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Tableau de bord

Un emballement prix-salaires est-il à craindre ?

Tableau de bord | publié le : 01.03.2008 |

Philippe Waechter Directeur de la recherche économique de Natixis Asset Management

L’accélération récente du taux d’inflation a fait resurgir des raisonnements contradictoires entre les agents économiques. Cette accélération provient de la hausse rapide des prix de l’énergie et des produits agricoles. Les autres catégories de prix ont, elles, eu une évolution dans la continuité du passé récent. Le consommateur a un ressenti fort de l’inflation puisque ce sont les produits achetés quotidiennement (essence, pain…) qui augmentent le plus rapidement. Les interrogations et l’insatisfaction sur le pouvoir d’achat viennent principalement de là. Pourtant, dans une phase de ralentissement de la croissance, comme ce sera le cas en 2008, toute évocation d’une indexation des salaires sur les prix est périlleuse. L’inflexion de l’activité se traduit à court terme, au moins, par une baisse de la productivité. De la sorte, les entreprises ne peuvent entrer dans cette dynamique prix-salaire, sauf à prendre le risque d’une dégradation rapide de leur profitabilité. Le ralentissement de la croissance et son impact sur le marché du travail seront donc suffisants pour limiter les risques d’indexation et réduire ainsi la probabilité d’un emballement.

Éric Heyer Directeur adjoint au département analyse et prévision de l’OFCE

Depuis la désindexation des salaires sur les prix, il faut désormais que deux conditions soient remplies pour déclencher une telle spirale inflationniste : des tensions sur le marché du travail et sur celui des biens et services. Or on n’observe aucun des deux phénomènes. Avec environ 8 % de chômage au sens du BIT, la France reste confrontée à un chômage de masse. Hormis dans certains secteurs, les travailleurs n’y sont donc pas en position de force pour réclamer des augmentations de salaire. Notre appareil de production n’est pas davantage saturé. Les taux d’utilisation tournent actuellement autour de 86 %, ce qui est insuffisant pour qu’apparaissent des tensions. Dans l’Hexagone, la hausse des prix, partie d’un choc pétrolier, est principalement absorbée par les consommateurs. Elle se répercute peu sur les salaires. Il faut d’ailleurs relativiser l’ampleur de cette poussée. En glissement annuel, l’inflation atteint, certes, 2,6 %. Mais, débarrassée des éléments conjoncturels, l’inflation sous-jacente ne s’affiche qu’à 1,8 %, contre 1,6 % un an plus tôt. Elle est donc sous contrôle. Rien à voir avec les états-Unis, où l’inflation dépasse actuellement 4 %.

Denis Ferrand Directeur de la conjoncture et des perspectives de COE-Rexecode

Plusieurs éléments alimentent le risque d’une boucle prix-salaires. D’abord, si l’inflation reste plutôt modérée, ce n’est pas la perception qu’en ont les ménages. Ensuite, des difficultés de recrutement croissantes nourrissent les revendications salariales dans de nombreux secteurs. De plus, les fortes hausses passées du smic ont abouti à un écrasement de l’échelle des salaires qui appelle, à terme, une « redilatation ». Enfin, un tournant vers une distribution de salaires un peu plus généreuse paraît s’opérer outre-Rhin… Reste que la situation française diffère de celle de son voisin. Les marges de nos entreprises se sont réduites dans le secteur industriel, quand elles ont été restaurées en Allemagne depuis le début des années 2000. Une accélération salariale ne pourrait que brider un peu plus une compétitivité à l’exportation déjà défaillante. Les volants d’augmentation des salaires mensuels passent désormais plus par le recours accru aux heures supplémentaires défiscalisées. Pour peu que le dispositif ne se traduise pas par une augmentation du coût salarial de l’heure supplémentaire, comme c’est le cas pour les entreprises de moins de 20 salariés.

Pour en savoir plus

Insee, note de conjoncture, décembre 2007.

www.insee.fr

OCDE, Perspectives économiques n° 82, décembre 2007.

www.oecd.org

Natixis, Éco Hebdo, études économiques n° 6, 8 février 2008

www.natixis.com

OFCE, rubrique Indicateurs & prévisions sur www.ofce.sciences-po.fr

COE-Rexecode Diagnostic(s) n° 6, janvier 2008.

www.coe-rexecode.fr