À huit mois d'un congrès crucial, Philippe Martinez hausse le ton envers le gouvernement en multipliant les journées d'action. La sortie du livre de Thierry Lepaon complique sa volonté de rassembler.
Les conférences de presse se suivent… et se ressemblent à la CGT. En cette rentrée, et au lendemain d’une assemblée générale discutée, la forme n’a pas changé. Mais le ton s’est durci. Contre le gouvernement, d’abord. Son secrétaire général, Philippe Martinez n’a de cesse de taper sur « la logique de régression sociale » à l’œuvre au sein de la majorité. Et symbolisée par les lois Macron et Rebsamen.
Risque d'isolement
Les intentions affichées par Matignon de flexibiliser le marché du travail – en donnant davantage de place à la négociation d’entreprise – nourrissent l’inquiétude et la colère du leader cégétiste qui radicalise son discours. Deux journées d’action sont prévues à la rentrée : le 23 septembre sur les libertés syndicales et le 8 octobre sur l’emploi, les salaires, et contre l’austérité. Une seconde mobilisation avec des mots d'ordre qui ratissent large. Mais qui, loin de rassembler toutes les centrales, devrait contribuer à renforcer l’isolement de la CGT dans le camp des « anti », aux côtés de la FSU et Solidaires.
Passage aux 32 heures
Parmi les revendications de Philippe Martinez, le passage aux 32 heures, qu'il souhaite voir inscrit à l’ordre du jour de la conférence sociale d’octobre. Une demande qui n’est partagée par personne au sein des autres organisations syndicales représentatives. Et qui ne paraît guère réaliste en plein débat sur la compétitivité des entreprises. Plutôt que des RTT supplémentaires, les salariés réclament, eux, avant tout de meilleurs salaires et des embauches.
10 000 adhérents en moins
Ce discours radical et la multiplication de journées d’action inefficaces agacent en interne. Certains cadres dirigeants préfèreraient que la CGT mette de l’eau dans son vin et privilégie la voie de la réforme. Mais à huit mois du congrès de Marseille, qui s’annonce houleux, le secrétaire général reste persuadé que c’est en musclant sa ligne qu’il pourra rassembler.
Et aussi enrayer la chute des adhésions. L’ancien délégué syndical de Renault a beau parler d'un « tassement », la CGT admet avoir perdu 10000 adhérents depuis un an. Un chiffre minoré, selon de nombreux observateurs. Fermetures d’usine et éclatement du salariat complique la syndicalisation. Tout comme la crise interne née de "l’affaire Lepaon".
Le brûlot Lepaon
Un épisode pas encore clos. La commission chargée de faire la lumière sur le montant des travaux dans le bureau et l'appartement de fonction de l'ancien leader l'ayant blanchi, Phlippe Martinez aurait apprécié que l'intéressé fasse profil bas. Au lieu de ça, Thierry Lepaon sort le 10 septembre un livre revanchard, « La vie continue » (Ed. Cherche midi), dans lequel il affirme que neuf « traitres » ont livré des informations à la presse en vue de le décrédibiliser et de nuire à la CGT.
Toujours salarié
Un soupçon de complot sur lequel son successeur refuse de s’exprimer. « La rentrée sociale de la CGT, ça n’est pas un livre. Il ne donne aucun nom, aucune preuve, aucune information. Ses déclarations lui sont propres et n’engagent pas la CGT », soutient Philippe Martinez qui n’a pas encore lu le brûlot. Refusant de mener une chasse aux sorcières, lui s'attache à jouer la carte de l'union, quitte à lâcher celui qu'il avait au départ soutenu.
Conformément à la promesse qui lui a été faite, l’ancien de Moulinex reste salarié de la CGT tant qu’un strapontin professionnel ou militant ne lui a pas été trouvé. Ce qui devrait arriver dans les prochaines semaines. Objectif : l’éloigner de la Porte de Montreuil pour éviter qu’il ne pèse trop sur le congrès, où le rassemblement pourrait n'être que de façade...