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Enquête

Les perdants du pouvoir d’achat

Enquête | publié le : 01.04.2008 | Anne-Cécile Geoffroy, Stéphane Béchaux

Ils sont smicards, retraités, RMIstes, techniciens ou fonctionnaires… Logement, déplacements et alimentation pèsent lourd dans leur budget. Et ils ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts.

Une cinquantaine de saisies sur salaire sur 1 000 feuilles de paie… 5 % des téléopérateurs d’Intra Call Center voient actuellement leur bulletin de paie amputé. « Le chiffre est en augmentation. Auparavant, ces saisies émanaient du Trésor public. Maintenant, ce sont des organismes de crédit à la consommation qui en sont à l’origine », observe Thierry Salomez, le DRH de ce centre d’appels installé à Lyon, Amiens et Reims. Un baril de pétrole qui dépasse les 100 dollars, des produits alimentaires qui flambent, des logements inabordables… En glissement annuel, l’inflation atteint actuellement 2,8 %, son plus haut niveau depuis quinze ans.

Résultat, les Français sont de plus en plus nombreux à tirer la langue. « Le passage à l’euro n’a pas encore été digéré, avance Olivier Géradon de Vera, vice-président d’IRI-Secodip, un institut d’enquête spécialisé dans la grande consommation. L’apprentissage de la monnaie et de sa valeur explique en partie le décalage entre inflation perçue et réelle. » Difficile pourtant d’affirmer que cette tension sur le pouvoir d’achat est une simple question de ressenti. La part des dépenses contraintes ou pré-engagées – il faut bien se loger et se chauffer ! – n’est pas prise correctement en compte par l’Insee alors qu’elle pèse de plus en plus sur les porte-monnaie. Pour mieux coller à la réalité, l’Insee réfléchit à de nouveaux thermomètres. « Nous allons mettre en œuvre des indicateurs sur les dépenses contraintes et construire un indice des prix sur les logements neufs, en forte hausse », annonce son nouveau patron, Jean-Philippe Cotis.

En faisant du pouvoir d’achat le thème central de son quinquennat, Nicolas Sarkozy s’est pris les pieds dans son propre tapis. Sauf à augmenter le smic, les minima sociaux et le traitement des fonctionnaires – mais « les caisses sont vides »… –, le chef de l’État a peu de marges de manœuvre pour répondre aux attentes. Avec ses promesses, il a entraîné les entreprises bien malgré elles dans la tourmente. Exaspérés, les salariés sont très nombreux à débrayer. À Auchan comme à la Snecma, à Air France comme à L’Oréal, ils veulent en finir avec la modération salariale issue des 35 heures.

Leur colère est alimentée par les révélations sur les rémunérations des grands patrons français. D’après la dernière étude de Hay Group, ces derniers sont désormais les mieux payés d’Europe, avec, en moyenne, 5,9 millions d’euros de rétribution globale. Un chiffre en hausse de 40 % en 2007. Et qu’on ne vienne pas dire aux salariés qu’il n’y a pas de grain à moudre, alors que les profits des multinationales du CAC 40 se sont une nouvelle fois envolés l’an dernier ! Du coup, les DRH se creusent sérieusement la cervelle pour savoir comment répondre aux impatiences.

Les fonctionnaires frustrés

Hors de question pour Alain Gély, 29 ans, de demander un poste à Paris. Une thèse en poche après huit ans d’études, ce maître de conférences en informatique ne gagne que 1 897,38 euros net par mois. Il a donc opté pour la stratégie du contournement, en acceptant un poste à l’université de Metz. « J’aurai eu beaucoup de mal à me loger correctement à Paris avec ce salaire », justifie-t-il. Dans le vent de grogne lié à la détérioration du pouvoir d’achat qui souffle sur la France, les fonctionnaires ne sont pas les derniers à manifester leur impatience. Selon l’Insee, le pouvoir d’achat des agents de la fonction publique d’État a reculé de 0,1 % entre 2000 et 2005, alors qu’il a crû faiblement de 0,3 % dans la fonction publique hospitalière et de 0,2 % dans la territoriale. L’œil rivé sur la revalorisation du point d’indice, qui règle les augmentations générales de tous les fonctionnaires, les syndicats estiment, eux, que 80 % des agents ont perdu 7 % de pourvoir d’achat entre 2000 et 2007. De fait, sur cette période, les augmentations de la valeur du point ont toujours été en deçà de l’inflation, avec même une année blanche en 2003. Des chiffres contestés par le gouvernement qui, lui, intègre l’ancienneté et les promotions dans le calcul du pouvoir d’achat. Résultat, le ministre du Budget, Éric Woerth, a encore fait la sourde oreille lors des dernières négociations sur les salaires. Pour 2008, les fonctionnaires devront se contenter d’une augmentation de 0,8 % du point, en deux fois. « En lissant ces revalorisations sur l’année, l’augmentation est en fait de 0,56 % », calcule Jean-Michel Nathanson, porte-parole du syndicat SUD, non signataire de l’accord de février.

Pour le gouvernement, seuls 17 % des agents ont réellement perdu du pouvoir d’achat entre 2003 et 2007. Il s’agit, pour l’essentiel, de fonctionnaires qui, en seconde partie de carrière, stagnent au sommet de leur corps ou de leur grade. Ou appartiennent à la catégorie des employés, plus précisément celle des employés administratifs. Pour les perdants, le ministre du Budget a imaginé un dispositif de garantie individuelle du pouvoir d’achat. Un filet de sécurité qui se concrétisera sous forme de prime dès cette année pour les agents de catégorie C et en 2009 et 2010 pour les autres agents.

Les retraités appauvris

Les retraités ne sont pas des nantis ! » martèle Claude Bernard. Président de l’Union nationale des retraités et des personnes âgées, il n’a de cesse de dénoncer la baisse de leur pouvoir d’achat. Depuis la réforme de 2003, la revalorisation annuelle des pensions est alignée sur les prévisions de l’inflation et non plus sur le traitement des actifs. Une règle beaucoup moins favorable, de surcroît quand les anticipations sont sous-estimées : en janvier dernier, les retraites n’ont été revalorisées que de… 1,1 %. Sans oublier les frais de santé. L’augmentation des honoraires des médecins et des forfaits hospitaliers et l’instauration de nouvelles franchises médicales viennent grever un peu plus le porte-monnaie des anciens. « Les tensions sont trop fortes. Les personnes âgées les plus modestes commencent à faire l’économie de certaines dépenses, notamment de santé », souligne Bernard Arrio, membre de la commission ressources du Comité national des retraités et personnes âgées.

Si le revenu moyen d’un retraité s’élève à 1 512 euros mensuels, 17 % d’entre eux vivent avec moins de 600 euros par mois, c’est-à-dire au-dessous du seuil de pauvreté. Et la proportion de retraités pauvres ne devrait pas diminuer dans les prochaines années. À 78 ans, Monique en fait partie. Elle vit avec 400 euros par mois. « J’ai travaillé toute ma vie dans la boucherie de mon mari sans être déclarée. Depuis qu’il est décédé, je ne m’en sors pas. C’est mon fils qui me nourrit. » Difficile pour elle de remplir sa cuve de fioul et de payer les 1 800 euros annuels de sa mutuelle. Du coup, elle rogne sur ces deux postes de dépense. « Je me chauffe moins et je ne vais plus voir le médecin, sauf cas de force majeur. » Propriétaire de son logement, elle en vient à le regretter tant les charges sont lourdes pour l’entretenir et payer ses impôts.

Nicolas Sarkozy a eu beau annoncer une revalorisation du minimum vieillesse (fixée à 628,10 euros par mois) de 25 % en cinq ans pour ses 610 000 bénéficiaires, dont une avance de 200 euros payée en février, le compte n’y est pas pour l’ensemble des retraités. « Cette mesure pose le problème d’une inégalité de traitement avec les quelque 4,5 millions de retraités au minimum contributif. L’écart entre ces deux minima se resserre », pointe Bernard Devy, le monsieur Retraite de la CGT-FO. Quand le minimum vieillesse s’adresse à des personnes n’ayant jamais travaillé, le minimum contributif est destiné aux personnes qui ont cotisé sur de faibles montants. À l’heure actuelle, 40 % des retraites liquidées concernent des personnes relevant de ce « smic vieux ». Un minimum fixé à 633,61 euros par mois pour les nouveaux retraités de 2008, auxquels s’ajoutent 20 % de retraite complémentaire pour une carrière complète. « Or nous voyons arriver de plus en plus de personnes dont les carrières sont jalonnées de licenciements, de périodes de maladie, ou encore des emplois à temps très partiel payés au smic horaire. La grande majorité sont des femmes, et leurs pensions sont réduites proportionnellement », souligne Claude Bernard. Le gouvernement a déjà annoncé qu’un nouvel ajustement des pensions aura lieu au début de l’été. La négociation sur les retraites, qui commence ces jours-ci, ne pourra pas non plus faire l’impasse sur le sujet.

Les techniciens en voie de déclassement
40 % des retraites liquidées concernent des personnes relevant du minimum contributif : 633,61 euros par mois

Avec près de 2 000 euros net par mois, on ne fait pas pleurer dans les chaumières. Et pourtant, les techniciens, agents de maîtrise et autres salariés du milieu de l’échelle prennent de plein fouet la hausse des prix et la modération salariale. En 2006, les professions intermédiaires ont, certes, vu le pouvoir d’achat de leur salaire net augmenter de 0,5 %, selon l’Insee. Mais cette augmentation fait suite à des années de disette : entre 2000 et 2005, leurs rémunérations ont fait du surplace. « Le poids des techniciens de l’industrie s’est réduit sur la période au profit de leurs homologues du tertiaire, dont le salaire moyen est inférieur de 10 % », décrypte l’institut.

D’un secteur d’activité à l’autre, les situations sont très hétérogènes. Chez les ascensoristes ou les chauffagistes, la pénurie de main-d’œuvre donne un vrai pouvoir de négociation individuelle. « Vous arrivez dans le bureau du chef avec votre lettre de démission. Il déchire la lettre et vous file 200 euros d’augmentation », raconte un technicien de maintenance de Schindler. Une technique efficace en début de carrière, mais plus aléatoire la quarantaine venue. Ailleurs, ce genre de chantage est inopérant. Dans la banque et les assurances, les métiers techniques du back-office sont, par exemple, en perte de vitesse. Quant aux conseillers clientèle, on les bichonne davantage à 25 ans qu’à 40. « En matière de salaire, on plafonne très vite. Et c’est beaucoup plus dur de passer cadre, car les banques ne jouent plus la promotion interne. Elles recrutent des jeunes à bac + 4 ou 5 qui nous bouchent complètement l’horizon », témoigne une conseillère de la Société générale.

Assises entre deux chaises, les professions intermédiaires se vivent comme les oubliées du pouvoir d’achat. Au-dessus d’elles, des cadres choyés par leur direction. Au-dessous, des ouvriers et employés tirés par le smic et les minima conventionnels, qui bénéficient de toute l’attention des syndicats. Pour elles, des miettes. À la lecture des accords salariaux, difficile de leur donner tort. Techniciens et agents de maîtrise pâtissent à la fois de faibles augmentations collectives et individuelles. Ils restent aussi ignorés des pouvoirs publics. « La politique d’allégement de charges sur les bas salaires, mise en place en 1995, a poussé les entreprises à concentrer les salaires vers le bas de l’échelle », explique l’économiste Arnaud Chéron, directeur de recherche à l’Edhec. De quoi nourrir frustration et déprime.

Les RMIstes, oubliés du pouvoir d’achat
Les professions intermédiaires pâtissent de faibles augmentations à la fois collectives et individuelles de salaire

Dans le concert de voix qui s’élèvent pour dénoncer un pouvoir d’achat en berne, les titulaires de minima sociaux restent bien muets. Pourtant, ils sont loin d’être épargnés. Pour Henri Sterdyniak, chercheur à l’OFCE, « mieux valait être RMIste dans les années 90 qu’aujourd’hui ! À l’époque, en ajoutant à son RMI l’allocation logement, on vivait encore au-dessus du seuil de pauvreté. Plus maintenant. À force de vouloir creuser l’écart entre l’assistance et le travail, les gouvernements ont oublié de revaloriser le RMI ». Représentant 34,9 % du revenu médian à sa création, en 1988, celui-ci ne vaut plus que 30 %. Et la lente dégradation des prestations familiales pénalise encore les plus pauvres, pour qui les « allocs » constituent un complément essentiel. Celles-ci ont en effet perdu 24,5 % de leur valeur relative depuis 1984. Compte tenu de leur structure de consommation, ces ménages sont touchés de plein fouet par les tensions inflationnistes actuelles sur les produits alimentaires, le logement ou l’énergie. Selon l’Insee, 20 % des ménages les plus pauvres consacrent en moyenne près de 25 % de leur budget aux dépenses de logement.

Nadia, 40 ans, divorcée, vit à Villiers-le-Bel avec ses trois enfants. Avec son RMI et différentes aides de la CAF, dont 470 euros d’aide au logement, elle loue 590 euros un F3 dans une résidence communale. « Je n’y arriverais pas sans les allocations familiales et sans travailler au black toutes les semaines, avoue-t-elle. On se restreint aussi beaucoup sur l’alimentaire. On ne mange pas de viande, les enfants n’ont pas le droit aux sodas. » Même galère pour Christine, 35 ans, qui élève seule ses trois enfants. Son budget : un gros 900 euros par mois. Son pouvoir d’achat ne dépasse pas l’horizon du 20 de chaque mois. « Je survis. L’essentiel de mes revenus passe dans les courses. Et je vais au moins cher, chez Aldi. Mais je ne peux jamais dire à mes filles : on va se faire un ciné ou un resto. On n’a pas de vie, finalement. » Imaginé par Martin Hirsch, haut commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté, le revenu de solidarité active, en expérimentation dans 27 départements, devrait donner un coup de pouce aux allocataires de minima qui reprennent un job. Et encore… « On sait très bien que parmi la population au RMI certaines personnes ne retravailleront plus, notamment pour des raisons de santé », relève Henri Sterdyniak. Le RSA ne concernera donc pas tout le monde…

Les smicards à temps partiel sous tension

À observer chiffres et statistiques, les smicards pourraient faire figure de privilégiés ! Depuis 1992, l’accroissement moyen du smic horaire brut est de 4,2 % chaque année, soit deux fois et demie la hausse des prix et près de deux fois celle du salaire moyen. « La règle d’indexation du smic est presque parfaite car elle est automatique, contrairement aux minima sociaux, qui ne le sont que rétrospectivement », souligne Yannick L’Horty, chercheur à l’université d’Évry. Hélas pour les smicards, les feuilles de paie n’ont pas gonflé au même rythme ! Car le développement du temps partiel et la réduction du temps de travail ont largement atténué les gains horaires.

Pas étonnant, donc, que les salariés de la grande distribution aient fortement débrayé le 1er février pour faire entendre leur ras-le-bol. « Aujourd’hui, 40 % des salariés de ce secteur, dont deux tiers de femmes, sont à temps partiel, le plus souvent subi, pointe François Cuffini, de la Fédération CFDT des services. Ce sont les laissés-pour-compte du travailler plus pour gagner plus. » En France, selon l’Insee, le temps partiel représente désormais 17,2 % de l’emploi. Et 1,3 million de salariés du privé sont concernés par le sous-emploi. Caissière au Monoprix Sablons, Aline en fait partie. « On essaie de travailler les dimanches, de profiter de toutes les heures complémentaires possibles pour joindre les deux bouts. Comme on ne peut pas diminuer nos loyers, on se restreint sur les loisirs, les vacances, l’habillement. »

Et pour certains sur l’alimentation. Au premier rang des observateurs de la précarité, les centres communaux d’action sociale tirent depuis un moment la sonnette d’alarme. Dans une récente enquête sur les aides facultatives et de secours qu’ils délivrent, les travailleurs pauvres occupent désormais une place importante. « Selon les communes, on aide désormais entre 13 et 20 % de travailleurs pauvres, indique Daniel Zielinski, délégué général de l’Unccas. Des personnes qui, une fois payés leur logement, les factures d’eau et d’électricité, n’ont plus grand-chose pour se nourrir. Dans les dossiers de surendettement que nous traitons, les travailleurs pauvres, smicards à temps partiel, arrivent en tête. » Les aides alimentaires et de cantine représentent ainsi plus de la moitié des aides proposées. Les CCAS se sont également décidés à ouvrir à cette nouvelle population les 950 épiceries sociales qu’ils gèrent en direct et qui, traditionnellement, étaient destinées aux titulaires des minima sociaux.

GUILLAUME CARPE, PSYCHOLOGUE SCOLAIRE DANS L’ÉDUCATION NATIONALE
“Nos comportements d’achat changent”

Même si mon statut me l’interdit, l’idée de prendre un deuxième boulot pour arrondir mes fins de mois commence à me trotter dans la tête, avoue Guillaume Carpe, psychologue scolaire dans l’Éducation nationale. Le mois dernier, j’étais à découvert de 700 euros. » Avec sa femme infirmière à l’hôpital, ils gagnent 2 990 euros par mois. Pas de quoi flamber pour ce couple de trentenaires et leur petite fille de 3 ans, même s’ils louent un appartement de type HLM 780 euros (pour un F4). « Nos comportements d’achat changent. Nous faisons désormais une partie des courses dans le hard discount et je ne mets pas plus de 20 euros d’essence dans la voiture pour avoir le pseudo-sentiment de faire des économies. » Les Carpe ont aussi abandonné l’idée de s’offrir un bout de terrain dans la région pour y construire une maison bien à eux. Trop cher pour leur bourse. « En vivant dans le pays de Gex, à la frontière avec la Suisse, nous subissons forcément deux fois plus les tensions sur le pouvoir d’achat, car nos riches voisins viennent s’installer et consommer en France. »

CLAUDE BERNARD, 70 ANS, RETRAITÉ D’USINOR SACILOR
“Je m’en sortais mieux il y a vingt ans”

J’avais encore mes deux filles étudiantes à charge. Aujourd’hui, je n’arriverais pas à les faire vivre. » En cumulant leurs deux retraites, le couple vit avec 1 400 euros par mois. Ils règlent encore le crédit de leur maison, achetée il y a vingt ans, et vivent donc avec moins de 1 000 euros par mois pour se nourrir, payer les factures et se soigner. « Heureusement que je suis bricoleur, car nous ne pourrions pas faire face aux dépenses d’entretien. On fait constamment attention à nos dépenses et surtout on ne se crée pas de besoins artificiels. » Les dernières vacances du couple remontent à six ans. Ce qui inquiète le plus le septuagénaire, c’est la situation de sa femme s’il disparaissait. « Elle a travaillé quinze ans pour un conseil général et touche 200 euros pour toute pension. Même avec une demi-retraite comme pension de réversion, elle aura du mal à joindre les deux bouts. »

41 %

des Français citent le pouvoir d’achat comme le « problème le plus important ». Ils étaient 25 % il y a six mois.

Source : Ifop.

1 550 €

C’est le salaire mensuel net médian en France en 2006. 30 % des salariés gagnent moins de 1 297 euros net.

Source : Insee.

+ 94 %

C’est la hausse des prix des logements anciens entre 2000 et 2007. Les loyers privés ont crû de 30,5 %.

Source : Fnaim.

SANDRINE VIAUD, CAISSIÈRE À CARREFOUR, FAIT ET REFAIT SES COMPTES
“Le 10 du mois, je suis bien souvent à sec”

Elle connaît sur le bout du doigt les prix des principaux produits alimentaires, celui d’un repas à la cantine ou du ticket de bus. Entre son salaire (986,15 euros net) et les allocations familiales (815 euros), elle tire le diable par la queue. À 38 ans, elle élève seule quatre enfants. « Le 10 du mois, je suis bien souvent à sec, reconnaît-elle. Je calcule tout. Le moindre grain de sable et je déraille dans mes comptes. Heureusement, je travaille à temps plein et je vis en HLM, sinon je n’y arriverais pas. » Sandrine ne s’autorise aucun extra. Pas de vacances depuis huit ans et jamais un restaurant. Ce qui la culpabilise le plus, c’est finalement de ne pas pouvoir offrir une bonne alimentation à ses enfants. « On n’arrête pas de vous dire de manger cinq fruits et légumes par jour. Moi, je ne peux pas leur offrir ça. C’est trop cher. »

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy, Stéphane Béchaux