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Tableau de bord

Faut-il abaisser le plafond des allocations chômage ?

Tableau de bord | publié le : 01.05.2008 |

Yannick L’Horty Professeur à l’université d’Évry et chercheur au CEE.

Il est clair que la durée du chômage est sensible à la générosité de l’indemnisation. Des dizaines d’études très rigoureuses menées en France et à l’étranger montrent qu’il y a bien un double dividende pour les gestionnaires de l’assurance chômage qui veulent faire des économies en baissant les allocations. Ils réalisent des gains directs et comptables tout en profitant de gains indirects puisque les chômeurs vont être davantage incités (et contraints) d’accepter des offres d’emploi et de sortir du chômage. Le risque est cependant de favoriser la précarité de l’emploi et la récurrence du chômage. La réduction du plafond de l’indemnisation est effectivement la solution la plus efficace pour maximiser ce double dividende. Nos estimations montrent que la durée du chômage est d’autant plus sensible au montant de l’indemnisation que l’allocation est généreuse. Les chômeurs les mieux indemnisés sont les seuls dont la recherche d’emploi est vraiment réactive au montant de l’indemnisation. Abaisser le plafond, qui est par ailleurs très élevé en France, est donc le meilleur moyen d’inciter à sortir du chômage sans contraindre à une reprise d’emploi de mauvaise qualité. C’est tout l’intérêt de ce type de mesure.

Laurence Boone Économiste, directrice de recherche chez Barclays Capital.

À baisser le plafond interroge la logique actuelle de l’indemnisation chômage, hybridation d’assurance et de solidarité. Assurance, d’abord : les chômeurs ayant cotisé sur la base d’un smic net, ou moins, touchent environ 80 à 95 % de leur ancien salaire net. Au voisinage du salaire moyen, le taux de remplacement net devient inférieur à 65 %, jusqu’au plafond. « L’assurance » fournit bien un revenu de substitution fondé sur les contributions. Cela implique qu’une baisse du plafond soit appréciée au regard des cotisations.

Mais le calcul du revenu de substitution varie beaucoup avec la situation qu’avait le salarié : le système est aussi redistributif, entre salariés et chômeurs, contrats longs et courts, temps complet et partiel, hauts et bas salaires. La solidarité est donc forte. Abaisser le plafond amoindrit la partie assurantielle au profit de la partie solidarité. Cette bonne idée de gestion pose une question de fond : abaisser progressivement le niveau, la durée et la condition des allocations dessine un système beveridgien à prestations de revenus forfaitaires et minimales, en éliminant progressivement la part assurantielle (qui peut devenir privée). Autant d’aspects à prendre en compte.

Xavier Timbeau Économiste à l’OFCE.

L’indemnisation du chômage en France est en apparence généreuse. Non pas que l’indemnisation moyenne y soit supérieure, puisque, en tenant compte des chômeurs non indemnisés et de la durée d’indemnisation, la France se situe derrière l’Allemagne ou les Pays-Bas, mais parce que le montant maximal de l’allocation française est le plus élevé en Europe, à plus de 5 500 euros. Coûteux, peu incitatif à la reprise d’emploi, concernant des individus qui peuvent retrouver rapidement un emploi, ce plafond pourrait être réduit pour s’inspirer de nos voisins. Rendre l’allocation dégressive en quelques mois serait un moyen de garder une partie « assurance de revenu » et de proposer une prestation universelle et plafonnée. Cette modernisation des prestations devrait s’accompagner d’une modernisation du financement. À la logique universelle de la prestation correspond la logique universelle de son financement. Aux cotisations chômage, il faudrait substituer un financement par l’impôt sur le revenu. À la gestion paritaire, un contrôle par le Parlement. Au lieu de cotisations sociales déplafonnées et de niches fiscales, il faudrait une cotisation marginale du prélèvement sur le travail réduit et un impôt progressif réaffirmé.

Pour en savoir plus

Unedic, comparatif européen des régimes d’assurance chômage au 1e r janvier 2008. http://info.assedic.fr

Cerc, rapport n° 6 « Aider au retour à l’emploi », 2005 www.cerc.gouv.fr

CEE, « Connaissance de l’emploi » n° 51, février 2008, www.cee-recherche.fr

Unedic, « Point’statis » n° 8 sur le salaire deréférence des chômeurs, janvier 2005 http://info.assedic.fr

Cour des comptes « Évolution de l’assurance chômage », mars 2006. www.ccomptes.fr