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Le nouvel accord cadre mondial de PSA divise les syndicats

Liaisons Sociales Magazine | Dialogue Social | publié le : 23.03.2017 | Elsa Sabado

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Le nouvel accord social signé avec la fédération syndicale internationale, IndustriAll est-il un outil supplémentaire utile pour défendre les salariés ou un coup de communication de la direction du groupe PSA ? Les syndicats du constructeur automobile ne sont pas tous d'accord.

La semaine dernière, les fédérations syndicales françaises de la métallurgie étaient invitées au siège de PSA, à Paris. Objectif, parapher un nouvel accord-cadre mondial (ACM) sur la responsabilité sociale de l'entreprise, conclu quelques jours plus tôt dans les bureaux de l'Organisation internationale du travail à Genève. Trois signataires : Global IndustriAll Union, European IndustriAll Trade Union - son équivalent européen - et la direction de PSA.

« Nous voulions porter à l'échelle internationale notre accord Nouvel élan pour la croissance, la partie consacrée au dialogue social de notre plan stratégique « Push to pass » », explique Xavier Guisse, en charge de la responsabilité sociale de PSA.

Un moyen de lutter contre le dumping

La première partie de l'ACM reprend les engagements pris en 2006 sur les droits humains fondamentaux. La nouveauté réside dans le second volet, portant sur le « management des talents et des compétences », le « bien-être et la qualité de vie au travail », et sur le dialogue social, basé sur le concept de « co-construction ».

Au menu, la politique de formation, de mobilité, de rémunération, mais aussi les questions de santé, de bien-être au travail, la conciliation de la vie personnelle et de la vie professionnelle, ou encore la lutte contre les discriminations. Ces accords doivent s'appliquer non seulement à PSA, mais aussi à ses 7000 fournisseurs.

Les secrétaires généraux des fédérations métallurgie de Force Ouvrière, CFDT, CFTC, CGC ont émargé le document. « Au vu des nouvelles ambitions internationales de PSA, il était indispensable d'ajouter l'étage mondial à la fusée du dialogue social », explique Patrice Michel, élu Force Ouvrière au Comité mondial du groupe. Pour l'occasion, cette instance a vu ses attributions élargies. « Les salariés de PSA du monde entier vont désormais pouvoir profiter des bonnes pratiques mises en place au niveau européen ! C'est le meilleur moyen de lutter contre le dumping social qui menace nos emplois, en France et en Europe », se félicite le délégué FO.

17 000 emplois supprimés
Pour Philippe Portier, secrétaire général de la CFDT Métallurgie, la prise en compte de la dimension RH constitue la valeur ajoutée de l'ACM: « Les autres accords cadres mondiaux se contentent de la question des droits humains fondamentaux. Le groupe PSA a étendu cet accord au domaine de la santé et de la sécurité au travail, mais aussi à l'égalité de traitement entre hommes et femmes ».

Jean-Pierre Mercier, délégué syndical central CGT du groupe a boycotté l'évènement. « Ne comptez pas sur nous pour redorer la vitrine de PSA alors que l'entreprise piétine quotidiennement en France les droits qu'elle prétend faire respecter dans les autres pays », explique-t-il. Le syndicaliste invite sa direction à balayer devant sa porte. « Le texte de l'accord mondial précise que la liberté syndicale est une des exigences sur laquelle PSA s'engage. Et bien, à trois semaines des élections professionnelles de l'usine de Poissy, la direction a convoqué huit des candidats CGT sous des prétextes bidons pour les intimider ».

Le contexte dans lequel l'ACM est proposé pèse lourd dans ce refus. « Le plan s'appuie sur deux accords « Back in the race » et « Push to pass », qui ont mené à la suppression de 17 000 emplois dans le groupe, poursuit le cégétiste. Il n'est pas question que l'on signe quoi que ce soit en rapport avec ça. »

Auto-évaluation

Comment, une fois l'accord signé, être sûr que les engagements présentés noir sur blanc seront respectés ?  « Chaque année, nous rencontrons les délégués mondiaux et européens d'IndustriAll au moment du comité mondial de groupe », affirme Xavier Guisse. Le suivi est aussi local. Les filiales doivent mettre en place un plan annuel suivant trois des quinze exigences avancées par le groupe. A la fin de l'année, un bilan de ce plan est réalisé avec les syndicats.

Enfin, tous les trois ans, les filiales s'auto évaluent sur la base d'un questionnaire de 70 choix. Cet exercice est aussi visé par les syndicats. « C'est là qu'il y a du verbatim qui remonte, sur l'égalité de rémunération entre hommes et femmes, le harcèlement moral, les discriminations », commente le cadre de PSA. En cas de litige? « Nous préférons le règlement à l'amiable avec IndustriAll. »

Manque de résultats concrets

La version précédente de l'accord ayant été signée en 2006, il serait intéressant de savoir à quoi il a servi jusqu'ici. Mais Xavier Guisse se montre peu précis sur ce point, indiquant seulement  qu'il préfère mettre l'accent sur le fait que l'ACM a permis de « challenger les bonnes pratiques ». A la même question, Patrick Michel, le délégué FO au comité de groupe, indique qu'il n'existe pas d'exemple dont il puisse nous parler publiquement.

Pour sa part, Jean-Pierre Mercier (CGT) s'inscrit en faux quant à la stratégie syndicale de ses homologues. « Penser qu'avec du papier, on va faire respecter les droits des travailleurs en Chine ou en Iran, c'est se payer de mots. En France, la moindre reconnaissance d'accident du travail, pourtant une obligation légale, nécessite l'établissement d'un rapport de force », affirme-t-il. Le mot de la fin revient à Philippe Portier, délégué CFDT et Saint-Thomas de cette histoire. « Il faudra voir les effets concrets de l'ACM. C'est ça qui importe », assure-t-il benoîtement.

Auteur

  • Elsa Sabado