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“Négocier un accord GPEC en temps de crise est contre-productif”

Actu | Entretien | publié le : 01.02.2009 | Anne-Cécile Geoffroy

Pour la consultante, cet outil d’anticipation améliore la gestion des carrières et la visibilité, mais bien des entreprises n’ont pas encore la maturité nécessaire.

Après vingt ans de GPEC, les entreprises partagent-elles la même définition de la compétence ?

Cette notion reste différente d’une entreprise à une autre, d’un pays à un autre. Cette difficulté sémantique a d’ailleurs constitué un frein au développement de la GPEC à ses débuts. Dans le monde anglo-saxon, les démarches prévisionnelles des compétences sont liées à des notions de performance, de compétences managériales et comportementales. En France, traditionnellement, on privilégiait les compétences techniques et métier, plus objectives, donc plus faciles à évaluer. Avec l’internationalisation des entreprises, c’est la première définition qui se développe le plus. En s’ouvrant à la concurrence, même des entreprises de culture publique ont commencé à évaluer leurs managers sur leurs capacités à accroître les compétences de leur équipe.

La GPEC a souvent donné naissance à des usines à gaz. Les entreprises savent-elles mieux appréhender cette démarche ?

Au tout début, les entreprises engageaient des démarches globales sur l’ensemble de leurs métiers avec des référentiels complexes, trop rigides pour être réellement exploitables. Aujourd’hui, elles restreignent le périmètre aux métiers sensibles et l’élargissent à de nouveaux profils de salariés, par exemple les experts, qu’ils soient cadres ou non. Elles ont, par contre, plus de mal à piloter cette démarche au niveau international. Toute la difficulté est de trouver le bon curseur entre un pilotage centralisé ou décentralisé. Certaines, comme Michelin, mettent en place des « pilotes » sur un pays autre que celui du siège avant de déployer la démarche plus globalement. Dans tous les cas, les entreprises commencent à comprendre qu’elles ne peuvent pas plaquer une même méthodologie dans tous les pays sans tenir compte des spécificités culturelles.

Quelles sont les conditions du succès ?

La direction de l’entreprise doit en être le « sponsor » pour assurer la longévité de la démarche et surtout lui donner des moyens. Les RH doivent garder dans ce domaine un rôle de conseil et d’appui. Les managers sont aussi des acteurs pivots et doivent être associés très vite car ce sont eux qui mettront en œuvre la GPEC. Toutes les entreprises n’ont pas la maturité nécessaire pour y parvenir. Trop souvent, elles ont pour première ambition de prévoir les compétences dont elles auront besoin demain. Avant d’y arriver, elles doivent structurer la fonction RH, dresser l’inventaire des compétences à leur disposition et articuler l’ensemble des processus RH les uns aux autres. Certaines y sont parvenues, comme Airbus.

L’obligation de négocier a-t-elle modifié la nature des accords ?

Il est encore un peu tôt pour faire un bilan de l’influence des partenaires sociaux. Quand j’ai interrogé les entreprises sur les facteurs qui ont conditionné leur démarche compétences, deux d’entre elles seulement ont spontanément fait référence à la loi Borloo. C’est moins cette obligation réglementaire que le papy-boom et le transfert de savoir devenu crucial qui les ont poussé à réfléchir à la gestion de leurs compétences. La loi Borloo a eu comme impact positif de mettre les partenaires sociaux dans la boucle des réflexions et d’obliger les entreprises à procéder à l’inventaire des outils et des moyens existants ou à créer.

La GPEC et l’anticipation de l’évolution des métiers n’empêchent en rien les salariés de se faire licencier. Est-ce que cela ne décrédibilise pas ce type de démarche ?

Il faut être réaliste. Les accords GPEC ne peuvent pas tout prévoir et surtout pas stopper les effets d’une crise. Ce que l’on peut observer, en revanche, c’est que les outils d’anticipation améliorent la gestion des carrières et donnent de la visibilité aux salariés. Ces outils, bien articulés, permettent d’atténuer les conséquences d’une crise. Par ailleurs, les salariés français disposent d’outils, comme le droit individuel à la formation (DIF) et la valorisation des acquis de l’expérience (VAE), qui n’existent pas dans d’autres pays et leur permettent de mieux maîtriser la gestion de leur carrière.

Est-il judicieux de négocier un accord GPEC en ce moment ?

On ne peut pas négocier en temps de crise. Le risque est de transformer un accord GPEC en plan de sauvegarde de l’emploi. C’est dommage et contre-productif.

FANNY BACHELET

Consultante RH, NorthgateArinso.

PARCOURS

Diplômée de Sciences-Po et titulaire d’un master en management (RH) de l’école de commerce de Manchester. Elle intervient sur des projets stratégiques RH, dans des contextes internationaux et multiculturels. Elle a réalisé des recherches sur le rôle des managers dans l’accompagnement du changement et publié un Livre blanc sur les pratiques de GPEC.

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy