d’enquête, pointe les Français Sodexo et Saint-Gobain en compagnie de quelques autres Européens comme Bosch, Deutsche Telekom, Deutsche Post, Siemens, Tesco… Ceux-ci multiplient les initiatives en Amérique pour éviter l’arrivée des syndicalistes dans leurs murs et les négociations salariales qui s’ensuivent.
Le retentissement est d’autant plus fort que ces entreprises familières des droits sociaux de leur pays d’origine, généralement plutôt favorables à la représentation des salariés, se sont aussi engagées à suivre les principes de l’OCDE et les normes de l’OIT sur la liberté d’association (dont les Etats-Unis ne sont pas signataires), et adhèrent au Pacte mondial des Nations Unies. Bref, toutes sont soucieuses de leur image d’entreprise citoyenne. Mais, aux Etats Unis, « le docteur Jekyll européen devient un monsieur Hyde américain », écrit Lance Compa.
Un exemple avec l’usine d’abrasifs de Worcester appartenant à Saint-Gobain dans l’État du Massachusetts, qui a connu une guérilla syndicale de plusieurs années entre la direction et l’UAW (United Auto Workers). Saint-Gobain a organisé des réunions en entreprise, des entretiens individuels avec les 800 salariés de l’usine et leur a envoyé des lettres les avertissant des “dangers” de la syndicalisation. Ils ont voté malgré tout en faveur de l’UAW, mais la direction a refusé de négocier avec les représentants du syndicat. Worcester connaîtra la grève, et des menaces de délocalisation. Et les salaries épuisés ont flanché, selon l’ONG. En 2005, une majorité d’entre eux votent de nouveau… pour se séparer du syndicat. « Au final, nos salariés ont décidé dans des élections justes et libres de ne plus être représentés par un syndicat », explique Karen Cawkwell, porte-parole de Saint-Gobain.
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