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ESS: « Un certain nombre de nos accords salariaux ne sont ni agréés, ni respectés » (Hugues Vidor, Udes)

Dialogue social | publié le : 06.11.2023 | Benjamin d'Alguerre

« Un certain nombre de nos accords salariaux ne sont ni agréés, ni respectés » (Hugues Vidor, Udes)

« Un certain nombre de nos accords salariaux ne sont ni agréés, ni respectés » (Hugues Vidor, Udes)

Crédit photo DR

100 000 emplois sont à pourvoir dans le secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS), essentiellement dans les branches de l’aide à domicile, du social et médico-social ainsi que de l’éducation populaire. Selon Hugues Vidor, président de l’Udes, ces dernières souffrent surtout de l’irrespect des accords salariaux par les financeurs publics alors que l’ESS cherche à valoriser ses salariés.

Le 16 octobre dernier, les organisations syndicales et patronales – dont l’Udes – étaient réunies par la Première Ministre à l’occasion d’une conférence sociale portant notamment sur l’augmentation des salaires et la revalorisation des grilles de classifications afin qu’aucune ne compte de salaires de base infra-SMIC. Quel bilan en tirez-vous ?

Hugues Vidor : la conférence sociale s’est notamment achevée sur l’annonce de la création d’un Haut-conseil aux rémunérations, ce qui nous paraît intéressant. A l’Udes, nos seize branches adhérentes ont négocié – ou négocient encore – une révision à la hausse des grilles salariales et des minimas conventionnels pour les plus bas niveaux de qualifications et les rémunérations infra-SMIC. Notre problème c’est que certaines collectivités départementales choisissent d’ignorer ces accords chargées de compenser financièrement le surcoût que ces augmentations de salaires représentent pour les employeurs de l’ESS choisissent d’ignorer ces accords ! C’est ce que subissent plusieurs de nos branches relevant du domaine du « care » comme celles du sanitaire et social à but non-lucratif (BASS) ou de l’aide à domicile (BAD). Dans cette dernière, il existe par exemple un accord revalorisant de 15% les rémunérations des salariés n’ayant pas été augmentés depuis 10 ans. Or, deux départements, les Yvelines et les Hauts-de-Seine, ne l’appliquent pas ! Idem pour l’avenant 54 à la convention collective de la branche d’octobre 2022 qui augmente de 4% la valeur du point pour aider les salariés à faire face à l’inflation que 30 à 40% des conseils départementaux choisissent de ne pas appliquer pour des raisons budgétaires. Cette attitude est totalement contradictoire avec l’esprit de service public au moment où la question du vieillissement devient un enjeu de société. Nous demandons à Matignon et au ministère du Travail d’exiger des acteurs publics un respect des accords dès leur agrément !

Cette situation pose-t-elle un problème pour l’attractivité de vos métiers ?

H.V : Oui. Nos branches recensent environ 100 000 emplois non-pourvus, dont 50 000 pour le secteur médico-social, 25 000 dans celui de l’aide à domicile et 20 000 pour l’éducation populaire, l’animation et le sport. Or, sans revalorisation salariale, il est très difficile d’attirer de nouveaux candidats vers ces métiers. Les politiques publiques doivent être à la hauteur des ambitions affichées. L’Etat ne peut pas d’un côté contraindre les branches à négocier des augmentations pour les rémunérations infra-SMIC et de l’autre, laisser les collectivités départementales ne pas répercuter ces hausses de salaires. Il faudrait radicalement changer le système. La représentation de l’Association des départements de France (ADF) trouve sa légitimité dans le fait qu’elle participe au financement des politiques publiques liées au care. Or, aujourd’hui, elle ne remplit pas son rôle. A l’Udes, nous demandons non seulement qu’elle y prenne sa part, mais aussi que l’évolution de l’inflation, que les donneurs d’ordres ignorent trop souvent, soit systématiquement répercutée dans les appels d’offres.

Vos branches adhérentes ont-elles joué le jeu des négociations portant sur les revalorisations salariales?

H.V : Oui. Les seize ont négocié ou sont en cours de négociation là-dessus, même si l’agrément de certains accords – comme celui d’Elisfa, la fédération des employeurs du lien social et familial – prend encore du temps. Mais toutes nos branches se sont engagées dans une dynamique de dialogue sociale sur ce sujet, comme sur d’autres. Sur l’égalité professionnelle, par exemple, nous sommes la seule organisation patronale à demander d’examiner la possibilité de développer des mesures d’égalité professionnelle dans les entreprises de moins de 50 salariés. D’ailleurs, un accord sur sept sur l’égalité hommes-femmes est signé dans l’ESS, selon les recensements de la Dares. Nous disposons même d’un accord multiprofessionnel sur la question daté de 2015. Pour l’anecdote, la négociatrice CGT était alors Sophie Binet. Nous envisageons d’ailleurs une nouvelle négociation multipro sur les transitions démographiques. Il s’agira d’aboutir à un accord qui réponde aux enjeux d’employabilité et d’attractivité en travaillant la question démographique dans une vision globale : attirer des jeunes, fidéliser les salariés et maintenir les séniors dans l’emploi. C’est un enjeu pour l’ESS. Dans certaines branches comme l’aide à domicile ou les crèches, 80% de l’effectif est féminin et il s’agit pour l’essentiel d’emplois non-télétravaillables. Les employeurs ont engagé une réflexion sur une nouvelle organisation du travail qui leur permettrait d’obtenir au moins une demi-journée par semaine d’emploi réalisable à domicile. Une autre problématique porte aussi sur l’amélioration de l’accueil de l’enfant chez nos salariés. Nous souhaitons par exemple coupler le congé paternité avec le congé parental et faire passer à 100% la prise en compte du congé d’éducation parental dans le calcul de l’ancienneté (contre 50% aujourd’hui).

Au-delà de la question salariale, quels dispositifs d’évolution professionnelle vos branches déploient-elles pour favoriser l’attractivité de leurs métiers ?

H.V : Nous travaillons sur un dispositif d’évolution intra et inter-branches afin de favoriser les passerelles entre les métiers ou développer des politiques de primes d’ancienneté et faciliter l’accès à la formation. Ce dernier point pourrait bénéficier d’un abondement des fonds de la formation en lien avec les opérateurs de compétences et les employeurs. Nous y réflechissons avec nos branches et les trois Opco (Uniformation, Opco Santé et l’Afdas) de notre périmètre.

 

 

 

 

 

 

 

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre