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Politique sociale

Entre McCain et Obama, la ligne de démarcation passe par le social

Politique sociale | publié le : 01.09.2008 | Isabelle Lesniak

Santé, emploi, retraite : les programmes des candidats à la présidentielle américaine divergent. Affichant l’un son libéralisme, l’autre son interventionnisme.

Rarement une élection présidentielle aura opposé deux candidats aussi différents que le républicain McCain, populaire héros de la guerre du Vietnam, et le junior senator noir de l’Illinois, Barack Obama. Et pas seulement parce que vingt-cinq ans les séparent. Le camp Obama, qui a axé toute sa campagne sur le thème du « changement », se plaît à surnommer John McCain « McSame » pour souligner sa continuité avec George Bush.

S’il s’est parfois démarqué de l’actuel président sur des dossiers comme la lutte contre le réchauffement climatique, le sénateur de l’Arizona défend, comme lui, un projet libéral qui exclut que « le gouvernement prenne des décisions à la place des individus, des familles et des entreprises ». Son cheval de bataille ? Le gel des dépenses fédérales, hors défense, bien sûr. Obama passe, au contraire, pour « l’élu le plus à gauche du Sénat ». Il soutient l’intervention de l’État, au risque d’apparaître comme un démocrate de la vieille école. Il veut augmenter les impôts de ceux qui gagnent plus de 250 000 dollars par an pour financer ses projets sociaux. « Il n’y a pas de salut individuel sans salut collectif », clame-t-il. Une différence sur laquelle se jouera peut-être l’élection alors que la crise économique est la préoccupation centrale des électeurs. Revue de détail des dossiers sociaux qui démarquent les deux candidats.

SANTÉ

S’il y a un thème social qui domine dans la campagne, c’est bien la santé. Pour le camp démocrate, il est indigne que la première puissance économique mondiale compte 47 millions de personnes sans couverture médicale – 16 % de la population. Les républicains sont davantage préoccupés par l’envolée des coûts. Si l’on ne réforme pas le système, les dépenses passeront de 16 à 25 % du PIB d’ici à 2017. À l’instar de Hillary Clinton qui en avait fait son thème phare, Barack Obama souhaite généraliser l’assurance médicale. Mais alors qu’elle voulait contraindre tous les citoyens à s’assurer, il ne compte imposer la couverture santé qu’aux 9,4 millions de mineurs sans protection et laisser les adultes libres de choisir. Obama veut aussi interdire aux assureurs de sélectionner leurs clients, comme c’est le cas aujourd’hui pour les 18 millions de personnes qui ne sont pas couvertes par leur employeur : les géants de la santé peuvent refuser les patients les plus âgés ou les plus malades, ou leur imposer des prix plus élevés…

Dans le camp d’en face, John McCain s’oppose farouchement au principe de couverture universelle. Il veut en finir avec un système où 70 % des Américains sont protégés par leur employeur pour laisser à tous le choix de leur assurance santé. Le candidat républicain compte supprimer les incitations fiscales qui poussent les salariés à se contenter de la couverture fournie par leur travail et les remplacer par un crédit d’impôt de 2 500 dollars pour toute personne qui souscrira un plan individuel. Les États viendraient en aide aux « non-assurables » dont personne ne veut couvrir les frais. Enfin, pour stimuler la concurrence, chacun pourrait comparer les différentes offres afin de retenir celle qui garantirait le meilleur rapport qualité-prix. « La plupart des gens non couverts sont jeunes et en bonne santé ; on ne peut pas leur imposer des tarifs élevés qui financent les frais des autres », explique Phil Gramm, ex-conseiller économique de McCain.

EMPLOI

Alors qu’Obama prône une politique keynésienne de relance de la croissance et de création d’emplois via des investissements publics, McCain défend, en républicain orthodoxe, une approche libérale. La baisse des impôts – en particulier celui sur les sociétés, qu’il veut ramener de 35 % à 25 % – stimulerait suffisamment, selon lui, l’économie américaine pour qu’elle booste la job machine… En revanche, Obama propose de créer 5 millions d’emplois « bien payés et impossibles à délocaliser » dans les énergies renouvelables et les technologies de l’environnement grâce à 150 milliards de dollars investis sur dix ans. Il projette aussi de consacrer 66 milliards de dollars aux infrastructures et de créer ainsi 2 millions d’emplois. Plus généralement, il dénonce les employeurs qui délocalisent pour profiter d’une fiscalité plus avantageuse. Entre 2001 et 2005, les entreprises américaines ont détruit 2,1 millions de jobs dans le pays et en ont créé 784 000 dans leurs filiales à l’étranger, selon le Bureau of Economic Analysis. Obama entend réformer le Code fiscal qui encourage cette pratique et favoriser les « employeurs patriotes » qui conservent leur siège et leurs effectifs dans le pays. Il souhaite faciliter la création des syndicats dans l’entreprise et promeut le droit de grève. « Il est temps d’avoir un président qui ne s’étrangle pas en prononçant le mot syndicats », soutient-il. Il prône une revalorisation du salaire minimum (passé à 6,55 dollars en juillet 2008), mais sans s’engager sur le montant ni le calendrier.

McCain dénonce ce programme qui impliquerait des augmentations d’impôts. Son projet est un pro growth pro jobs tax agenda destiné à stimuler le business. Il explique à ses électeurs que les emplois industriels « du passé », perdus dans le textile en Caroline du Sud ou les aciéries en Pennsylvanie, « ne reviendront pas » et qu’il est inutile de fermer les frontières. Il faut plutôt se concentrer sur les « jobs du futur » auxquels la main-d’œuvre doit être préparée. Il met l’accent sur la formation des chômeurs, en particulier les plus de 55 ans. Les personnes licenciées qui acceptent de se former à un autre métier et retrouvent un emploi rapidement obtiendraient une prime. En revanche, il s’oppose à une augmentation du salaire minimum, jugeant que « ce n’est pas au gouvernement de fixer les rémunérations dans l’entreprise ».

“Il est temps d’avoir un président qui ne s’étrangle pas en prononçant le mot syndicats”
RETRAITE

Même si la réforme est moins urgente que dans d’autres pays industrialisés, l’arrivée de 79 millions de baby-boomers à l’âge de la retraite va poser un sérieux problème au système par répartition. À compter de 2017, les pensions versées aux retraités dépasseront les contributions des actifs. Les deux candidats sont d’accord sur un point : il faut mettre en place un groupe d’études comportant des élus des deux partis pour réfléchir aux différentes solutions : retarder l’âge du départ à la retraite, diminuer les allocations, augmenter les cotisations… Si McCain n’exclut aucune piste, Obama préférerait augmenter les cotisations sur les gros salaires. En attendant, de moins en moins d’entreprises prenant en charge la retraite de leur personnel, Obama veut les obliger à proposer des comptes épargne retraite à leurs salariés. Il exige aussi qu’elles soient légalement tenues de faire face à leurs engagements lorsqu’elles font faillite.

McCain ne s’intéresse pas seulement au sauvetage de la Social Security : il souhaite ressusciter le projet avorté de Bush en 2005 de développer des comptes épargne retraite privés grâce à des incitations fiscales. Son rival s’oppose à cette « privatisation des retraites » qui remettrait en cause un système hérité des années 30 au profit de la capitalisation…

“Ce n’est pas au gouvernement de fixer les rémunérations dans l’entreprise”
IMMIGRATION

L’échec au Sénat en juin 2007 de la grande réforme de l’immigration préconisée à la fois par George Bush et les démocrates a gelé les velléités de s’attaquer à cette question brûlante. Obama et McCain sont en phase sur ce dossier. De quoi rassurer les 18 millions d’électeurs latinos qui pourraient faire la différence en cas de scrutin serré. Globalement, les deux candidats manient le bâton – sécuriser les frontières – et la carotte – poursuivre la tradition d’ouverture de la société américaine. Et, valeur famille oblige, l’accent est mis sur le regroupement familial, notamment chez les démocrates.

Obama et McCain sont d’accord pour régulariser une partie des 12 millions de sans-papiers présents sur le territoire américain à condition qu’ils versent une amende sanctionnant leur situation illégale, qu’ils parlent anglais et que leur demande soit examinée après celle des immigrés légaux. Mais les experts jugent qu’une telle réforme a plus de chances d’aboutir en cas d’élection de McCain, engagé en faveur d’une amnistie qui hésite à dire son nom. Car Barack Obama privilégie la réforme de la santé, qu’il s’engage à achever d’ici à la fin de son premier mandat.

Consensus sur l’aide aux victimes des subprimes

Même McCain, pourtant encore plus libéral que Bush sur le sujet, a dû y venir : alors que 1,5 million de logements font l’objet d’une procédure de saisie, le candidat républicain a fini par réclamer une intervention fédérale pour sauver les ménages emportés par la crise des subprimes. Lui qui, en mars encore, jugeait que « ce n’est pas à la puissance publique de renflouer les irresponsables, y compris parmi les petits emprunteurs », propose désormais « entre 3 et 10 milliards de dollars » pour que l’État puisse garantir les prêts à problèmes, une fois ceux-ci renégociés et réduits en accord avec les organismes de crédit.Un programme clairement inspiré de celui des démocrates.

Obama propose une trentaine de milliards de dollars pour aider les ménages à garder leur logement après renégociation des dettes et pour subventionner les États et les villes les plus touchés. Il veut « inciter » les prêteurs à convertir les prêts à taux variable en prêts stables à taux fixe pour trente ans.

Auteur

  • Isabelle Lesniak