logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

Emploi des jeunes : la poudrière des banlieues

Enquête | publié le : 01.02.2009 | Stéphane Béchaux, Anne Fairise

Malgré les promesses du gouvernement et les engagements patronaux, les jeunes des cités n’ont pas vu d’amélioration. Pis, ils sont les premiers touchés par la crise économique. Une situation qui pourrait s’avérer explosive.

Un plan « Marshall » ? Avec ses deux mesurettes sur l’emploi – 45 000 contrats d’autonomie et l’accompagnement de 20 000 créateurs d’entreprise – assorties d’un appel à la bonne volonté des patrons, la « nouvelle politique pour les banlieues » de Nicolas Sarkozy suscitait déjà, il y a un an, un immense scepticisme. Jusqu’au palais d’Iéna. « Alors que les politiques mises en place en direction des quartiers n’ont pas produit les effets escomptés, le plan Espoir banlieues n’engage pas de pistes réellement nouvelles », note le Conseil économique et social. Douze mois plus tard, en pleine crise économique et sociale, plus personne n’y croit. Et surtout pas dans les cités où, hormis un effondrement des missions d’intérim, les jeunes n’ont quasiment rien vu venir. « La situation se dégrade mais personne ne s’y intéresse. Le plan Marshall n’a pas eu lieu », constate ainsi un expert du social, très écouté des DRH du CAC 40. Et si le gouvernement redoute plus que jamais un embrasement de la jeunesse, il ne choisit pas les meilleurs remèdes.

S’attaquer sérieusement aux problèmes de l’accès à l’emploi dans ces quartiers nécessiterait, au moins, un général en chef. On en est loin. La coordination entre les cabinets de Fadela Amara et de Laurent Wauquiez n’était déjà pas simple. Avec l’intronisation d’un commissaire à la diversité, Yazid Sabeg, et d’un haut-commissaire à la jeunesse, Martin Hirsch, le partage des tâches s’annonce encore plus sportif. Succession de plans, empilement de dispositifs, responsabilités diluées… Ces maux très français ont, hélas, leur part dans l’échec des politiques publiques menées dans les banlieues depuis plus de vingt ans.

Les ZUS n’ont pas profité de l’embellie du marché de l’emploi. Certes, en 2007, leur taux de chômage (17,9 %) a diminué par rapport au pic de 2006 (19,5 %). Mais il n’a fait que retrouver le niveau observé en 2004. Plus grave, la qualité de l’emploi s’est, elle, encore dégradée. « Entre 2004 et 2007, on note une précarisation accrue des emplois occupés par les habitants des ZUS ainsi qu’une extension du temps partiel – fréquemment subi – parmi la population masculine », note ainsi l’Observatoire national des ZUS dans son dernier rapport. Depuis les émeutes de l’automne 2005, et malgré la crainte qu’elles ne se reproduisent, seuls les discours ont véritablement changé. Ainsi des grandes entreprises, qui communiquent jusqu’à plus soif sur la promotion de la diversité. Les résultats, eux, se font attendre. « Seulement 51 % des entreprises déclarent avoir mis en place un suivi et une évaluation des actions de prévention des discriminations et de promotion de l’égalité », note la Halde. Des discours aux actes, il y a loin. Tellement loin que les jeunes des quartiers se sentent toujours aussi exclus de l’emploi.

PLANS EN RAFALES

Création des zones d’éducation prioritaires ou ZEP (1981), de la Délégation interministérielle à la ville (1988), de la dotation de solidarité urbaine (1991)… Voilà près de trente ans qu’ont débuté les plans « banlieue » des pouvoirs publics. Mais les premières mesures spécifiques en faveur de l’emploi dans ces quartiers sont plus récentes.

1996 : pacte de relance pour la ville

Création de 751 zones urbaines sensibles (ZUS), 44 zones franches urbaines (ZFU) et 412 zones de revitalisation urbaine (ZRU). Les entreprises qui s’y implantent ou s’y développent sont incitées à recruter localement via des aides et des exonérations.

2003 : loi Borloo

Distinction entre rénovation urbaine et revitalisation économique. Création de 41 zones franches urbaines supplémentaires et d’un Observatoire national des zones urbaines sensibles.

2005 : plan de cohésion sociale

Mise en place d’un accompagnement individuel pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi. Création du contrat d’insertion dans la vie sociale (Civis) – 20 % des bénéficiaires viennent de ZUS – et du contrat jeune en entreprise.

2005 : mission emploi quartiers

Pilotée par l’ANPE, elle vise à favoriser l’accès à l’emploi des jeunes, notamment diplômés.

2006 : loi pour l’égalité des chances

Création de nouvelles ZFU, renforcement des pouvoirs de la Halde et instauration du CV anonyme, jamais entré en vigueur faute de décret d’application.

2008 : plan Espoir banlieues

Aide à la création d’entreprise et instauration du nouveau contrat d’autonomie.

Auteur

  • Stéphane Béchaux, Anne Fairise