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Les pôles de compétitivité, labos de coopération

Dossier | publié le : 01.09.2008 | A.-C.G.

Lancées par le gouvernement en 2005, ces structures associent entreprises, centres de recherche et organismes de formation sur des domaines de compétences précis. De précieux outils pour des partenaires qu’il n’est pas toujours aisé de rapprocher.

Pierre Chicoteau en est convaincu. Entreprises et universités ont leurs destins liés. Gérant de Nor-Feed Sud, petite entreprise de cinq salariés spécialisée dans le développement et la commercialisation de produits à base de plantes et d’extraits de plantes pour l’alimentation animale, il pratique depuis longtemps un exercice encore boudé par bon nombre d’entreprises. « Nous avons une activité intense de recherche et développement. Pour une PME, il est impossible de tenir sans s’adosser à d’autres institutions. » Afin de « tenir », Pierre Chicoteau n’a pas hésité à adhérer au pôle de compétitivité Végépolys d’Angers. « Nous nous servons du pôle comme vitrine auprès des laboratoires et des universités. Je travaille régulièrement avec l’IUT d’Angers et l’université de Tours. J’accueille des stagiaires et leur propose des sujets de travaux dirigés liés à nos thèmes de recherche. »

Lancés à grand renfort de communication en 2005, labellisés par le gouvernement Villepin, 71 pôles de compétitivité existent aujourd’hui. Pour le gouvernement, ils sont le cœur de la politique industrielle française. Concrètement, ils représentent sur un territoire l’association d’entreprises, de centres de recherche et d’organismes de formation autour de thématiques précises et variées comme la finance, les biotechnologies, l’image et les réseaux, etc. À Grenoble, le pôle de compétitivité mondial Minalogic compte 120 partenaires. « En 2005, le pôle s’est monté sous l’impulsion du CEA, de STMicroelectronics et de Schneider, raconte Nicolas Leterrier, directeur de la structure. Mon job est de convaincre d’autres entreprises et institutions de recherche et de formation de nous rejoindre pour se lancer dans des projets collaboratifs. Pour le moment, personne ne nous a quittés. » Le responsable de Minalogic y voit là la preuve de l’intérêt de ces pôles : « Plusieurs entreprises de la région de Grenoble, de secteurs très différents, avaient le même souci concernant la formation de leur personnel pour travailler en salle blanche. Le pôle leur a permis d’imaginer la mutualisation des formations qu’elles dispensaient chacune dans leur coin. Des universités comme celle de Pierre-Mendès-France, à Grenoble, ou encore l’Institut national polytechnique de Grenoble et l’Inria se sont associés à ce projet pour aider les entreprises à utiliser les serious games afin de former leur personnel à moindre coût. »

Des technocampus spécialisés. À Nantes, le rapprochement entre les entreprises et les laboratoires de recherche du pôle EMC2, spécialisé dans les matériaux composites, va se concrétiser d’ici à deux ans. « Un technocampus spécialisé dans les matériaux est en train de sortir de terre, explique Michel Guérive, responsable des politiques pour l’enseignement et l’emploi auprès des CCI de Nantes et de Saint-Nazaire et l’un des animateurs du pôle. Le bâtiment, à deux pas du site nantais d’Airbus, réunira des laboratoires d’universités et d’entreprises travaillant sur des sujets connexes. » Idem à Toulouse où le pôle de compétitivité Aerospace Valley disposera d’ici à quelques années d’un campus grâce au soutien de la métropole toulousaine.

Dans sa partie plus immatérielle, EMC2, à Nantes et à Saint-Nazaire, œuvre également pour un meilleur maillage du territoire par les formations. « Une commission est en train de dresser une cartographie des formations existantes pour identifier les niveaux de qualification qui nous manquent sur le territoire », explique un autre animateur du pôle, Loïc Chanois. Des conférences, animées par des chercheurs, sont également proposées aux entreprises adhérentes pour leur faciliter l’accès aux nouvelles technologies dans les matériaux composites. Le pôle végétal d’Angers a choisi, de son côté, d’appuyer la création de formations. « Nous soutenons la création de deux licences professionnelles pour 2008, dont l’une va former des chefs de culture sous-serre, qui sont en fait des managers d’exploitation. Ce profil est rare et les entreprises ont de réels besoins de recrutement avec cette spécialité », précise Jean de Balathier, directeur du pôle.

Au quotidien, néanmoins, il n’est toujours pas évident d’impulser et de favoriser les rapprochements entre les différents acteurs. Directeurs et animateurs de ces structures doivent faire preuve de pugnacité pour faire tomber les barrières entre des univers qui souvent s’ignorent et se méconnaissent. Michel Guérive, à Nantes, est convaincu du rôle de médiation que doivent jouer les chambres de commerce entre universitaires et industriels. « Nous aidons les universitaires à retravailler leur projet lorsqu’il s’agit d’aller le présenter aux industriels, ajoute Loïc Chanois. Nous avons presque un rôle de traducteurs. Quand les uns parlent de public, les autres vont utiliser le terme de candidat. » Pour instaurer un climat de confiance, le pôle enfant installé à Cholet et spécialisé dans le jouet et la puériculture n’a pas hésité à faire plancher un philosophe bon connaisseur de l’entreprise sur une charte éthique. Car la confiance entre les adhérents est l’une des conditions de leur coopération au sein du pôle. « La notion d’intérêt pour l’entreprise est importante, tout en sachant que le pôle se doit de respecter un principe d’équité entre ses adhérents », souligne Alain Anquetil, philosophe, chercheur en éthique des affaires à Paris V et professeur associé à l’Essca d’Angers.

Inconstance des PME. Pour Pierre Chicoteau, c’est la constante de temps qui est la plus difficile à dépasser pour les entreprises. « La PME vit dans l’immédiateté quand un responsable de formation réfléchit à ses projets à l’horizon d’un an. J’ai mis seize mois pour travailler concrètement avec l’IUT d’Angers. À moi d’anticiper avec mes équipes pour réfléchir en amont aux sujets de TD que je souhaite confier aux étudiants. Ensuite, l’un de mes collaborateurs va bénévolement encadrer ces jeunes six demi-journées par an pour expliquer le travail que l’on attend d’eux. L’investissement n’est pas énorme et je dispose d’un vivier intéressant. Mes collaborateurs sont souvent d’anciens stagiaires. » Reste à laisser du temps aux partenaires pour apprendre à se connaître et à travailler ensemble.

Faits et chiffres

71 pôles de compétitivité créés et labellisés depuis 2005. Parmi eux, le gouvernement a identifié 7 pôles de compétitivité mondiaux.

Les grands domaines de compétences des pôles mondiaux sont les transports, les biotechnologies, la santé, les TIC, les images et les réseaux, la bio-agronomie et la chimie.

Les pouvoirs publics auront consacré 500 millions d’euros par an d’aide à la R & D industrielle entre 2005 et 2008.

Auteur

  • A.-C.G.