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Tableau de bord

Faut-il supprimer la prime pour l'emploi ?

Tableau de bord | publié le : 01.10.2008 |

Guillaume Allègre Économiste à l'OFCE

Avec la création du revenu de solidarité active (RSA), deux instruments, partageant les mêmes objectifs d'accroître les gains à l'emploi et d'élever le niveau de vie des travailleurs à bas salaires, vont coexister. Alors que le RSA est une prestation familialisée et versée mensuellement par les caisses d'allocations familiales, la PPE est un crédit d'impôt, essentiellement individualisé, déduit de l'impôt ou versé annuellement par les services fiscaux sur la base des déclarations de revenus de l'année passée. Malgré ces différences, le RSA est considéré comme un acompte de PPE : les montants perçus au titre de la fraction de RSA complémentaire des ressources d'activité viendront se soustraire au montant de PPE dû. La simplification du mécanisme d'aide aux travailleurs pauvres n'est donc pas évidente. Or, pour être efficaces, les politiques d'incitations financières à l'emploi doivent être transparentes. Une possibilité de réforme consisterait à individualiser complètement la PPE en la transformant en allégement de charges salariales. Un tel instrument serait équivalent d'un point de vue économique mais le bénéficie serait plus visible et plus immédiat car inscrit sur la feuille de paie. Le lien avec l'activité serait renforcé.

Pierre Concialdi Chercheur à l'Ires

La PPE est une subvention indirecte aux bas salaires, comme le RSA. L'idée qui permet de justifier ces dispositifs est qu'il existerait des salariés « insuffisamment productifs », « non rentables » pour les entreprises. Or, depuis plus de vingt ans, cette idée a été largement démentie. Dans ses expériences pionnières, Bertrand Schwartz l'avait montré avec des jeunes à « bac – 5 » (et encore moins) : quand les employeurs surmontent leurs préjugés, tout le monde peut avoir un emploi et être rentable pour l'entreprise. De nombreuses entreprises d'insertion l'ont aussi montré depuis. L'image de chômeurs et de précaires « désocialisés », presque inaptes au travail, qui ne pourraient vivre que grâce à l'assistance, est donc foncièrement fausse. Certes, après près de trente ans de casse sociale, notre société a engendré un certain nombre de « naufragés », pour reprendre le titre du livre de Patrick Declerck. Mais ces personnes ne représentent qu'une fraction tout à fait marginale des pauvres. Le problème de fond est qu'il n'y a pas d'emplois pour tous, notamment parce que le moteur de la croissance s'est grippé avec la rigueur salariale. La PPE ou le RSA ne peuvent qu'accélérer ce cercle vicieux.

Alexandre Delaigue Enseignant aux écoles de Saint-Cyr Coëtquidan

Supprimer la PPE et y substituer le RSA n'est pas souhaitable. Cela induirait des perdants, certains couples bénéficiaires de la PPE n'étant pas éligibles au RSA. Une solution ambitieuse et plus juste consisterait à intégrer PPE et RSA dans l'imposition sur le revenu, ce qui faciliterait la lisibilité de notre système fiscal. En l'absence d'une telle réforme, il est toutefois possible d'améliorer le dispositif de la PPE sur les délais de versement, par exemple. Par ailleurs, tout système d'aide aux bas revenus nécessite d'arbitrer entre trappes à pauvreté, à inactivité et à bas salaires. Si le RSA se veut une réponse aux premières, il ne règle pas la question des bas salaires. Inciter à trouver un emploi suppose des emplois disponibles pour ceux qui sont éloignés du marché du travail. Ce n'est pas toujours le cas, surtout si l'activité ralentit ; cela soumet les pauvres au risque macroéconomique. Et ces emplois, souvent à temps partiel, ne sont pas forcément un marchepied vers des emplois mieux payés. Enfin se pose la question du ciblage du dispositif : trop ciblé, il est complexe et illisible ; insuffisamment ciblé, il est trop coûteux. À vouloir poursuivre des objectifs incompatibles, on risque de n'en atteindre aucun de façon satisfaisante.

Pour en savoir plus

Drees, Dossiers solidarité et santé n° 5, 2008

www.sante.gouv.fr/ drees/index.html

OFCE, Vers la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG ?, revue de l'OFCE n° 101, avril 2007.

Cour des comptes, rapport annuel 2005, février 2006.

www.ccomptes.fr/CC/Sommaire-4.html

A. Delaigue, Sexe, drogue… et économie. Éditions Pearson, http ://econoclaste. org.free.fr

Insee, France, portrait social, « 10 ans de réformes du système de redistribution », nov. 2007. www.insee.fr