logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

[EXCLU] Le projet d’une convention collective des groupements d’employeurs remis sur la table

Gestion de l'emploi | publié le : 17.12.2023 | Benjamin d'Alguerre

Le projet d’une convention collective des groupements d’employeurs remis sur la table

Le projet d’une convention collective des groupements d’employeurs remis sur la table.

Crédit photo robodread/Adobe stock

Fondée en octobre dernier, la fédération patronale A.Venir GE défend le projet d’une convention collective nationale pour l’ensemble des groupements d’employeurs. Un moyen de mettre en lumière ces structures coopératives de partage de l’emploi et d’harmoniser leurs pratiques.

Créer une nouvelle branche professionnelle alors précisément que le ministre du Travail vient d’annoncer son intention d’engager une nouvelle réduction de leur nombre ? Le pari est risqué. C’est pourtant celui que fait A.Venir GE, une fédération patronale née le 10 octobre dernier avec l’ambition de doter les groupements d’employeurs d’une convention collective et permettre ainsi le développement des formes d’emploi à temps partagé, encore marginales en France. « La constitution d’une branche aurait le mérite de mettre en lumière les groupements d’employeurs, d’harmoniser leurs pratiques et de sécuriser les parcours professionnels des salariés embauchés par ces structures », résume Fabrice Richard, délégué général d’A.Venir GE et associé au sein de La Faabrick Cherdet, un cabinet de conseil RH dédié aux formes alternatives d’activité.

En dépit d’un air du temps plus favorable à la diminution du nombre de branches qu’à leur multiplication, l’argument pourrait faire tilt aux oreilles d’Olivier Dussopt. Car la possibilité de mobiliser les groupements d’employeurs fait justement partie des scénarios imaginés par le ministère du Travail pour réduire le travail à temps partiel subi – un type d’emploi dégradé qui touche surtout les femmes – et sur lesquels il appartiendra au futur Haut Conseil des rémunérations qui doit entrer en fonction début 2024 de plancher.

Vivier d'emplois dans les territoires périphériques

Créés en 1985, les groupements d’employeurs constituent des structures associatives ou coopératives regroupant plusieurs entreprises adhérentes et mettant à leur service des salariés partageant leur temps de travail entre les différents employeurs (des PME et TPE dans leur très grande majorité) membres du groupement. Lors de sa dernière enquête thématique sur les groupements d’employeur, en 2021, la Dares recensait environ 900 structures de cette nature – hors groupements d’employeurs spécifiques à l’agriculture (GEAR) et à l’insertion par la qualification (GEIQ) qui constituent des entités spécifiques – employant près de 25 000 personnes, dont 70 % en CDI. Et pour la plupart situés dans des territoires périphériques où ils peuvent représenter un intéressant vivier d’emplois.

Problème : ces différents groupements sont actuellement éclatés entre une douzaine de conventions collectives différentes, notamment celles du sport, des transports routiers, des ports et manutention ou des petites entreprises du bâtiment. « Le problème, c'est que la convention collective à laquelle adhère obligatoirement chaque groupement lors de sa constitution ne traite pas du cas particulier de la mise à disposition auprès d’entreprises relevant de secteurs d’activités très variés. Cela a pour conséquence, pour les salariés de groupements d'employeurs - principalement multisectoriels - d’être traités différemment en matière de rémunération, de classification et de formation professionnelle selon le GE pour lequel ils travaillent. Il y a donc un véritable enjeu d’harmonisation des pratiques sur tout le territoire et de sécurisation des parcours professionnels des salariés mis à disposition », explique Fabrice Richard.

Actes manqués

L’idée d’une harmonisation sociale des groupements d’employeurs n’est pas si nouvelle. En 2011, une négociation interprofessionnelle entre partenaires sociaux prévoyait d’ouvrir de nouvelles dispositions pour ces conglomérats d’entreprises à emplois partagés. Fabrice Richard, alors engagé côté salarié, y tenait le stylo pour la CFE-CGC. Mais en vain : aucun accord n’ayant pu être trouvé avant l’entrée en vigueur des dispositions de la loi Cherpion du 28 juillet 2011 qui apportaient un certain nombre de nouveautés pour les groupements d’employeurs (égalité salariale, accès à l’apprentissage au sein d’un GE, répartition des dettes entre entreprises adhérentes…), la négociation passa à la trappe dans la foulée.

La question d’une convention collective ne fut remise sur le tapis que quelques années plus tard, en 2015, lorsqu’une autre organisation patronale, la Fédération nationale des groupements d’employeurs était créée pour en porter le projet. « Nous l’avions fait remonter jusqu’à la DGEFP et la DGT, se souvient Isabelle Liberge, sa présidente, mais nous sommes arrivés au moment de la remise du rapport Combrexelle qui préconisait au contraire la réduction du nombre de branches. Notre projet est passé aux oubliettes. » D’autant que, quelques mois plus tard, naissait une autre fédération professionnelle, le Syndicat national des groupements d’employeurs, « fermement opposée » pour sa part à toute idée de convention collective. Pas simple.

Transformer l'essai

Fabrice Richard, lui, veut y croire. « La réduction du nombre de branches n’a pas empêché l’État d’accepter une nouvelle convention collective, celle du portage salarial, en 2017 ! » rappelle l’ancien syndicaliste CFE-CGC. C’est d’ailleurs en s’inspirant de celle-ci qu’A.Venir GE imagine construire son texte, sur un modèle « souple » qui pourrait, après les groupements d’employeurs multisectoriels, s’ouvrir à terme aux GEIQ et aux GEAR. Ambitieux, le projet prévoit de recueillir l’adhésion d’un maximum d’organisations sociales avant qu’une éventuelle négociation ne soit lancée.

Or si les syndicats de salariés, la CPME, l’U2P ou l’Udes semblent assez ouverts sur la question, le Medef affiche, en revanche, un visage plus fermé. Et sans un vaste soutien, le risque existe qu’une future convention ne soit pas étendue par le ministère du Travail et donc ne s’applique qu’entre organisations signataires. Comme c’est le cas de la convention régionale signée en Nouvelle-Aquitaine en 2018 entre l’Udes et l’U2P côté patronal et la CFDT, la CFTC et l’Unsa pour les salariés. Un texte qui a certes intéressé en son temps la DGT, mais dont la non-extension le maintient confiné aux seuls groupements d’employeurs représentés par les signataires. À voir si les nouvelles perspectives que souhaite ouvrir le ministère du Travail en 2024 pour les formes alternatives d’emploi permettront, cette fois, de transformer l’essai…

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre