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Recrutement : Un sourcing inventif pour les quartiers

Entreprise & Carrières | Mobilités | publié le : 21.09.2017 | Laurence Estival

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Intégrer des jeunes issus de zones sensibles, peu confiants en eux-mêmes, exige énergie et imagination. Les employeurs en mal de candidats, diplômés ou pas, se mobilisent pour affiner leurs pratiques et mettre en place des procédures de « sourcing » et d’accompagnement atypiques.

Y aurait-il une malédiction ? En dépit des politiques menées depuis les années 1970 pour aider les habitants des quartiers prioritaires de la ville à sortir de la pauvreté, le dernier rapport de l’Observatoire national des politiques de la ville, paru en 2016, pointe la situation toujours aussi dégradée concernant l’accès à l’emploi : en 2015, le taux de chômage s’y établissait à 26,4 % et était deux fois et demi plus élevé que la moyenne nationale…

Les jeunes, les femmes et les immigrés sont les premières victimes. Et si la situation s’est quelque peu améliorée pour les plus diplômés d’entre eux – 15,9 % ayant un niveau supérieur ou égal à bac + 2 étaient à la recherche d’un travail contre 18,8 % en 2014 – ils ne font toujours pas jeu égal avec leurs camarades de fac des zones urbaines plus privilégiées.

« Pourtant, les entreprises, en quête de collaborateurs, sont de plus en plus nombreuses à s’intéresser à ces publics », observe Estelle Barthélémy, directrice générale adjointe du cabinet de recrutement Mozaïk RH, qui promeut la diversité et a, depuis dix ans, “placé” déjà 4 000 jeunes des cités. Sur un marché du travail tendu, les recruteurs font en effet flèche de tout bois, et pas seulement dans le secteur de la grande distribution, pionnier sur ces sujets, tel Casino ou Carrefour. Le lieu d’habitation ne serait plus un élément discriminant, selon l’étude “Recruter, recruté(e)s, recrutez… dans les quartiers” de Lab’Ho publiée en novembre 2016.

Reste que les entreprises ne savent pas comment toucher ces candidats potentiels… « Ces jeunes ne viennent pas spontanément vers elles. Par manque de confiance en eux, ils pratiquent l’autocensure, observe Inès Dauvergne, responsable expertise diversité du réseau Entreprendre pour la cité qui regroupe des entreprises investies dans l’innovation sociale. Une majorité d’entre eux n’ont d’ailleurs aucune connaissance des métiers proposés par les employeurs. » Mais il n’y a pas que les décrocheurs qui soient dans ce cas… « Pour les plus diplômés, la crainte de ne pas pouvoir rivaliser avec des postulants qui sortent des très grandes écoles, ont fait des stages à Hong Kong ou chez L’Oréal, constitue également un frein indéniable », ajoute Estelle Barthélémy.

Adapter les grilles de lecture des candidatures

Pour lever ces obstacles, les recruteurs les plus décidés, actionnent tous les leviers possibles : des plus classiques, qu’ils doivent adapter à une population parfois fragile, aux plus décoiffants. Le plus évident, bien souvent sous-estimé, consiste à se rapprocher des acteurs publics, Pôle emploi, Apec, missions locales, qui rencontrent les jeunes et les aiguillent, en fonction de leur projet professionnel. Avec des résultats contrastés car les employeurs ne savent pas toujours adapter leurs grilles de lecture des CV de façon plus fine que pour un candidat lambda…

« Au lieu, par exemple, de s’attacher au nom des sociétés dans lesquelles ils ont réalisé des stages, ils doivent s’intéresser au contenu des missions effectuées : que leur ont-elles apporté en termes de responsabilité, d’autonomie ? Et que dit sur la détermination et l’esprit d’entreprise de ces jeunes le fait qu’ils ont dû se battre, faute de réseau, pour décrocher un stage ? », illustre Estelle Barthélémy.

Des méthodes alternatives au CV

Certains s’essaient à “objectiver” les recrutements en utilisant d’autres outils que le CV. La SNCF organise ainsi l’opération “Rendez-vous Égalité & Compétences” pour aller directement à la rencontre des jeunes des quartiers. Les candidats (sélectionnés par Pôle emploi) sont invités à des séances d’information sur ses métiers et se positionnent sur l’un d’entre eux. Ils passent alors des tests évaluant le niveau de satisfaction des prérequis, et ceux qui les réussissent sont coachés par des salariés de la SNCF en vue de préparer les entretiens.

D’autres recruteurs reçoivent les candidats, dont les CV leur ont été transmis par les missions locales ou Pôle emploi pour échanger et travailler avec eux sur un parcours adapté, à leur niveau mais aussi à leurs aspirations. À l’image de Suez qui fait du sur-mesure dans sa “Maison pour rebondir”. Pariant sur le développement de ces méthodes alternatives, la start-up Vit-On-Job, qui s’apprête à lancer une application fondée sur le “matching” employeurs/employés, a elle-même innové pour répondre à ses propres besoins de développeurs informatiques.

« J’ai proposé à des jeunes qui m’avaient été recommandés des CDD de deux mois pour tester mes applications, encore en mode bêta, et je leur ai demandé de me faire des retours. La pertinence de leurs propositions a été mon principal critère pour embaucher les 18 salariés qui nous ont rejoints », souligne le cofondateur Yannick Vinay.

Autre démarche : miser sur le renforcement des liens avec les associations, actives sur le terrain… Depuis dix ans, 9 300 salariés d’entreprises variées ont ainsi répondu à l’appel du pied de NQT (Nos quartiers ont des talents), structure qui aide les diplômés bac + 2 minimum issus des quartiers prioritaires de la ville, via un accompagnement par des cadres. 35 000 candidats se sont ainsi vus attribuer un “parrain”. Sa mission ? Les épauler dans

Auteur

  • Laurence Estival