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Politique sociale

Roux de Bézieux à l’Unedic, un casting inédit

Politique sociale | publié le : 01.09.2008 | Anne Fairise

Avec cet entrepreneur à succès, l’Unedic change de style. Symbole d’une avant-garde patronale décomplexée, son nouveau président est un novice en matière de paritarisme.

C’est l’homme que personne n’attendait. Élu le 14 mai à la tête de l’Unedic grâce à l’appui de Laurence Parisot en guerre contre l’UIMM, Geoffroy Roux de Bézieux remplit, à la perfection, ce rôle de symbole du renouveau patronal. Il en sourit : « Le choc des cultures est certain. » Son prédécesseur arrivait en voiture avec chauffeur, lui déboule en scooter, chemise à col ouvert, tutoie et joue la transparence. « Il nous fait un compte rendu des réunions auxquelles il assiste au ministère du Travail. Avant lui, rien ne filtrait », note un membre du bureau. Question de contexte ? Les partenaires sociaux sont sur des charbons ardents, fusion avec l’ANPE oblige. Autant dire qu’ils sont soulagés d’hériter d’un président « à l’écoute ». « Il découvre la matière, il est forcément attentif aux arguments de chacun », tempère la CGT. Jean-François Veysset, son rival malheureux de la CGPME, en convient : « Il mérite d’occuper cette fonction. » Pas au point, néanmoins, de piloter la renégociation de la convention d’assurance chômage, qui démarre ce mois-ci. Sujet épineux qu’il refuse d’aborder. Pour sa part, il fait ses classes, engloutissant« deux ans de comptes rendus et de PV » et couplant des visites d’antennes Assedic avec celles de Virgin Mobile France, l’opérateur (400 salariés) créé en 2006 avec Richard Branson.

Geoffroy Roux de Bézieux est au ski quand il apprend la volonté de Laurence Parisot de renouveler les mandats du Medef. Alors président en fin de mandat de CroissancePlus, club de PME à forte croissance, ce« patron patriote qui veut faire bouger le pays » saisit sa chance. « CroissancePlus a un côté satellite. L’Unedic, c’est un levier d’action concret pour servir l’intérêt général et la cause des entreprises », explique ce libéral convaincu. Un choix qui lui vaut de recevoir un rameur lors de son départ de CroissancePlus, en juin. Avec lui, les adhésions ont quintuplé. L’officine a réussi à faire inscrire dans la loi Tepa la déductibilité de l’ISF des investissements dans les PME. Il en a fait son tremplin, endossant sur les plateaux télé le costume de défenseur acharné d’une droite entrepreneuriale décomplexée. Télégénique, à l’aise dans les débats, sans langue de bois : il a le profil cathodique, le sait et aime ça.

Le « harki du CPE »

Le contrat première embauche pousse des milliers d’étudiants dans la rue ? Il défend la flexibilité. C’est le « harki du CPE », dit Valérie Pécresse, porte-parole de l’UMP. Les stock-options font scandale ? Il propose l’autorégulation (pas plus de 10 % au P-DG). Croisé de la transparence, il dévoile son salaire (300 000 euros) et son patrimoine (30 millions). Il est opposé aux parachutes dorés. Tout est consigné dans son manifeste « Salauds de patrons ! », paru en 2007 (éd. Hachette). Un « appel au peuple des patrons » qui lui vaut une réputation de « donneur de leçons ».

Ce fondu de sport (il prépare le marathon de Berlin) n’aime pas les parcours balisés. À sa sortie de l’Essec, en 1984, ce fils de banquier rejoint les commandos de marine. Et, après dix ans dans le cocon de L’Oréal, il n’hésite pas à quitter la direction marketing pour lancer, en 1996, la chaîne de magasins de téléphonie The Phone House (TPH). Il fait fortune lors de sa revente, en 2000, au groupe anglais Carphone pour « 30 à 40 millions d’euros ». « Avoir réussi la création d’entreprise me rend libre », souligne Geoffroy Roux de Bézieux. Au comité des stages, qui planche sur la gratification des stagiaires, son indépendance est appréciée. « Il a dit combien il était déçu du décret gouvernemental, qui ne reprend pas les préconisations du groupe. Et il a tancé le Medef, qui n’a pas joué le jeu de la concertation, en déposant ses propositions directement chez Fillon », note Génération précaire. À la commission Attali sur la libération de la croissance, il comptait parmi les plus investis. Il est aussi membre du comité éthique du Medef et de Terra Nova… laboratoire de la gauche progressiste. Une erreur, a priori. « Dès qu’il s’agit de réfléchir à l’économie de marché, je suis partant. Mais je n’ai pas le temps de participer », précise ce suractif qui a voté Sarkozy en 2007.

À l’instar des patrons américains, ce catholique de 46 ans, père de quatre enfants, donne dans le caritatif. Sa fondation, dotée de 4 millions d’euros, finance des orphelinats au Niger, en Inde. Mais pas de trace d’un patron social. Chez TPH, « le social, c’est l’application des minima légaux », déplore FO. Pas de 35 heures ni de treizième mois. « À la naissance de la téléphonie mobile, Roux de Bézieux aurait pu être exemplaire et choisir des dispositions innovantes pour les salariés », regrette la CFDT. Son palmarès est ailleurs : dans les 3 200 emplois qu’il y a créés.

Auteur

  • Anne Fairise