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Un petit marché de poids lourds

Dossier | publié le : 01.03.2008 | A.-S. B.

Réforme des retraites oblige, le secteur de l’épargne salariale offre de belles perspectives. De grands gestionnaires, banquiers ou assureurs, y ont fait leur place et comptent bien le développer.

En ce début d’année, les gestionnaires de l’épargne salariale sont sur la brèche. Ils se préparent au mouvement de déblocage de la participation décidé par le gouvernement. Depuis janvier, des cellules de crise renforcent les plates-formes téléphoniques, envoient des mailings de préinformation en entreprise, rodent les systèmes. « Lors du précédent de 2004, nous avons dû gérer en trois mois un nombre de transactions équivalent à ce que nous faisons en un an. Cette fois-ci, nous avons pris nos dispositions pour faire face à la demande », explique Jean-Michel Foucque, directeur de Prado Épargne Gestion. Axa, qui s’apprête à basculer sur un nouveau système de gestion des comptes en février, se serait sans doute bien passé de cette péripétie. Mais si les gestionnaires sont un peu agacés par ces interventions intempestives du législateur, ils sont loin d’être moroses.

Contrer les nouveaux venus. Depuis trois ans, le marché surfe sur une croissance à deux chiffres. Les en-cours ont grimpé de 64 à 93 milliards d’euros entre juin 2005 et juin 2007. Les plans d’épargne d’entreprise (PEE) sont passés de 10 000 à 165 000 en six ans. Et le grand rendez-vous de 2008 sur la retraite devrait donner un coup de fouet au dispositif encore émergent qui fait saliver les gestionnaires : le Perco. L’épargne salariale reste un petit marché. Elle ne pèse que 10 % de l’assurance vie mais offre de bonnes perspectives et, surtout, elle est beaucoup plus concentrée. Cinq grands acteurs, Natixis, le Crédit agricole, la Société générale, Axa et BNP Paribas, se partagent les trois quarts du marché (voir ci-contre). On ne lâche pas une telle rente comme cela ; aussi mettent-ils les moyens pour conserver leur position et contrer l’arrivée de nouveaux acteurs.

L’atout des réseaux de distribution. En gérant les fonds d’actionnariat salarié de la majorité des acteurs du CAC 40, ces poids lourds ont noué des relations fortes et stables auprès des très grandes entreprises et acquis leur légitimité pour s’occuper de fonds plus diversifiés. Afin de couvrir les entreprises plus petites, assureurs ou banquiers disposent d’un autre atout : de puissants réseaux de distribution. Le Crédit agricole a ainsi gagné des points sur ses concurrents en misant sur les agriculteurs, les professions libérales, les artisans, via ses agences et avec des produits packagés. « La moitié de la nouvelle collecte s’est faite cette année sur les professionnels », témoigne Pierre Schereck, directeur commercial et marketing de l’épargne salariale du Crédit agricole. Les dirigeants de ces petites entreprises sont éligibles à titre personnel, en tant que mandataires sociaux, aux PEI et Percoi (plan d’épargne pour la retraite collectif interentreprises). Et les conditions fiscales attractives en font un levier privilégié si l’on veut se constituer une épargne à long terme. Chez Axa aussi, on bat le rappel des agents et des courtiers pour draguer PME et TPE.

En vue d’emporter l’adhésion de leurs clients, les grands acteurs misent sur le service. L’épargne salariale met en jeu deux grands métiers, séparés juridiquement depuis 2001. D’un côté, la gestion financière, dont on attend de la performance, et, de l’autre, la tenue de compte, pour effectuer arbitrages, versements, retraits, dont on attend une bonne qualité d’exécution. « C’est une prestation très visible mais fortement déficitaire », explique Ephraïm Marquer, directeur à l’Association française de la gestion financière. Elle nécessite de gros investissements informatiques, et les opérateurs ont rogné sur les prix pour gagner des parts de marché. Une tenue de compte peut être vendue aujourd’hui 8 euros l’an alors qu’un prix de 20 à 30 euros ne serait pas aberrant. Pour réduire les investissements, les quatre premiers acteurs du marché ont créé un GIE de moyens : le S2E. Seul le système de back-office est commun. Chaque acteur a sa plate-forme téléphonique et peut personnaliser ses services pour se différencier. Le Crédit agricole revendique, par exemple, des opérations effectuées en temps réel.

Toutefois, les petits teneurs de compte ne lâchent pas prise. Prado Épargne Gestion, implanté à Marseille, qui tient les comptes de ses propres fonds ainsi que ceux de banques comme Martin Maurel ou La Compagnie financière Edmond de Rothschild, mise sur la proximité. « Je suis persuadé qu’avec mon équipe polyvalente, où chaque client dispose d’un conseiller affecté, je peux rendre un service plus qualitatif qu’avec des grands systèmes industriels », affirme Jean-Michel Foucque.

Mais ne miser que sur le service, au point de négliger le produit, pourrait profiter à de nouveaux entrants, en particulier anglo-saxons. Selon Simon Desrochers, directeur de Watson Wyatt, conseil en rémunération, une offre standardisée ne suffit plus. « Longtemps en France, la gestion de l’épargne salariale ne boxait pas tout à fait dans la même catégorie que le reste de la gestion. Aujourd’hui les entreprises veulent faire appel aux meilleurs gestionnaires mondiaux et s’orientent vers des architectures ouvertes. » En clair, le teneur de compte doit intégrer en plus des fonds d’autres gestionnaires. Les opérateurs américains, spécialistes de l’épargne à long terme – Fidelity, Templeton, Franck Russell –, sont déjà en position.

ISR commence à séduire. Pour séduire les entreprises, les gestionnaires misent aussi sur les fonds d’investissement socialement responsables. Il y a quatre ans, les confédérations, hormis Force ouvrière, ont constitué le Comité intersyndical de l’épargne salariale, pour labelliser ce type d’investissement. Présents dans les conseils de surveillance de ces fonds, qui sont des instances paritaires, les syndicats ont peu à peu développé leur expertise. Du coup, certains gestionnaires ont multiplié petits déjeuners d’investisseurs et conférences thématiques à l’intention des organisations syndicales. La CFDT anime régulièrement des formations pour ses délégués du terrain. Certes, le décollage de l’ISR est encore timide puisque ces fonds ne pèsent que 2 % de l’en-cours des salariés. Mais en 2007, pour la première fois, l’Aspi, indice des 120 sociétés les mieux notées en matière de responsabilité sociale, a battu les performances de l’Euro Stoxx 50. Si la performance rejoint la morale, l’ISR a peut-être un bel avenir dans l’épargne salariale.

TOP 10

Les 10 premiers gestionnaires d’épargne salariale (en millions d’euros d’en-cours).

1 – Natixis Asset Management

19 114

2 – Groupe Crédit agricole

17 671

3 – Société générale Asset Management

13 603

4 – Axa Investment Managers Paris

11 003

5 – BNP Paribas Asset Management

10 623

6 – CM-CIC Epargne salariale

4 500

7 – HSBC Investments

4 383

8 – Inter Expansion

2 678

9 – Gestion BTP

2 296

10 – Fongepar Gestion financière

2 284

Source : AFG, juin 2007. Volume total du marché : 93 milliards d’euros.

Auteur

  • A.-S. B.