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Le printemps des augmentations générales est-il déjà fini ?

Remunération globale | publié le : 13.12.2023 | Gilmar Sequeira Martins

Le printemps des augmentations générales est-il déjà fini ?

Le printemps des augmentations générales est-il déjà fini ?

Crédit photo Olesia_g

Sextant et SIA Partners ont mené avec des outils d’IA une étude sur 1975 accords d’entreprise conclus entre 2021 et 2023. Si elle révèle le retour en force des augmentations générales et la grande faiblesse de la négociation dans les PME, les échanges avec les DRH et les DRS laissent aussi entendre que cette parenthèse pourrait se refermer sitôt l’inflation revenue à son étiage habituel.  

Le cabinet Sextant et SIA Partners ont utilisé un outil d’IA générative pour passer au peigne fin 1 975 accords représentatifs conclus entre 2021 et 2023. Parmi les thématiques explorées figuraient notamment trois éléments très liés à la rémunération : les augmentations générales et individuelles ainsi que la prime de partage de la valeur (PPV) et les suppléments d’intéressement et de participation. Pour beaucoup des DRH et DRS interrogés durant cette étude, les NAO restent « la mère des batailles » ou « le point d’orgue de l’année ». Une cristallisation qui s’explique aisément, selon Marie Bouny, en charge de la stratégie et l’innovation sociale de SIA Partners : « C’est la que sont évoqués les vrais sujets de la vie quotidienne des salariés et les enjeux stratégiques de l'entreprise. C'est également une tribune d'expression politisée. Et c'est une négociation très tendue, spécialement dans un contexte d'inflation. » La spécialiste souligne en effet que l’augmentation « substantielle » du coût de la vie a changé la donne.

Une première surprise de l’étude tient au taux très faible de PME dans lesquelles sont conclus des accords : 5 % seulement alors que c’est le cas de 65 % des ETI. « C'est un taux bien inférieur au niveau d'implantation des organisations syndicales dans ces entreprises, souligne Christian Pellet, président de Sextant. Cela renvoie, probablement, soit à une appétence pour la négociation qui est sans doute trop faible des deux côtés, soit à une incapacité à conclure. Cela démontre en tout cas que ce type de négociation n’est pas opérante dans les entreprises de taille intermédiaire et petite. Cela signifie que la négociation ne joue pas un rôle important pour régler les questions de pouvoir d'achat et d'inflation qui peuvent se poser dans ces entreprises comme dans celles qui sont plus importantes. Les décisions unilatérales sont probablement très dominantes. »

A contrario, le secteur industriel apparaît comme le principal moteur dans la négociation et la conclusion d’accords sur les rémunérations. Alors qu’il ne représente que 7 % des entreprises du pays, il comptabilise 29 % des accords. « Ce sont des secteurs qui ont de l'ancienneté, dans lesquels le syndicalisme est né, dans lesquels les patrons eux-mêmes ont créé des conventions collectives, souligne Christian Pellet. Il y a donc toute une histoire qui a engendré une culture plus propice à la confrontation des points de vue et à l’élaboration de compromis. Je pense que c'est la source de cette fréquence des accords dans ces secteurs. » Un autre facteur a sans doute joué, ajoute Marie Bouny : « Parmi les éléments explicatifs figure aussi le fait que l'industrie est un secteur en tension sur le recrutement. »

86 % des accords prévoient des AG mais...

L’étude montre que les accords ont fait la part belle aux augmentations générales (AG). Elles figurent dans 86 % des 1 975 textes analysés et leur présence va croissant puisque 90 % des accords conclus entre mars et août 2023 stipulent ce type de mesures. « Dans certaines entreprises, il y a eu un changement de paradigme », indique Marie Bouny. Elle relève que les augmentations individuelles (AI) ont été longtemps privilégiées « dans une logique de reconnaissance de la performance ». Un schéma qui ne pouvait plus tenir cependant : « Avec une inflation très forte, le corps social n'aurait pas compris un maintien de ces politiques de rémunération orientées principalement, et parfois majoritairement, vers les augmentations individuelles. »

Pour autant, cette tendance ne se maintiendra peut-être pas longtemps, prévient la spécialiste : « Un certain nombre de responsables des ressources humaines envisagent tout de même, si l'inflation devenait moins forte, de revenir sur un équilibre, voire une part peut-être plus importante, des augmentations individuelles. » Les AI ne sont pas pour autant absentes puisqu’elles figurent dans 50 % des accords signés entre 2021 et 2023. Si les proportions restent stables au fil du temps, les accords conclus dans les entreprises de 1 000 salariés et plus mentionnent plus fréquemment des AI (61 %) que ceux des PME (48 %).

Contre toute attente, la prime de partage de la valeur (PPV) n’a rencontré qu’un succès d’estime, puisque 5 % seulement des entreprises ont inclus ce dispositif dans leurs accords. La répartition des montants est assez étendue puisque 44 % des accords prévoient une PPV inférieure ou égale à 500 euros et 23% seulement un montant supérieur à 1 000 euros. C’est au plus fort de l’inflation, entre juillet et septembre 2022, que le taux d’accord prévoyant une PPV a atteint son plus haut avec 9 % de l’ensemble des textes signés.

Selon les témoignages recueillis auprès des acteurs de la négociation, certaines entreprises n’ont pas hésité à proposer une PPV à la place d’une AG, ce qui a le plus souvent fait échouer les négociations. Un second schéma, plus réussi, a consisté à présenter une possibilité de PPV en fin de négociation afin de combler l’écart entre les demandes d’AG/AI et les propositions. Une option qui sera moins intéressante à partir de 2024 puisque ce dispositif sera alors soumis à cotisations sociales et intégré dans le revenu fiscal du salarié.

 

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins