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"La flexicurité doit plus que jamais prendre corps"

Actu | Entretien | publié le : 01.12.2008 | Fanny Guinochet

Le président du Sénat, Gérard Larcher, présente ce mois-ci le rapport sur la flexibilité qu’il a réalisé avec le commissaire européen Vladimir Spidla.

Avec la crise, la flexicurité est-elle toujours d’actualité ?

Parce qu’il y a une crise et qu’elle va durer, cette idée doit plus que jamais prendre corps. Ce n’est pas une question d’idéologie. La flexicurité va devoir s’appliquer concrètement en Europe. Avec une croissance faible ou nulle, beaucoup de pays vont être très vite contraints de passer aux travaux pratiques : apprentissage tout au long de la vie, souplesse des politiques contractuelles, sécurité des revenus, aide à la transition, accompagnement à l’emploi… Et ce qui nous a frappés, c’est que partout en Europe où ces principes sont appliqués, le dialogue social fonctionne. Il est mature.

Où la flexicurité fonctionne-t-elle le mieux ?

La Finlande, le Danemark, la Suède sont souvent cités, mais l’Espagne a réduit la précarité sans pour autant durcir le CDI. La Pologne, qui ne passe pas pour un modèle de flexicurité, propose systématiquement une formation aux personnes les plus éloignées de l’emploi. Nous avons pu observer les limites de la flexicurité nordique. Si les Finlandais savent gérer la transition professionnelle en termes de revenu et d’accompagnement, ils n’ont pas toujours su anticiper les évolutions économiques et technologiques… Il faut également être capable de prévoir ce que seront les entreprises de demain. La sécurité, c’est aussi anticiper ces évolutions.

Avec un chômage à la hausse, la flexibilité ne risque-t-elle pas de primer sur la sécurité ?

La flexicurité n’est pas le résultat d’une compensation, si équilibrée soit-elle, entre davantage de flexibilité, qui profiterait aux employeurs, et plus de sécurité, qui bénéficierait aux salariés. La flexibilité pour les salariés s’exprime par une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle et, pour les entreprises, par une plus grande capacité d’adaptation. Côté sécurité, les salariés ont besoin d’une sécurisation des parcours professionnels ; les entreprises, elles, doivent pouvoir avoir des assurances en matière juridique.

L’accord sur la modernisation du marché du travail va-t-il assez loin ?

Ce texte est une amorce. Mais il faudrait aller au-delà de l’encadrement de la période d’essai et du seul contrat de travail. La formation professionnelle est centrale. L’anticipation des besoins de formation permet de maintenir l’employabilité des salariés tout au long de leur carrière, elle augmente le taux d’emploi et améliore la qualité des emplois. C’est pourquoi j’attends beaucoup des négociations entre les partenaires sociaux sur la formation. Il faut innover, décloisonner, sinon c’est le Parlement qui le fera. Il le faut. Je n’appelle pas au hold-up, mais cela concerne tout de même 62 milliards d’euros !

Faut-il revoir la législation sur le contrat de travail ?

Elle a déjà été revue avec la rupture négociée du contrat de travail. Voyons ce que ça donne avant d’aller plus loin. La boîte à outils est déjà bien garnie, avec la GPEC, la convention de reclassement personnalisé, l’expérimentation du CTP. Notre rapport le montre, la flexicurité ne peut fonctionner que si elle est pensée globalement. On parle beaucoup des salariés en phase de transition professionnelle, mais n’oublions pas ceux qui sont exclus du marché du travail depuis longtemps. C’est pourquoi je m’inscris en faux quand j’entends dire que le retour des contrats aidés est un scandale. Au Danemark, il existe une grande quantité de contrats aidés assurés par les collectivités locales. En France, le RSA y contribue.

La flexicurité peut-elle concerner les seniors ?

Plus que jamais. Le CDD senior n’a pas marché. Nous avons, malheureusement, sous-estimé la pesanteur des mentalités. C’est faux de dire qu’« un vieux qui s’en va, c’est un jeune qui trouve une place ». Mais c’est tellement ancré dans les esprits. Les entreprises n’ont pas assez intégré qu’un senior est une mine de compétences à valoriser. Les se-niors doivent entrer dans le dispositif de sécurisation des parcours avec des bilans de compétences, de formation, de santé… Le gouvernement se mobilise, avec les pénalités prévues pour les entreprises qui ne joueraient pas le jeu, avec l’assouplissement du cumul emploi-retraite… Mais c’est long. On le voit bien avec le débat sur la possibilité de travailler au-delà de 60 ans… Depuis longtemps, au Sénat, nous réclamons que l’âge de 60 ans ne soit pas un couperet. n Propos -recueillis par Fanny Guinochet – Photo : Christophe Lebedinsky

GÉRARD LARCHER

Président du Sénat depuis le 1er octobre 2008.

PARCOURS

Après avoir officié plus de quatorze ans comme vétérinaire, il devient maire de Rambouillet en 1983 et sénateur des Yvelines en 1986. En 2004, il est nommé ministre du Travail du gouvernement Raffarin puis Villepin. En 2007, Nicolas Sarkozy lui confie une mission sur l’hôpital. Il y prônera une réforme de la carte hospitalière et une gouvernance plus efficiente des établissements.

Auteur

  • Fanny Guinochet