logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Idées

Faut-il revoir la représentativité et le financement des organisations patronales ?

Idées | Débat | publié le : 01.04.2008 |

Alors que la représentativité syndicale fait l’objet d’une négociation, l’affaire des retraits en liquide de l’UIMM ravive la question du financement mais aussi celle de la représentativité des organisations patronales. Le directeur adjoint de l’Ires, un juriste de l’université de Lille II et le président de l’Usgeres, l’un des groupements d’employeurs de l’économie sociale, répondent.

Christian Dufour Directeur adjoint de l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires).

La représentativité des organisations patronales n’est plus taboue. Mais les difficultés commencent. Les étoiles repérées par le public masquent la myriade de planètes et de satellites ignorés même des spécialistes. Les entreprises y procèdent à du lobbying, y produisent des normes, y négocient des relations sociales. Cette dernière fonction n’est pas nécessairement la plus souhaitée par des entreprises qui se veulent autonomes.

Au sein de ces structures, les liens entre entreprises s’avèrent redoutablement complexes. La multiadhésion n’est pas rare. Les grands groupes, surtout, se retrouvent dans de multiples structures, spécialisées, éventuellement concurrentes, chacune avec ses règles propres. Ces organisations disposent d’une forte autonomie par rapport à leur base ; leur gouvernance procède de jeux d’influence entre entreprises difficiles à décrypter.

Cette opacité n’est pas dysfonctionnelle ; elle garantit la survie de regroupements qui ont du mal à identifier leur unité de base. Pour une organisation syndicale, il s’agit de l’adhérent. Mais comment transposer cette notion à l’entreprise ? Comment pondérer la place respective d’EADS et de chacun de ses sous-traitants au sein de l’UIMM, relativiser les poids respectifs des membres du Medef, gérer la multiadhésion ? Les arrangements pratiques et leur opacité ménagent des espaces de jeu nécessaires malgré leurs inconvénients. La conformité des comptabilités est un aspect important mais très secondaire au regard de la représentativité du patronat.

Une exigence qui trouve ses limites dans la demande d’existence de ses organisations. Les plus revendicatifs pourraient se trouver dépités si, demain, les entreprises trouvaient plus rationnel de ne plus se regrouper pour négocier. La Confédération de l’industrie britannique (CBI) et ses affiliés ont fait ce choix en Grande-Bretagne. Les syndicats de salariés se contentent des interlocuteurs patronaux qui le veulent bien. En France, la fonction sociale des organisations patronales n’est pas totalement séparée de leurs fonctions économiques. Pour les entreprises, la seconde est bien plus importante que la première. L’existence d’une représentation patronale en matière sociale procède de pressions externes, venant de l’État et des syndicats. Sa représentativité relève d’une convention sociale. Elle a une fonctionnalité plus externe qu’interne. Les risques d’une abstention des employeurs à l’égard de ces organisations ne sont pas minces.

Alain Cordesse Président de l’Union de syndicats et groupements d’employeurs représentatifs dans l’économie sociale (Usgeres).

La présidente du Medef souhaite dessiner les contours d’« un patronat du XXIe siècle ouvert, transparent et éthique ». C’est une façon d’affirmer que le système actuel de représentation ne reflète plus la réalité de l’économie ni la diversité des formes d’entreprendre.

Le Medef est censé représenter l’ensemble des entreprises de France, mais la CGPME revendique les petites et moyennes, l’UPA les artisans, l’UNAPL les professions libérales et la FNSEA une partie des agriculteurs. Ces derniers ont acquis au fil du temps et des contentieux une forme de représentativité dans le cadre du dialogue social national. Pour autant, les procédures d’extension des accords collectifs de travail doivent toujours passer sous les fourches caudines du Medef pour être approuvées. Quant aux employeurs de l’économie sociale, qui représentent 2 millions de salariés, les portes du dialogue social leur sont aujourd’hui fermées. Pourtant le patronat de l’économie sociale figure parmi les acteurs générateurs de milliers d’emplois dans les prochaines années. Pourquoi le ministre du Travail n’ouvrirait-il pas le débat sur leur reconnaissance institutionnelle et, notamment, sur leur participation à la définition des politiques publiques de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ?

Cette question de la représentativité des organisations patronales doit évidemment être liée à celle du financement, au regard des disparités énormes entre les différents acteurs. Les subsides du secteur marchand sont sans commune mesure avec les montants existants dans le secteur non marchand. L’affaire inimaginable des retraits de fonds suspects des caisses du patronat de la métallurgie ou les soupçons de financement du Medef par les fonds de la médecine du travail rendent, par ailleurs, nécessaire une clarification du cadre juridique posant la définition de lignes équitables et transparentes pour toutes les organisations patronales.

Il serait de bon augure que la négociation actuelle sur la représentativité des organisations syndicales porte également sur la représentativité et le financement du patronat. Il faudra également que la réforme de la formation professionnelle se penche sur la question de l’aide au paritarisme. Dans le contexte actuel de refondation du Medef, accueillons positivement la volonté de réforme de sa présidente, Laurence Parisot, et gageons que les discours feront place aux actes.

Jean-Philippe Tricoit Docteur en droit, membre du Lereds (Lille II).

À la suite du scandale DGS-UIMM, les organisations syndicales de salariés ainsi que certaines organisations patronales, notamment l’UPA, ont posé la question de la représentativité et du financement des organisations patronales. Plusieurs remarques militent en faveur de la refonte des dispositifs actuels.

Tout d’abord, une première charge peut être dirigée contre le « label » de représentativité dont bénéficient, au niveau national, certaines organisations patronales. En effet, il existe une inadéquation certaine entre les catégories professionnelles que ces organisations sont censées représenter et leur composition interne. En outre, l’ensemble des employeurs, dont la diversité est grande, n’est pas pris en considération par ces organisations. Il en est ainsi, par exemple, du secteur associatif, qui regroupe pourtant un peu moins de 1 million d’associations loi 1901 et qui est, de cette façon, marginalisé.

Ensuite, le mécanisme de légitimation qu’est la représentativité semble totalement dévoyé. Au lieu d’être le support d’une véritable action collective des employeurs, les organisations patronales fonctionnent, en pratique, comme des groupes de pression ou des prestataires de services. Enfin, concernant les organisations patronales affiliées qui doivent prouver leur représentativité conformément aux critères de l’article L. 133-2 du Code du travail, l’adéquation de ces critères aux spécificités des organisations patronales paraît douteux, notamment en raison du caractère opaque de la collecte des cotisations. De plus, outre la difficulté à mesurer et à apprécier les effectifs du groupement concerné, l’obscurité entourant les sources de financement de l’organisation en cause peut avoir une incidence sur la démonstration de sa représentativité et, plus précisément, de son indépendance, puisque cette dernière, requise de toute organisation représentative, ne pourrait être clairement établie. En outre, d’un point de vue éthique, quelle serait la crédibilité d’une négociation collective ou la valeur d’une consultation au sein d’une instance nationale dans l’hypothèse où l’organisation représentative qui y participe administrerait ses fonds de manière peu recommandable ? Ces dernières réflexions montrent le lien fort unissant représentativité et financement des organisations patronales. Reste alors à repenser, simultanément et en coordination, ces mécanismes, et ce en adéquation avec leurs particularités.