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Enquête

“Le DRH a de beaux jours devant lui”

Enquête | publié le : 01.09.2008 | Éric Béal, Fanny Guinochet

Christian Rios, directeur d’études à Entreprise & Personnel, Jean-Pierre Catu, consultant chez Spencer Stuart, et Christian Brière de la Hosseraye, associé chez X-PM Transition Partners, croisent leur vision du DRH.

Les changements d’organisation sont de plus en plus rapides : quels sont les impacts sur la fonction RH ?

Christian Rios. Les organisations apprennent à être performantes dans un environnement complexe. Les business se transforment à la vitesse d’un torrent, les comportements des équipes et des individus s’adaptent à celle d’un glacier ! C’est une nouvelle donne dont le DRH doit tenir compte.

Christian Brière. D’autant qu’aujourd’hui toutes les organisations – même dans le secteur public – sont affectées par l’évolution du mode de management. Jean-Pierre Catu. Le DRH est sollicité sur la conduite du changement. C’est à lui que revient la tâche importante de gérer les talents, de faire en sorte qu’ils restent dans l’entreprise. C’est le carburant indispensable du groupe.

Quels sont les profils recherchés pour le poste de DRH groupe ?

C. B. Une expérience internationale est nécessaire. S’il n’a pas lui-même vécu à l’étranger, le DRH doit posséder un background international. On rencontre aussi de plus en plus d’anciens opérationnels passés à la RH.

J.-P. C. Le business partner revient systématiquement dans les profils de postes. Les directions veulent des professionnels ayant des réflexes business. Certes, la porte s’ouvre aux opérationnels qui ne viennent pas de la fonction. Mais ces derniers ne challengent pas complètement les DRH.

C. R. C’est néanmoins une forte tendance depuis dix ans. Les directions d’entreprise attendent de leur DRH qu’il soit capable d’intervenir dans d’autres domaines que les ressources humaines : les processus de production, la mobilisation des équipes, l’organisation…

C. B. Les opérationnels qui sont nommés DRH viennent toujours de l’interne. Vous ne pouvez pas découvrir à la fois une nouvelle fonction et une nouvelle entreprise. Mais un nombre croissant sont passés par une filiale, une branche… Cela leur donne une vraie légitimité.

C. R. L’inverse est vrai aussi. Dans les grands groupes, certains DRH partent en poste sur le terrain. En tout cas, tous doivent avoir la fibre business et organisationnelle.

Comment expliquez-vous la multiplication des changements de DRH ?

J.-P. C. Aujourd’hui, la demande de DRH flambe. Cela crée d’ailleurs des tensions sur le marché. Confrontés à des problématiques similaires, les grands groupes recherchent le même type d’expérience et de savoir-faire. Leurs dirigeants se posent tous la même question : ai-je bien le DRH capable de piloter les mutations rapides des organisations que je dois mettre en œuvre ?

C. R. Ce ne sont pas les processus qui sont complexes, mais les transformations des hommes. Comment faire autrement avec les mêmes ? La question se pose à tous. Et les deux types d’acteurs mobilisés sont les DRH et les managers.

C. B. Les DRH sont les transformateurs des organisations, ils sont ingénieurs du social. Car c’est un peu plus compliqué aujourd’hui de faire travailler des Chinois avec des Mexicains que des Bourguignons avec des Corses. Un DRH corporate gère aussi les 100 à 200 personnes dans le monde qui ont des fonctions clés et dont le départ poserait de graves problèmes à l’entreprise. Il est enfin le chef d’orchestre des DRH de pays et de sites.

Les DRH se sont-ils éloignés du terrain ?

J.-P. C. Avec l’internationalisation du CAC 40, la place des relations sociales a diminué dans l’agenda des DRH. Ils ont délégué la partie relations sociales franco-françaises car cette fonction risquait de les empêcher de conserver leur dimension mondiale. C’est cela qui a donné l’impression d’un éloignement du DRH groupe vis-à-vis du terrain. Mais l’attente est toujours là : un DRH groupe ne doit pas être seulement conceptuel ou stratège, il doit savoir gérer un sujet purement local.

C. B. Les relations sociales ne représentent plus rien dans l’agenda d’un DRH groupe. Il travaille en lien avec le président et le directeur général, siège au comité de direction, il a une vision de l’avenir de l’organisation. Il n’a pas besoin de connaître ce qui se passe partout sur le terrain, ce n’est d’ailleurs pas possible dans un grand groupe. En revanche, il lui faut motiver les 100 managers clés, les fidéliser et les aider à atteindre leurs objectifs. Il est devenu le coach du comité directeur, en quelque sorte.

J.-P. C. Le rôle du DRH a tendance à augmenter. Son poids, son impact, sa personnalité se renforcent dans la durée. C’est la raison pour laquelle il a besoin de travailler en confiance avec le DG, dans une relation très intuitu personae.

C. B. D’ailleurs, dans un cas sur deux, quand le DG part, le DRH suit… Il y a une telle nécessité de connivence que c’est presque implicite.

J.-P. C. C’est en cela que la fonction RH ne peut se résumer à une fonction technique. Les outils sont simples, mais les organisations sont compliquées. Ce qui différencie alors les DRH relève du domaine de l’équation personnelle.

C. R. Le DRH doit être en phase avec les valeurs de son directeur général pour peser sur le diagnostic et la stratégie adoptée. Mais il lui faut également remodéliser cette stratégie afin de générer des adaptations de la ligne managériale.

Quelle est la meilleure filière de formation pour devenir DRH groupe ?

C. B. Celui-ci doit être capable de réaliser des diagnostics dans son entreprise, de modéliser et de prendre en compte l’évolution des comportements et les différences culturelles. Si le droit reste au cœur des formations RH, le savoir-faire en sciences sociales est apprécié. Désormais, dans tous les cursus RH, il y a des cours sur l’accompagnement du changement, des notions de coaching…

J.-P. C. Tout l’art du DRH groupe est de pouvoir manager à distance. Quel que soit le diplôme initial, le parcours personnel et l’expérience de terrain sont primordiaux. Mais la première qualité d’un DRH est de savoir déléguer. Il lui faut bien connaître les limites de ses compétences personnelles pour laisser des experts ou les responsables sur place prendre des décisions opérationnelles.

C. R. Il doit avoir une expertise multiple. En organisation, en relations sociales, en performance managériale, en mobilisation des personnes. Quels que soient ses diplômes, il lui faut une expérience opérationnelle et une relation directe avec les salariés de base. C’est la seule manière pour lui de ne pas se couper de la réalité.

Comment voyez-vous la fonction de DRH à l’avenir ?

C. B. Il sera de plus en plus chargé de défendre l’organisation et d’adapter les personnels aux nouveaux défis de l’entreprise. Il travaillera encore plus dans un contexte international, plus complexe et dans lequel les mutations et les changements seront plus rapides.

J.-P. C. Le DRH a de beaux jours devant lui. La fonction est reconnue car son effet de levier sur les résultats du groupe est considérable. La rémunération des DRH a d’ailleurs beaucoup augmenté ces dernières années, mais les niveaux sont disparates et dépendent de la valorisation de la fonction par la direction.

C. R. Le DRH corporate devra de plus en plus travailler sur le système de management, le choix des cadres supérieurs, la promotion de la culture interne. De moins en moins d’entreprises peuvent se passer du facteur humain pour accroître leur performance. Cela participe de sa reconnaissance.

Auteur

  • Éric Béal, Fanny Guinochet