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Vie des entreprises

Dis-moi où tu manges, je te dirai où tu travailles

Vie des entreprises | Zoom | publié le : 01.03.2008 | Sabine Germain

De la cantine à la table de standing, la restauration d’entreprise prend des formes multiples. Mais sa qualité dépend du temps de pause-déjeuner et de la générosité des employeurs.

Assistante commerciale chez Sanofi Pasteur, en région lyonnaise, Valentine aime bien manger. Mais elle n’imagine pas déjeuner ailleurs qu’à « son » restaurant d’entreprise. « Je peux prendre le menu du jour, à 2 euros, ou déjeuner à la carte pour 3 à 4 euros. Dans tous les cas, c’est très bon… et je ne prends même plus la peine de cuisiner le soir à la maison. » Sanofi Pasteur a confié à L’Alsacienne de restauration la gestion de ce restaurant destiné aux 2 500 salariés du site de Marcy-l’Étoile. L’entreprise subventionne chaque repas à hauteur de 5,90 euros, ce qui est plutôt généreux si l’on considère que l’obole versée par les employeurs tourne plutôt autour de 50 %, sachant qu’elle peut aller de 0 à 100 % pour des repas coûtant en moyenne 7 euros. À la RATP, les 45 000 salariés bénéficient de 25 restaurants d’entreprise entièrement gérés par le comité d’entreprise : « Un repas complet leur coûte en moyenne 5,21 euros pour un prix de revient de l’ordre de 8 euros, explique Jean-Michel Hurault, secrétaire général adjoint du CE. Les deux tiers du prix sont à la charge du salarié, le tiers restant étant financé par le CE. »

« L’offre de restauration participe clairement de la politique sociale des entreprises, souligne François Laville, directeur général de Sodexo Entreprises. En tant que prestataires, nous sommes partenaires du DRH mais pas décisionnaires ! » La qualité de la prestation, naturellement liée à son prix, est une prérogative de l’employeur. Or ses obligations restent limitées : proposer une formule de restauration n’a rien d’impératif. « À défaut, l’entreprise doit mettre un réfectoire équipé d’un réfrigérateur et d’un four à micro-ondes à la disposition de ses salariés, explique Daniel Loriot, sociologue et expert au sein du cabinet SocialConseil. Elle peut également leur accorder des titres-restaurants. Mais cette formule ne satisfait que les cadres : les bas revenus et les horaires contraignants des ouvriers et des employés ne leur permettent pas d’aller au restaurant tous les jours. »

France Télécom en référé. Un message que n’a pas voulu entendre France Télécom. Quand l’opérateur a regroupé les 680 salariés de ses cinq centres d’appels parisiens boulevard Saint-Michel, en 2006, il a estimé que la présence de nombreux cafés et brasseries à proximité et l’existence d’un restaurant interentreprises à cinq stations de métro rendaient la création d’une cantine superflue. « Considérant que les employés d’un centre d’appels ont besoin de se détendre pendant leur pause-déjeuner qui est, de surcroît, minutée, le CHSCT a jugé qu’il serait opportun de prévoir un restaurant dans le nouveau bâtiment », rappelle Pierre Bouaziz, son avocat. Le juge des référés a accepté le principe d’une expertise au motif que la question de la restauration collective fait « nécessairement partie des conditions de travail ». Une enquête a été menée auprès des salariés : plus de la moitié ont répondu. Ils ont massivement exprimé le souhait de bénéficier, à moindre coût, d’un repas équilibré. Peine perdue : France Télécom a préféré se contenter d’un réfectoire.

Un enjeu de santé. Daniel Loriot considère pourtant que la restauration d’entreprise est un enjeu de santé publique. La partie n’est pas gagnée : si certains salariés bénéficient de véritables restaurants, notamment quand ils travaillent au siège, d’autres, en particulier sur les sites de production, ont encore l’impression d’aller à la cantine. Il serait injuste d’en faire uniquement porter la responsabilité aux prestataires, qui tentent – avec des enveloppes budgétaires d’autant plus restreintes que les appels d’offres sont sans pitié – d’inventer de nouvelles formules. « Service à table, self-service, plateaux traiteurs ou restauration rapide : nous avons quatre types d’activité », souligne Gilles Charousset, directeur marketing de la division entreprises d’Élior. De quoi répondre aux attentes des entreprises : « Dans 15 % des cas, elles sont dans une logique d’image. Nous devons alors proposer une formule innovante et de qualité, en rapport avec le standing de leur immeuble, note François Laville, de Sodexo. Dans 40 % des cas, notamment dans le tertiaire, les contraintes d’organisation priment : on nous demande des formules variées allant jusqu’à la distribution automatique avec des horaires très souples. Enfin, dans 45 % des cas, plutôt dans l’industrie, les considérations budgétaires l’emportent. » Mais attention : « Les entreprises doivent éviter de faire de la discrimination », prévient Gilles Charousset. Un décalage trop marqué entre le restaurant du siège et les cantines des sites de production risque d’être mal vécu.

Au-delà de la qualité de l’alimentation, les « convives » sont de plus en plus sensibles à la décoration, à l’insonorisation des restaurants ainsi qu’à l’accueil. « Le déjeuner entre collègues n’est plus vécu comme une obligation sociale mais comme un moment de détente », explique Gilles Charousset. Du reste, les premiers rayons de soleil vident les restaurants d’entreprise. « Il devient alors très difficile de faire des prévisions de fréquentation », sourit François Laville.

En outre, avec les 35 heures, les lundis, mercredis et vendredis sont devenus des jours creux. Les 25 restaurants de la RATP n’accueillent en moyenne que 6 000 convives par jour (sur 45 000 salariés). Il est vrai que la plupart n’ouvrent qu’à midi, alors que beaucoup de salariés travaillent en horaires décalés. Mais, surtout, « la nouvelle génération n’a pas la culture du repas assis, note Jean-Michel Hurault. Les jeunes préfèrent aller au fast-food. Pour attirer les jeunes en contrat d’alternance, nous avons divisé le prix des repas par deux. Et nous sommes en train de développer une nouvelle formule de restauration rapide ».

L’optimisation des plannings de travail impose une course de vitesse : « Dans certains ateliers de PSA, la pause-déjeuner a baissé de 40 minutes à 20 minutes, explique François Laville. Nous avons donc mis au point un système de restauration ambulante, grâce à une flotte de véhicules électriques. » « Sur certains sites industriels, la pause déjeuner n’est que de 19 minutes, renchérit Gilles Charousset. Nos selfs doivent donc absorber des flux de 50 à 100 personnes toutes les 10 minutes. » La restauration d’entreprise est devenue une mécanique de précision.

50 %

c’est la subvention moyenne accordée par les employeurs sur chaque repas, et 7 euros le prix moyen d’un repas.

(source : Élior).

Auteur

  • Sabine Germain