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Partage de la valeur : le détail du projet de loi

Participation | publié le : 24.05.2023 | Benjamin d'Alguerre et Olivier Hielle

Le ministre du Travail Olivier Dussopt a présenté le projet de loi sur le partage de la valeur en conseil des ministres, mercredi 24 mai.

Le ministre du Travail Olivier Dussopt a présenté le projet de loi sur le partage de la valeur en conseil des ministres, mercredi 24 mai.

Crédit photo Ludovic Marin / AFP

Possibilité de verser deux PPV par an, automatisation de mesures de partage de la richesse en cas de bénéfices exceptionnels, création de « plans de valorisation de l’entreprise »… Le projet de loi sur le partage de la valeur présenté hier en conseil des ministres se veut « fidèle » à l’ANI des partenaires sociaux, même si quelques hiatus subsistent.

C’est fait ! Le projet de loi sur le partage de la valeur, destiné à booster le développement des primes, de la participation et de l'intéressement en entreprise, a été présenté le 24 mai en conseil des ministres par Olivier Dussopt. Pour le ministre du Travail, le texte, qui comprend quinze articles, constitue une retranscription « loyale et fidèle » de l’ANI signé par les partenaires sociaux – sauf la CGT – le 10 février dernier. « Ce sera l’accord et rien que l’accord », a promis le locataire de l’hôtel du Châtelet.

Le caractère "exceptionnel" des bénéfices renvoyé à la négociation d'entreprise

Pour autant, entre le moment où le texte a quitté la table des négociations pour rejoindre celui des services du ministère du Travail en vue de sa transposition légale, son contenu a connu quelques remaniements. À l’image du rappel du principe de non-substitution entre salaires et dispositifs d’épargne salariale que les partenaires sociaux avaient inscrits dans le marbre de l’accord, mais qui s’avère absent du projet de loi final. « Ce principe est déjà inscrit dans le Code du travail », se défend Olivier Dussopt. N’empêche. Certains auraient aimé sécuriser les termes de l’ANI. Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls : à en croire une étude Ifop pour le cabinet de conseil en rémunération Primeum sortie le 24 mai, les salariés expriment le même besoin de sécurité. Si 74 % des sondés estiment que les mécanismes d’intéressement permettent un meilleur partage de la richesse de l’entreprise, ils sont quasi autant (76 %) à penser que ces dispositions fragilisent leur pouvoir d’achat « en les mettant à la merci de la conjoncture économique de leur employeur ». Ils sont également près de 70 % à juger que ces dispositifs créent de la concurrence entre collègues et participent à l’augmentation du stress…

Autre disparition notable : celle de la formule de calcul complexe qu’avaient imaginée les négociateurs pour déterminer pour déterminer le seuil « exceptionnel » de bénéfices d’une entreprise (de plus de 50 salariés) à partir duquel celle-ci devait automatiquement mettre en place un dispositif de partage de la valeur. Remplacée dans le texte final – à la demande des organisations patronales – par une négociation d’entreprise chargée de déterminer, entreprise par entreprise, le caractère « hors-norme » des bénéfices réalisés. Un procédé sur lequel, cependant, le Conseil d’État a émis quelques réserves et qui laisse donc présager quelques possibles évolutions au moment de l’examen parlementaire. Quant aux mesures attendues pour contraindre les entreprises réalisant des « superprofits » à en partager le bénéfice avec leurs salariés, elles ont également été évacuées du projet de loi, même si Emmanuel Macron s’était exprimé en leur faveur en mars dernier. « Cela aurait entraîné un risque de surenchère ! » commente Olivier Dussopt.

Deux PPV par an

Voilà pour les principaux points de friction. Pour le reste, hormis quelques mesures techniques (déblocage des plans d’épargne d’entreprise pour la rénovation thermique du logement ou dépenses exceptionnelles entraînées par une situation de proche aidant…), le projet de loi reste fidèle à l’accord. Côté coup de pouce au pouvoir d’achat des salariés, le texte prévoit que les entreprises dont l’effectif se situe entre 11 et 49 employés et qui sont jugées rentables (en clair : dont le bénéfice net représente au moins 1 % du chiffre d'affaires pendant trois années consécutives) mettent en place au moins un dispositif de partage de la valeur – intéressement, participation, distribution d’actions ou politiques de primes - à compter du 1er janvier 2025 (et non 2024 comme un rapport parlementaire y incitait pour compenser l’augmentation générale des prix).

Prisée des PME depuis son instauration en 2019, la prime de partage de la valeur (PPV, anciennement « prime de pouvoir d’achat » ou « prime Macron ») se retrouve musclée par le projet de loi : son versement pourra survenir deux fois dans l’année (à hauteur d’un plafond de 3 000 ou 6 000 euros en fonction de l’existence – ou non – d’un accord d’entreprise), mais elle pourra en outre se voir inscrite sur un plan d’épargne salariale et d’ainsi bénéficier de l’exonération de l’impôt sur le revenu pour les sommes bloquées. Autre élément incitatif adressé aux employeurs : la défiscalisation de cette PPV est prolongée jusqu’en 2026 « à titre d’expérimentation ».

Innovations

Deux innovations, enfin. Primo : la création des « plans de valorisation de l’entreprise » accessibles à tous les salariés disposant d’une certaine ancienneté. Ce nouveau mécanisme collectif d’intéressement, exonéré de toutes les contributions et cotisations sociales d’origine légale et conventionnelle (seule subsisterait la contribution sociale patronale de 20 % prévue dans le cadre des attributions gratuites d’actions), pourrait permettre aux salariés de se constituer un capital assis sur la croissance de l’entreprise calculée tous les trois ans. Secundo : un rehaussement du plafond global général d’attribution d’actions gratuites que les entreprises peuvent distribuer à leurs salariés. Pour les grandes boîtes et les ETI, le plafond passera de 10 à 15 % du capital et de 15 à 20 % pour les PME.

Le projet de loi devrait être soumis à l’examen des députés à l’été. Mais d’ici-là, Olivier Dussopt a prévu de réunir le comité de suivi des négociations salariales le 14 juin prochain afin de relancer les négociations de branches sur la revalorisation des grilles salariales. Et plus seulement sur les niveaux les plus bas, afin d’éviter la « smicardisation » des niveaux de rémunération et permettre de vraies évolutions salariales dans les branches. À suivre.

 

 

 

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre et Olivier Hielle