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La guerre des talents s’intensifie

Dossier | publié le : 01.11.2008 | Éric Béal

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La guerre des talents s’intensifie

Crédit photo Éric Béal

Attirer et retenir les meilleurs est cette année la préoccupation numéro un des DRH, en dépit de la conjoncture. Du coup, la gestion des compétences clés et la mobilité professionnelle sont davantage prioritaires que les conditions de travail.

Malgré la crise, l’emploi reste au beau fixe chez les cadres, avec un taux de chômage oscillant entre 3 et 4 %. En toute logique, mais pour la première fois depuis la création du baromètre Liaisons sociales-CSC-Entreprise & Personnel, en 2003, les responsables des ressources humaines citent en tête de leurs priorités l’attractivité globale de leur entreprise. Sur les 151 DRH ayant participé à cette sixième édition, près des deux tiers (65 %) placent au premier plan de leurs préoccupations l’attraction et la rétention des meilleurs éléments. Et une moitié d’entre eux (50 %) juge prioritaire d’améliorer la gestion des compétences clés déjà présentes dans leur entreprise. En effet, à quoi bon chasser, souvent à grands frais, talents et expertises si ces nouvelles recrues ne restent pas ? Et pourquoi rechercher des compétences à l’extérieur s’il est possible de les trouver en interne ?

Retournement démographique. « La guerre des talents se durcit. Les entreprises ont de plus en plus de difficultés à recruter les compétences dont elles ont besoin », confirme Jean-Pierre Basilien, consultant à Entreprise & Personnel. De fait, l’attraction et la rétention des meilleurs éléments est en progression spectaculaire en 2008 – par rapport à l’année précédente, elle enregistre un bond de 16 points – et cette tendance est continue depuis la création du baromètre, signe d’une véritable lame de fond. Parallèlement, le retournement démographique est maintenant considéré comme une opportunité d’acquérir de nouvelles compétences par une large majorité de DRH (59 %, + 10 points par rapport à 2007). Seulement un responsable RH sur quatre (27 %, en progression également de 10 points) considère le papy-boom comme une source de difficultés. Mis en relation, ces différents résultats permettent de cerner la problématique principale à laquelle sont confrontés les gestionnaires des ressources humaines : la pénurie de talents. « Les délais de recrutement se sont allongés et les résultats d’une recherche sont plus aléatoires. Les candidats en poste, que nous sollicitons, se voient systématiquement présenter une contre-proposition par leur employeur », explique Yves Desjacques, DRH du Groupe Casino. « Nous sommes confrontés à une pénurie d’ingénieurs qui menace de brider notre développement », indique Thierry Rieutord, DRH de la division systèmes aériens de Thales.

De nouvelles exigences. Face à cette situation qui, malgré la récession, risque de se prolonger aussi longtemps que les enfants du baby-boom partiront massivement à la retraite, les responsables des ressources humaines sont bien conscients de la nécessité d’améliorer l’attractivité de leur entreprise. En matière de gestion des emplois et des compétences, ils privilégient, respectivement à hauteur de 63 % et de 51 %, la gestion des compétences clés et l’amélioration de la mobilité. Ce qui répond aux exigences des jeunes de moins de 30 ans qui souhaitent une progression de carrière rapide.

Cette fameuse « génération Y » se caractérise aussi par son exigence d’éthique et son individualisme à tous crins. Or, avec respectivement 6 % et 4 % des réponses, la valorisation de la responsabilité sociale de l’entreprise et la mise en place d’une politique de reconnaissance non monétaire ne sont clairement pas des axes prioritaires des professionnels RH pour l’année 2008. « Ces deux propositions devraient pourtant enregistrer des scores bien plus importants car elles font partie d’une politique globale permettant d’attirer et de retenir les meilleurs éléments », relève Yves Desjacques. Autre sujet d’étonnement lié à la guerre des talents, le peu de réflexion d’ensemble sur les conditions de travail. Pour Christian Rios, consultant à Entreprise & Personnel, cette situation ne devrait pas durer : « Dans certains cas, la guerre des talents va inciter les entreprises à prendre en compte l’évolution de la nature du travail et des façons de travailler. »

Un changement permanent. Troisième priorité le plus souvent citée par les DRH, l’accompagnement des réorganisations, après être remonté en deuxième position dans la hiérarchie de leurs préoccupations en 2007, est de nouveau en retrait, avec 44 % des réponses (– 6 points par rapport à 2007). Une surprise pour Christian Guet, DRH du groupe Lagardère, qui note qu’un DRH sur deux (53 %) anticipe une réorganisation en profondeur de son entreprise sous la contrainte de la concurrence internationale (42 %) ou pour partir à la conquête de nouveaux marchés (40 %). « En toute logique, tous devraient travailler sur l’accompagnement des réorganisations. » D’ailleurs, petit à petit, le terme de réorganisation n’est plus synonyme de plan social ou de fermeture de site, mais recouvre un phénomène permanent de changement d’organisation du travail ou de rectification de périmètre. Pour preuve, 38 % des responsables RH ayant répondu (voir ci-contre) indiquent s’appuyer sur « la refonte de l’organisation du travail » pour transformer l’organisation de l’entreprise. « Un nombre croissant d’entreprises se heurte aux limites de l’organisation matricielle du travail, dans laquelle un manager peut être pris dans des mailles organisationnelles où il est difficile de repérer qui est responsable de quoi », précise Christian Rios. Pour autant, les restructurations sont toujours d’actualité. À la question : « Comment la direction générale perçoit-elle la création de valeur de la fonction RH ? », un tiers des DRH interrogés (32 %) citent l’adaptation quantitative des effectifs et un quart (27 %) la maîtrise des coûts comme les indicateurs clés permettant à la direction générale de juger l’efficacité de sa DRH. Traduction : si la direction est obnubilée, elle aussi, par la pénurie de compétences (46 % des réponses portent sur la capacité à attirer et à retenir les talents), elle a toujours l’œil sur le volume de la masse salariale.

La mondialisation – avec ses corollaires, la concurrence internationale et le développement des entreprises françaises à l’étranger – continue de produire ses effets. La nécessité de mettre en œuvre une politique RH internationale est désormais citée par 45 % des répondants (soit 9 points de plus que l’an dernier). Cependant, Charles-Henri Besseyre des Horts, professeur associé à HEC, rappelle que « les salariés sont gérés en fonction des réalités locales et du contexte législatif propre au pays où l’entreprise est installée. La direction des ressources humaines d’un groupe international n’a d’influence que dans des domaines précis, comme les règles d’éthique, la rémunération globale des managers ou la diversité des équipes de direction ». Professeur à l’Essec et à l’IAE de CortE, Jean-Marie Peretti, qui vient de coordonner Tous talentueux (à paraître ce mois-ci aux éditions d’Organisation), s’étonne : « 16 % des personnes interrogées indiquent que la mondialisation a un impact sur l’harmonisation de la rémunération globale et de l’intéressement. Et seulement 13 % indiquent qu’elle implique la prise en compte de problématiques d’éthique. C’est très peu. » Et de s’interroger sur les règles de bonne conduite ou les plans d’actionnariat salarié qui fleurissent un peu partout dans le monde. En tout cas, Christian Guet, DRH du groupe Lagardère, croit fermement aux vertus d’une politique RH internationale. « C’est la seule façon d’unifier un groupe constitué de multiples filiales », précise-t-il.

65 % des DRH mettent en avant leur volonté d’attirer et de retenir les meilleurs éléments

FRÉDÉRIC PICHARD

Consultant manager à CSC

“L’avènement de la génération Y, réputée réfractaire aux contraintes de l’entreprise et peu favorable aux organisations matricielles, va entraîner un bouleversement du fonctionnement de l’entreprise.”

Quelles sont les priorités de votre politique RH ?

65 %

Attirer et retenir les meilleurs éléments

50 %

Améliorer la gestion des compétences clés

44 %

Accompagner les réorganisations

30 %

Accompagner le développement international de l’entreprise

25 %

Améliorer l’engagement des salariés

24 %

Impliquer la hiérarchie et les collaborateurs dans la gestion RH

20 %

Améliorer le dialogue et préserver la paix sociale

9 %

Maîtriser les coûts de la fonction RH

8 %

Préparer le papy-boom

BAROMÈTRE, MODE D’EMPLOI

Cette sixième édition du baromètre de la fonction RH Liaisons sociales-CSC– Entreprise & Personnel s’appuie sur un questionnaire auquel ont répondu, entre mars et juin, 151 responsables de ressources humaines : 41 % dans l’industrie, 32 % dans les services, 12 % dans le secteur public ; 48 % appartiennent à une entreprise ayant une implantation internationale ; 43 % des personnes interrogées font partie d’une entreprise de plus de 5 000 salariés, 38 % de 1 000 à 5 000 collaborateurs, 19 % de 500 à 1 000 personnes.

Parmi les entreprises ayant répondu figurent Air liquide, Areva, Bayer, BNP Paribas, Bouygues Bâtiment, Carrefour, FagorBrandt, Faurecia, Fleury Michon, Fnac, Geodis, Michelin, Otis, PSA Peugeot Citroën, Rexel, Saint-Gobain pôle distribution, Sanofi-Aventis, Schneider Electric, SFR, la Société générale, Spie, Thales, Total, Whirlpool France, Yves Rocher. Et, dans le secteur public : l’ANPE, la Caisse des dépôts et consignations, EDF, Gaz de France, La Poste, la mairie de Paris, le ministère de la Défense, celui de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi et celui des Affaires étrangères, l’Union des caisses nationales de Sécurité sociale.

Quels sont les impacts de la mondialisation sur votre entreprise ?

45 %

Le développement d’une politique RH internationale

42 %

La préparation des hauts potentiels à l’international

35 %

L’internationalisation des équipes de direction

21 %

L’accompagnement de localisations à l’étranger

20 %

L’intégration d’effectifs étrangers au groupe

16 %

L’harmonisation de la rémunération globale et de l’intéressement

13 %

La prise en compte des problématiques d’éthique

Auteur

  • Éric Béal